Prisonnière - Tome 1

Cover-2

— Ambre …Pas Manon, mais Ambre.

Les heures ont défilé depuis le départ de ma famille, mais je ne cesse de réfléchir. Je ne comprends pas pourquoi Ambre m'est venue en tête comme étant mon prénom, je suis persuadée de m’appeler comme ça, mais c'est impossible, Amandine me dit que je suis Manon. Peut-être que cette Ambre est une connaissance à moi, une amie, une sœur ...Il faudra que j'en parle à quelqu’un, mais avant je préfère essayer de trouver par moi-même.

Alice arrive tout sourire, le docteur Malcolt a dû expliquer que l'on connaissait mon identité et les circonstances présumées de mon arrivée.

— Alors petite Manon, tu dois être heureuse de revoir tes proches !

— Bonjour Alice, je sais qui je suis maintenant grâce à ma cousine, lui répondis-je avec un demi-sourire. Mais je ne me rappelle pas encore.

J'hésite à lui parler de cet éclair me faisant dire le prénom d'Ambre, après tout, elle ne sait rien de moi, elle ne me serait d'aucune aide. Je tente quand même une question ;

— Alice, savez-vous si d'autres personnes de ma famille doivent venir ?

Alice paraît gênée de ma question. Elle tripote les machines sans oser me regarder, ça ne lui ressemble pas. Elle qui est si douce et attentionnée avec moi.

— Alice ?

— Je pense que tu devrais demander à ta cousine ou ton fiancé demain Manon. Je ne peux pas t'en dire plus, je suis désolée.

Comment ça, elle ne peut pas m'en dire plus ? Ça veut bien dire qu'elle sait quelque chose !

Me revoilà avec de nouvelles questions alors que je commence à peine à lever le voile sur les premières que je me posais. Je sais que ça ne sert à rien d'insister auprès d'Alice, elle a l'air bien décidé à ne rien me dire, je ne pourrais compter que sur Amandine et Julien. Je ne pense même pas à mon cerveau, la partie souvenir me fait trop défaut ! J’espère juste qu'ils reviendront vite demain et que ma tête me laissera un peu de répit pour pouvoir leur poser toutes les questions dont j'ai besoin de réponses.

La soirée se passe tranquillement, Alice n'est pas de service pour la nuit, mais a dû donner des explications, car une jeune infirmière vient en début de soirée me demandant si je souhaite qu'on entre-ouvre ma fenêtre. Sentir cet air chaud pénétrer dans la chambre, voir les lumières des rues me fait un bien fou. Mes pensées s'évaporent dans la ville et c'est apaisée que je m'endors.

Chapitre 3

Willy Denzey ; qui je suis.

Je suis réveillée de bonne heure pour le déjeuner et ma toilette, la même infirmière qu'hier soir m'explique que mes proches m'apporteront des vêtements propres aujourd'hui, je vais enfin pouvoir quitter cette blouse qui est franchement affreuse et avec un peu de chance je pourrais sortir un peu prendre l'air ! En attendant, je réfléchis au rêve que j'ai fait. Je me rappelle avoir entendu des cris, et une odeur forte pour ensuite être devant une porte coulissante comme celle en bas aux urgences. Ce doit sûrement être des bribes de souvenirs dont m'a parlé ma cousine hier. C'est bon signe, ça veut dire que ma mémoire se remet en marche !

Amandine et Julien sont arrivés vers 14 heures avec, comme me la dit l'infirmière, des vêtements propres, et des affaires de toilette. Alors que je demande à Amandine de m'aider à me relever pour que je puisse aller dans la salle de bain me changer, celle-ci me répond

— Manon enfin, ce n'est pas comme si Julien ne te connaissait pas, et je suis une femme également, tu n'as pas de pudeur à avoir avec nous.

Ouais enfin ça c'est facile à dire pour eux, ils sont encore des inconnus pour moi !

— Amandine, je préférerais vraiment pouvoir aller dans la salle d'eau. Je ne me sens pas vraiment à l'aise.

—Ne fais pas d'enfantillage enfin ! Nous sommes entre nous ! Julien, va bloquer la porte de sorte que personne n'entre !

Julien, qui lui n'a toujours pas ouvert la bouche, se poste dos contre la porte tandis qu'Amandine s'approche de moi pour me dégrafer le derrière de ma blouse. Une fois celle-ci enlevée, je la vois regarder Julien avec un petit sourire en murmurant

— Tu es parfaite …

Je suis troublée de ses paroles, mais m’habille le plus rapidement possible pour cacher ma nudité.

J'ai eu l'autorisation de sortir un peu en étant accompagnée, bon ce n'est pas grand-chose d'aller à l'entrée de l'hôpital, sur ce petit bout de terrain où les personnes fument et boivent un café, mais sortir de cette chambre est tellement plaisant !

Amandine s'est assise sur le banc à côté de moi Julien se tient en retrait, une cigarette à la bouche. Depuis l'épisode dans ma chambre, et le « Tu es parfaite » d'Amandine, j'avoue me trouver mal à l'aise en leurs présences. Quelque chose sonne faux, mais je n’arrive pas à déceler quoi.

Le regard de Julien a changé, comme si me regarder lui est insupportable, le dégoûte même. Mais toujours aucun mot ne m’est adressée de sa part.

Bizarre quand même pour un fiancé, j’ai comme l’impression qu’il me rejette, pire même, qu’il est mal à l’aise avec moi tellement il est fuyant quand je le surprends à me regarder. Je ne me sens pas à ma place, il va vraiment falloir que j'essaie de régler ce souci, je ne peux pas rester dans cette situation. Si cette satanée mémoire voulait bien refaire surface, tout serait tellement plus simple !

Chaque chose en son temps, je profite de ce moment de calme pour poser la question qui me brûle les lèvres depuis hier ;

— Amandine, sais-tu si d'autres membres de la famille savent que je suis ici ?

Je vois, du coin de l’œil, Julien se détourner de nous tandis qu’Amandine avale son café de travers. En reprenant contenance elle me répond ;

— Manon, tu n'as plus de parents depuis longtemps, le reste de la famille ne se soucie ni de toi ni de moi. Cela fait des années où tu n'as plus que moi et Julien. Mais pourquoi me demandes-tu ça ?

— Pardon ... Je n'arrive pas encore à me rappeler, tout est flou. Je demandais par simple curiosité.

Je n'ai donc plus de famille à part eux, ça explique pourquoi personnes d'autres ne ces manifestés. Julien coupe court à mes pensées en m’adressant, enfin, la parole ;

— On retourne dans ta chambre, je vais aller voir un médecin pour que tu sortes d'ici au plus vite.

Sans me laisser le temps de réagir, il s'avance vers les portes-tambour, Amandine me pousse à le suivre. L'ambiance est tendue dans l'ascenseur nous menant au deuxième étage où se trouve ma chambre. Amandine pianote son téléphone, Julien à l’air perdu dans ses pensées en fixant ses pieds et moi ...je ne sais plus où me mettre !

Le cling qui annonce l'arrivée me permet de sortir de cet espace clos, je me dirige vers ma chambre suivie de ma cousine et mon fiancé tourne vers les bureaux du personnel.

Tout en m'asseyant sur mon lit, je demande à Amandine ;

— Je n'avais pas de sac quand je suis arrivée ici ?

— De sac ?

— En fait, je me disais que j’aurais pu avoir un sac avec des papiers d’identité, des clés, un téléphone ...enfin des choses que tout le monde possède ...

— Tu as dû le perdre, je n'en sais rien moi ! s’énerve Amandine.

Outch, si ça commence comme ça, cela va être gai tiens ! Désireuse de repartir sur de bonne base je lance ;

— Tu sais tout de moi, mais parle-moi un peu de toi. Tu as quelqu'un dans ta vie ?

Rien qu'à son regard, je vois que ce n'était pas une question à poser ! Moi qui voulais bien faire, c'est encore raté  !

— C'est compliqué si tu veux tout savoir. Je n'ai pas envie d'en parler, le sujet est clos

Là ce ne peut être plus clair, je n'en saurais pas plus, et je ne devrais même pas tenter d'en savoir plus. Peut-être que Julien me répondra lui, mais pour ça il faudrait déjà qu'il me parle. Je crois que la conversation avec lui s’impose, et je sens que ça ne va pas être chose aisée.

C'est à ce moment de mes pensées qu'il entre dans ma chambre d'hôpital.

— Tu sors demain, me dit-il. Les médecins veulent te garder encore cette nuit. Ils acceptent que nous te ramenions à la maison si tôt puisqu’Amandine est infirmière, elle sera apte à t’administrer ton traitement.

— Ah, enfin une bonne nouvelle, lui répond Amandine.

Demain ... Je vais enfin retrouver mon chez-moi, ça sera plus facile pour réveiller ma mémoire, c'est un lieu familier avec des affaires personnelles ! Je ne peux plus retarder l'échéance, il faut que je discute avec Julien.

— Je pourrais te parler Julien ? Seul …

Je vois mon fiancé et ma cousine échanger un bref regard avant qu'elle ne réponde à sa place,

— Je ne t'ai jamais dérangé Manon quand tu souhaitais parler avec Julien, mais je vais sortir me chercher un truc à boire ça vous permettra de « discuter » …

La porte se referme sur ses paroles et Julien regarde ses chaussures, s'il pouvait creuser le sol, il le ferait !

— Julien, je ne sais pas par où commencer. Je ne sais pas pourquoi nous nous sommes disputé et si je t'ai blessé, mais sache que j'en suis désolée. Ce qu'il nous attend ne va pas être facile, je ne me rappelle pas notre vie commune, je n’ai pas encore de souvenirs avec toi qui me reviennent en tête, je ne sais même pas cela fait combien d’années que nous sommes ensemble et ça me fait peur en plus de me faire mal de ne pas réussir à me rappeler. Mais je veux vraiment que ça se passe bien, qu'il n'y ait pas de froid entre nous. Nous sommes ensemble, nous nous aimons, je souhaite me rappeler nos moments à nous, je sais que ça reviendra avec le temps. Mais si tu as une chose à me dire ou me reprocher concernant cette dispute qu'on aurait eue, dis-le-moi s’il te plait.

J’ai lâché ça d’une traite et un blanc s'installe dans la chambre. Julien n’a pas relevé son regard du sol. Quand il daigne enfin planter ses yeux dans les miens, j’y vois passer un froid glacial qui me cloue sur place.

— Je n'ai rien à te reprocher Manon. Que des souvenirs te reviennent ou non, ce n’est pas important. Je ne veux plus penser au passé et ne voir que le futur. Demain nous viendrons te chercher pour rentrer et la vie continuera ou plutôt commencera pour nous. Fin de la discussion.

Que répondre à ça ? Je pense qu'il ne me dit pas tout, mais je n'ose pas insister, le regard qu'il m'a lancé n'était pas du tout encourageant à poursuivre cette conversation. Tout ce que je souhaite c'est reprendre une vie normale, me retrouver et oublier toute cette histoire d'amnésie. Recommencer à zéro.

Un coup sur la porte avant que celle-ci ne s'ouvre sur Amandine me sort de mes pensées, elle nous regarde en chien de faïence, comme si elle juger notre état.

— Bon j'espère que vous avez terminé parce qu'on doit y aller Julien, il nous reste encore des courses à faire pour demain et deux trois trucs à régler, dit-elle avant de se tourner vers moi pour ajouter.

— Je viendrais te chercher demain en fin de matinée, tâche d'être prête que nous ne perdions pas de temps.

— Heu ... Oui je le serais.

— Très bien sur ce nous y allons, à demain alors et en pleine forme, me lance-t-elle avec un sourire avant de se diriger vers la porte.

Julien la suit et il me semble l'entendre chuchoter plus pour lui-même que pour nous ;

— Le pire est à venir, mais pas pour tous …

Chapitre 4

Zaho ; tourner la page.

Le repas n’a pas de goût, l’air qui entre par la fenêtre entrouverte et me caresse le visage ne m’aide pas à me détendre … Quelque chose m’échappe, je le sais, je le ressens ! Je ne me sens pas moi-même, pas entière, et ça me perturbe au plus haut point. Quand l’infirmière vient chercher mon plateau, j’en profite pour lui demander un papier et un crayon. À défaut de pouvoir discuter avec Alice avant ma sortie, je sens qu’il faut que je lui écrive, que j’extériorise ces doutes qui me hantent, mais aussi lui dire au revoir. Elle a été la première et même la seule avec qui je me suis sentie aussi à l’aise, je ne peux pas quitter cet hôpital comme une voleuse.

« Ma très chère Alice,

L’heure de mon départ ici a sonné et je ne peux pas vous dire au revoir, j’en suis désolée. Je sens que j’ai besoin de parler des doutes qui m’assaillent à quelqu’un, je ne peux le faire qu’à vous, vous avez toujours été là pour moi, et avez toute ma confiance. Je suis persuadée que quelque chose me raccroche à cette Ambre, ce prénom ne met pas revenu comme ça sans raison quand j’ai vu la pierre de ma cousine pendre devant moi, c’est devenu une obsession. Je le ressens au plus profond de moi que quelque chose m’échappe, un peu comme un poids qui me pèse, mais qui ne veut pas se dévoiler.