Les Mots pour Panser les Plaies

1289 Words
Les jours s’étaient écoulés à un rythme lent pour Éléa. Chaque matin, elle s’éveillait avec un sentiment de vide et de tristesse qui lui semblait insurmontable. Ses parents, Hélène et Marc, la voyaient s’effacer un peu plus chaque jour, prisonnière d’un chagrin qu’elle n’avait jamais connu auparavant. Malgré leur inquiétude, ils respectaient son silence, lui laissant l’espace dont elle avait besoin pour guérir à son rythme. Ce matin-là, alors qu’ils prenaient leur petit déjeuner, Éléa releva enfin la tête, ses yeux chargés de fatigue et de tristesse. Hélène et Marc se regardèrent brièvement, sentant qu’un moment important était sur le point d’arriver. « Papa… Maman… j’ai besoin de vous parler, » murmura-t-elle, sa voix presque éteinte. Hélène posa doucement sa tasse de café, tendant une main réconfortante vers sa fille. « On t’écoute, ma chérie. Prends ton temps. » Éléa inspira profondément, sentant une vague d’émotion monter en elle. Les mots étaient difficiles à formuler, mais elle savait qu’elle devait libérer ce poids qui pesait sur elle depuis si longtemps. « Vous savez… Alexandre et moi… on s’aimait. Enfin, je pensais qu’il m’aimait vraiment, » commença-t-elle, la voix tremblante. « Il m’avait promis qu’il quitterait Sophie, qu’on pourrait enfin vivre notre amour sans se cacher. Il me l’avait juré, vous comprenez ? » Marc hocha la tête, écoutant attentivement, son regard empli de compassion. « Oui, ma chérie. Continue. » Les larmes commencèrent à couler sur les joues d’Éléa. « Mais… tout a changé le jour où elle lui a annoncé qu’elle était enceinte. C’est comme si, en un instant, tout ce qu’il m’avait dit n’avait plus d’importance. Il a choisi de rester avec elle… pour l’enfant, » expliqua-t-elle, sa voix se brisant sur le dernier mot. Hélène, le cœur serré, glissa une main dans celle de sa fille. « Oh, Éléa… je suis tellement désolée. Je sais à quel point tu y croyais. » Éléa serra les poings, la douleur se transformant en colère. « Mais pourquoi m’a-t-il fait ça ? Il m’avait juré qu’il la quitterait. Il me l’avait promis ! » s’exclama-t-elle, sa voix se muant en sanglot. « Et moi alors ? Moi, je suis quoi ? Juste une illusion dans sa vie, un passe-temps ? » Marc, voyant la détresse de sa fille, posa une main réconfortante sur son épaule. « Ce n’est pas ta faute, Éléa. Alexandre a pris une décision, mais cela ne diminue pas l’importance de ce que vous avez vécu ensemble. Il a choisi de rester pour son enfant, mais cela ne veut pas dire qu’il n’a pas eu de vrais sentiments pour toi. » Éléa secoua la tête, les yeux pleins de larmes. « Il m’a abandonnée, papa. Je me sens tellement vide. J’ai tout quitté pour lui… Paris, mon travail. Et maintenant, il ne reste rien. Juste ce vide. » Hélène soupira, touchée par le désarroi de sa fille. Elle savait que les mots ne suffiraient pas à combler la peine d’Éléa, mais elle devait essayer de l’aider à retrouver un semblant de paix. « Ma chérie, je sais que rien de ce que je dirai ne pourra apaiser ta douleur, mais tu n’es pas seule. Nous sommes là pour toi. Tu es revenue chez toi, dans ta famille. Et même si tu te sens perdue, on va faire en sorte que ce poids devienne plus léger, jour après jour, » dit Hélène, sa voix douce et pleine de tendresse. Éléa hocha la tête, reconnaissante pour la présence inébranlable de ses parents. Elle sentait que, malgré le chagrin, elle n’était pas complètement seule. Ce soutien, cette chaleur, commençait à la réconforter, aussi imperceptiblement soit-il. « Écoute, ma chérie, » reprit Marc, « que dirais-tu qu’on sorte un peu ? On pourrait aller faire une petite promenade, comme quand tu étais petite. » Hélène approuva avec un sourire. « Oui ! Ou peut-être que tu pourrais m’aider en cuisine. J’allais faire des petits sablés. Tu te souviens de la recette que tu aimais tant préparer avec moi quand tu étais enfant ? » Un léger sourire apparut sur le visage d’Éléa, un sourire qui semblait presque effacé par la douleur mais qui montrait un début d’apaisement. « Oui, je m’en souviens… Tu veux qu’on les fasse ensemble ? » Hélène lui serra la main avec un sourire rassurant. « Bien sûr ! Ça nous fera du bien à toutes les deux. Et puis, ça te changera les idées. » Elles se levèrent pour se rendre en cuisine, et Marc les suivit, le cœur un peu plus léger de voir sa fille retrouver un semblant de joie, même fugace. Ensemble, ils se mirent à préparer la pâte à sablés, mesurant la farine, le sucre, et découpant le beurre en petits morceaux. « Tu te souviens, Éléa, de la fois où tu avais renversé toute la farine par terre ? » dit Marc en riant doucement. Éléa sourit, se rappelant de ce souvenir. « Oui… et tu avais passé une heure à tout nettoyer pendant que maman et moi faisions cuire les sablés, » répondit-elle avec un petit rire. Pendant quelques instants, l’atmosphère fut plus légère. Les rires résonnaient dans la cuisine, et les souvenirs d’enfance d’Éléa, mêlés aux gestes familiers de la cuisine, lui offraient une pause dans sa tristesse. Pour la première fois depuis longtemps, elle sentit un léger poids se lever de son cœur, comme si les souvenirs d’un temps plus heureux l’aidaient à respirer un peu plus librement. Après avoir enfourné les sablés, Hélène posa doucement une main sur l’épaule de sa fille. « Tu sais, Éléa, il est normal d’être dévastée. Ce que tu as vécu est incroyablement douloureux. Mais rappelle-toi que, malgré tout, la vie continue. Et je crois que cette expérience, aussi difficile soit-elle, finira par te rendre plus forte. » Éléa soupira, les yeux fixant le four où cuisaient les sablés. « J’espère, maman… Mais en ce moment, je ne sais pas si je suis capable de surmonter tout ça. » Marc posa une main sur le dos de sa fille. « Tu n’as pas besoin d’être forte tout de suite. Prends ton temps. Et en attendant, laisse-nous t’aider. Nous allons traverser cette épreuve ensemble, d’accord ? » Elle hocha la tête, touchée par leur soutien inconditionnel. À ce moment-là, elle se rendit compte de la chance qu’elle avait d’avoir des parents aussi aimants, prêts à l’accueillir, peu importe ses erreurs, prêts à l’aimer sans condition. Ce sentiment la réchauffait, lui offrant une première lueur d’espoir. Hélène proposa alors une petite sortie pour l’après-midi. « Que dirais-tu d’une balade ? Le soleil est de sortie, ça nous fera du bien. » Après avoir fini de déguster les sablés chauds, ils partirent tous les trois, marchant le long des sentiers fleuris de Beaucourt-sur-Mer. Ils croisèrent des voisins et des amis de longue date, des personnes qui avaient vu Éléa grandir. Parmi eux se trouvait Mme Morel, une vieille amie de la famille, qui s’arrêta pour saluer Éléa. « Oh, Éléa, quelle belle surprise ! Ça fait si longtemps ! Comment vas-tu ? » demanda-t-elle avec un sourire bienveillant. Éléa, bien que surprise par l’attention, répondit poliment. « Ça va… Je suis juste de retour pour quelque temps, » dit-elle, un peu hésitante. Mme Morel lui tapota doucement la main. « Reviens quand tu veux, ma chère. La vie ici est toujours plus douce, tu sais. Prends le temps de te reposer et de te retrouver. » Ces mots simples lui firent du bien. Elle sentit un apaisement se répandre en elle, une sensation de paix fugace mais réconfortante. Ses parents l’accompagnèrent, leur amour et leur présence devenant le baume dont elle avait besoin pour se reconstruire, jour après jour, un pas à la fois.
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