La machine à parlerÀ Jules Renard. L’homme qui entra, tenant un journal à la main, avait les traits mobiles et le regard fixe ; je me souviens qu’il était pâle et ridé, que je ne le vis pas une fois sourire, et que sa manière de poser un doigt sur sa bouche était pleine de mystère. Mais ce qui arrêtait d’abord l’attention, c’était le son étouffé et précipité de sa voix. Lorsque sa parole était lente et basse, on entendait les tons graves de cette voix, avec de soudains silences de vibrations, comme s’il y avait des harmoniques lointaines frissonnant à l’unisson ; mais presque toujours les mots se pressaient sur ses lèvres, et jaillissaient sourds, entrecoupés, discordants, semblables à des bruits de fêlure. Il paraissait y avoir en lui sans cesse des cordes qui cassaient. Et de cette voix