Angoisse

1152 Words
Je veux regarder l’écran mais il devient noir.  L’un des nôtres a été détruit, j’en suis persuadée.  Son Excellence Deschamps me demande de convoquer mes sœurs de Coterie immédiatement.  Il quitte rapidement la pièce.  Mes mains tremblent tellement que je n’arrive pas à trouver le nom de Lydia dans ma liste de contacts sur mon téléphone.  Julian s’en charge pour moi, me gardant contre lui.  Je le regarde, reconnaissante.  Tous les citoyens présents au Munitum sont invités à se rendre dans la grande salle.  Sur place, sans réfléchir, je me dirige d’un pas lent vers mon coin quand quelqu’un m’attrape par le bras.   -          Tu n’es pas ici pour ta punition, Sweety, me rappelle Julian tendrement.   -          Je ne sais plus où est ma place Julian, soufflé-je à son oreille en me réfugiant dans ses bras.  J’ai l’impression que tout le monde me regarde.  C’est devenu si inhabituel.  Dans ce coin, je n’existe pas.    -          Mais tu as toujours existé pour moi, grogne-t-il dans mon cou.  Je n’aime pas t’entendre dire de telles absurdités.  Je comprends cependant ce que tu veux dire.    Il m’entraîne vers le coin gauche de la salle, réalisant qu’il est pour moi le dernier repère qu’il me reste en ces lieux.  Je remarque immédiatement que le X sur le tapis n’y est plus, signe que cette période que je n’arrive pas à qualifier de sombre est vraiment terminée.  Julian s’adosse au mur et m’attire à lui.  Nous sommes toujours enlacés lorsque Kat et Lydia nous rejoignent.  La nervosité se lit sur le visage de ma petite Gardienne préférée et son angoisse dépasse clairement la mienne.  Elle s’inquiète pour Lucas et son côté hyper protecteur peut la rendre sérieusement folle dans de telles situations.    -          Je crois que la chasse aux méchants sera ouverte pour Kat, murmuré-je à Julian.  La dernière fois que je l’ai vue dans cet état, c’est quand nous avons appris que Lucas s’était fait attaquer à l’Assemblée.    -          Il n’y a pas qu’à elle que ça fera du bien.  J’ai de la difficulté à gérer mon inquiétude pour les Filles et je ne voudrais pas me défouler sur toi.  Surtout si…   -          Je sais, le coupé-je, refusant qu’il mette des mots sur ce que mon esprit ne veut pas envisager.   Je lui flatte doucement la joue.  Il prend ma main pour en embrasser la paume.  Les yeux dans les yeux, nous nous promettons de rester forts, peu importe ce qui va se passer.  Les minutes avancent.  Les guerriers reviennent peu à peu.  L’arrivée de l’Ambassadrice De Lagarde, représentante de la cité de Laval et responsable de la Coterie des Chardons Ardents, nous donne malheureusement un indice sur ce qui s’est probablement passé dans ce bâtiment de l’ouest de l’île.  Le stress de Kat monte en flèche et je ne trouve pas les mots pour la réconforter.  Le Maréchal O’Sullivan entre dans la grande salle.  Il cherche quelqu’un du regard.  Il plisse des yeux en nous voyant.    -          Pourquoi ce coin ?  Vous n’êtes plus… Ah, laissez tomber.  Suivez-moi.  Monseigneur souhaite vous voir dans le stationnement, dit-il en pointant Lydia, Kat, Julian et moi.   Il nous demande d’attendre près de la porte avant d’aller à l’avant de la salle pour quérir l’Ambassadrice de Laval.  L’inquiétude se lit sur tous les visages des Immortels devant moi.  Je vois qu’ils cherchent des réponses, qu’ils ont besoin d’être rassurés.  J’aimerais savoir comment le faire mais j’arrive à peine à retenir mes propres angoisses.  Je ne peux que leur montrer que je suis solidaire, que je suis avec eux, comme je l’ai toujours été.  D’un hochement de tête et en les regardant un par un, je tente de leur faire comprendre que nous sommes unis dans cette épreuve.  Ma capacité surnaturelle d’empathie décode que plusieurs ressentent énormément de culpabilité, de remords et de regrets.  J’aimerais tellement les envelopper d’amour afin qu’ils sachent tous que je ne leur en veux pas.  J’ai soudain l’impression que mon corps dégage une aura similaire à celle que j’amplifie artificiellement lorsque j’enclenche la souveraineté de mon sang.  Mais cette fois, l’onde qui émane de moi n’est que douceur, tendresse et apaisement.  Une certaine stupéfaction se lit dans les yeux des citoyens puis ils s’inclinent.   -          Merci Prêtresse Duhamel, me disent-ils tous à tour de rôle.   Je reste là, devant eux, ignorant comment j’ai fait ce qui vient de se passer.  J’entends Kat dire à Lydia qu’elle se sent beaucoup plus calme sans comprendre pourquoi.  Même l’esprit de Julian me semble moins tourmenté.  Il me fixe intensément.  Il a bien senti que j’ai utilisé un pouvoir.  Je hausse les épaules pour lui faire comprendre que je n’ai aucune idée de ce que j’ai fait.    -          C’est un nouveau celui-là, grommelle O’Sullivan en arrivant à nos côtés.  Voyant que je le regarde probablement avec étonnement, il poursuit : Vos yeux étaient argentés Prêtresse.  Comme lorsque les Nyama calment la bête des Immortels.  Je l’aime bien celui-ci.  Calmez une foule peut s’avérer extrêmement pratique.  Allez, on nous attend.   Julian m’empoigne par le poignet et me tire vers la sortie.  Il me fait mal et je lui en passe la remarque.  Il grogne en me lâchant, continuant son chemin.  Je déteste quand il agit ainsi.  La première personne que je vois en arrivant dans le stationnement du Munitum est Cassie.  Elle est nonchalamment accotée sur un pilier.  Elle semble blessée mais elle tient debout ce qui me soulage instantanément.  Je m’élance vers elle en criant son nom.  J’entends Kat hurler le nom de Lucas en même temps.  Alors que je serre ma Fille dans mes bras, je le vois hésiter devant sa copine.  Il garde une bonne distance d’elle.  Je remarque que Julian serre Myriam contre lui.  Mon cœur de Mère est doublement soulagée.   -          Attrape-la et embrasse-la, Lucas, crie Ethan.  Ne perds pas de temps à te demander si elle va te frapper.  La vie est beaucoup trop courte.    Comme si les paroles du Colonel des Chardons Ardents les avaient dégelés, Lucas et Kat font un pas vers l’autre et s’embrassent sans se soucier de nous.  Je laisse ma Pupille et cherche Jörg parmi les guerriers.  Je veux comprendre pourquoi notre présence était requise.  Mes Filles vont bien.  Lucas est dans les bras de Kat.  Pourquoi l’Ambassadrice de Laval est-elle là ?  Pourquoi mes sœurs de Coterie devaient-elle être ici ?  Je me détends en voyant mon gros malabar bouger autour d’un véhicule.  Il déplace un corps avec l’aide d’Ethan.  Je plisse des yeux pour voir de qui il s’agit.  Je lâche un cri de désespoir en reconnaissant Viktor.  Notre Évêque est en torpeur.  Personne en ville ne peut le réveiller.    -          Non, non, non, sangloté-je.  Pas lui.  Pas maintenant.   Sans réfléchir, je me précipite sur son corps immobile comme pour le réveiller.  Je prends son visage entre mes mains, le supplie de ne pas m’abandonner à nouveau.  Je traverse un long couloir lumineux.  Julian va être furieux.
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