Alexandre était seul dans son bureau, le regard perdu dans les lumières de la ville. Les grandes baies vitrées offraient une vue imprenable sur Paris, mais il ne voyait rien de la beauté qui s’étendait devant lui. Son esprit était accaparé par une douleur profonde, un vide qu’il n’arrivait pas à combler. Éléa avait quitté sa vie, emportant avec elle une partie de son cœur. Malgré la décision qu’il avait prise, il ne pouvait se résoudre à oublier la femme qui avait illuminé ses jours de façon inattendue.
Il revivait sans cesse ces derniers moments avec elle, les promesses qu’il avait faites, et qu’il n’avait finalement pas pu tenir. Il lui avait promis qu’il quitterait Sophie, qu’ils vivraient enfin leur amour au grand jour. Il s’en voulait terriblement pour cette trahison. Mais en même temps, il savait qu’il n’avait pas vraiment eu le choix. La nouvelle de la grossesse de Sophie avait changé le cours de sa vie en un instant, l’obligeant à renoncer à ce qu’il avait de plus précieux.
Pour Alexandre, ce sacrifice était un devoir. Malgré ses sentiments pour Éléa, il ne pouvait pas priver son enfant de la présence de son père, ni abandonner Sophie dans un moment aussi délicat, même s’il savait qu’elle et lui n’avaient plus rien en commun depuis longtemps. L’amour et la passion qui avaient jadis animé leur mariage s’étaient éteints au fil des années, laissant place à un vide émotionnel que ni l’un ni l’autre ne parvenait à combler.
Alexandre repensa à toutes les tentatives pour raviver leur flamme. Ils avaient essayé les voyages, les dîners romantiques, les escapades en amoureux. Mais rien n’y faisait. Sophie semblait ailleurs, davantage intéressée par ses propres projets, ses soirées, et cette liberté qu’elle chérissait tant. Alexandre avait fini par se sentir étranger dans son propre mariage, retenu uniquement par les souvenirs d’une époque révolue. Mais Éléa, elle, avait changé sa vie. Elle lui avait apporté une bouffée d’air frais, un amour sincère et intense, et il s’était vu rêvant d’un futur à ses côtés, loin des contraintes de ce mariage sans passion.
Le jour où il avait appris que Sophie était enceinte avait pourtant bouleversé toutes ses certitudes. Lui qui avait tant rêvé de devenir père, de construire une famille, voyait enfin ce rêve se réaliser. Depuis toujours, il avait aspiré à ce rôle, mais Sophie n’avait jamais montré le moindre intérêt pour la maternité. La nouvelle de cette grossesse avait donc été pour lui un choc, une nouvelle inattendue et bouleversante. C’était un miracle, un événement qu’il n’avait jamais osé espérer, et qui le remplissait de joie autant qu’il le plongeait dans un abîme de tristesse.
En choisissant de rester, Alexandre savait qu’il renonçait à Éléa. C’était une décision déchirante, car Éléa était la première femme depuis des années à lui donner l’espoir d’un bonheur véritable. Avec elle, il avait senti renaître un amour pur et sincère, une connexion profonde qu’il croyait impossible dans sa situation. Mais il ne pouvait pas abandonner cet enfant à naître, cette vie qu’il avait contribué à créer. Il savait qu’il devait être présent pour son fils ou sa fille, et cette responsabilité, ce devoir de père, l’avait emporté sur son propre bonheur.
Pourtant, la douleur de la perte d’Éléa continuait de le hanter. Il avait renoncé à l’amour de sa vie pour son enfant, et il portait ce poids comme une marque indélébile sur son cœur. Chaque jour, il se demandait ce qu’elle faisait, où elle était, s’il lui arrivait de penser encore à lui, ou si elle l’avait déjà oublié, déçue par ses promesses non tenues. Il l’imaginait recommençant sa vie, loin de Paris, loin de tout ce qui pouvait lui rappeler leur relation.
Mais dans ce renoncement, Alexandre trouvait malgré tout un réconfort : celui de devenir père. Cet enfant, cette petite vie qu’il n’avait pas encore rencontrée, devenait son pilier, son espoir. Pour lui, il était prêt à sacrifier tout ce qu’il avait construit, y compris cette relation qui avait donné un sens nouveau à sa vie. Il s’accrochait à l’idée que, même s’il ne pourrait plus être heureux avec Éléa, il pourrait au moins offrir à cet enfant l’amour et la stabilité qu’il méritait.
Les jours passaient, et Alexandre essayait tant bien que mal de se réjouir de cette nouvelle paternité. Il assistait aux rendez-vous médicaux avec Sophie, écoutait les battements du cœur de son enfant à travers les échographies. À chaque battement, il ressentait un mélange de bonheur et de chagrin, comme une douce torture qui le rappelait à son choix difficile. Mais il restait auprès de Sophie, se montrant présent, patient, même si son cœur appartenait toujours à une autre.
De temps en temps, il se retrouvait à observer les couples dans les rues, les amoureux qui se souriaient, qui partageaient des moments de complicité, et cela lui rappelait Éléa. Avec elle, il avait connu une passion intense, une connexion qui dépassait les mots, et il savait qu’il ne retrouverait jamais cela. Mais il avait décidé de s’effacer, de se dévouer entièrement à son enfant à venir, et de cacher cette part de lui qui restait éperdument amoureux d’Éléa.
Il tentait d’enterrer cet amour, de le recouvrir d’un voile de responsabilité, de devoir, de raisonnements, mais parfois la douleur ressurgissait. Les nuits étaient les plus difficiles, quand le silence de l’appartement le confrontait à ses choix. Il errait dans les pièces sombres, le cœur lourd, parfois en proie à des regrets, parfois en se demandant s’il avait vraiment pris la bonne décision.
Sophie semblait elle aussi perdue, comme si elle n’était pas prête à assumer ce rôle de mère. Il voyait en elle des doutes, de l’appréhension, et il se demandait parfois si elle ne regrettait pas, elle aussi, ce changement de vie. Mais ils n’en parlaient jamais vraiment. Ils se contentaient de vivre côte à côte, chacun avec ses propres pensées, ses propres regrets, tout en faisant semblant de bâtir une vie de famille. Alexandre sentait qu’il manquait quelque chose, que cette situation n’était qu’une illusion de bonheur, un sacrifice que tous deux avaient consenti pour l’avenir de cet enfant.
Les jours se transformaient en semaines, et Alexandre continuait de s’investir dans ce futur incertain. Chaque visite médicale, chaque préparation de la chambre de l’enfant lui procurait un étrange mélange d’espoir et de tristesse. Ce paradoxe le suivait, l’enfermait dans un quotidien où il se montrait présent, mais où son cœur demeurait lointain, prisonnier d’un amour inachevé.
Au fond de lui, il savait qu’il n’oublierait jamais Éléa, et que leur histoire resterait gravée en lui, comme une blessure qui ne cicatriserait jamais complètement. Mais il avait fait un choix, et il devait s’y tenir, pour l’enfant, pour cette vie innocente qui allait bientôt dépendre de lui.
Le sacrifice d’Alexandre était immense, et chaque jour, il apprenait à composer avec cette perte, à accepter cette douleur. Il espérait qu’un jour, peut-être, il trouverait la paix dans ce choix. En attendant, il se raccrochait à cet espoir : celui de devenir le père que son enfant méritait, même si cela signifiait renoncer à l’amour de sa vie.