Mes doigts se gelèrent, et mes yeux s'ouvrirent grand alors que je sentis la température monter soudainement. Malgré cela, je serrai les poings pour dissimuler ma peur.
« Obiang, qu'est-ce que tu fais ici ? Ah... je vois », dis-je en croisant les bras. « Tu te cachais encore pour braquer les passants du village. » Un courage enveloppa mon cœur lorsque ces paroles effleurèrent mes lèvres, me rappelant l'égoïsme du personnage se tenant face à moi. « Quand est-ce que tu vas réaliser que nous sommes tous ici pauvres ? Va plutôt là où habitent les pétroliers. Au moins, là-bas, tu pourras rendre justice à nos parents qui pleurent tous les jours à cause des riches qui nous volent tout ce que nos ancêtres nous ont laissé. » Les stridulations des criquets se firent entendre derrière moi.
Obiang se mâchouilla les lèvres, ensuite déclara, « Les riches ont des armes et des gardiens. Or, il faut bien que je vive comme un roi et que je subvienne à tes besoins, chérie. » Il fit quelques pas vers moi, l'intrigue me donnant la nausée.
Je ne savais pas quoi faire. Un trou noir avalait mes pensées, paralysant en moi toute forme de réflexion. En un instant, il se retrouva face à moi.
Fronçant les sourcils, je tempêtai, « quoi ? » hochant la tête comme si j'étais un gangster, cherchant à lui faire comprendre que je désirais qu'il me fiche la paix.
Obiang cligna des yeux, puis murmura, « Angélique, tu le sais. Je suis amoureux de toi. » Une odeur de c*****e emprisonnant l'air autour de ma face.
Je jetai rapidement un coup d'œil autour de nous, réalisant que j'étais prise au piège. J'étais déjà à mi-chemin, et courir vers la maison me prendrait au moins cinq minutes. À ce stade, il y avait de fortes chances qu'il me rattrape.
Essayant de continuer la conversation pour ne pas l'énerver, je lui dis d'une voix plus adoucie « Obiang, comment peux-tu dire ce genre de choses ? Tu es le meilleur ami de Joseph. Est-ce que tu peux affronter mon frère et répéter tout ça ? »
« Tu sais comment les gens du village sont, Angélique. Toujours à parler de traditions et de nos ancêtres. Vaut mieux qu'on garde ça entre nous. » Il me caressa la joue, sa peau sèche et craquelée me faisant sentir inconfortable.
« Arrête, s'il te plaît. Maman m'a envoyé... », je murmurais d'une voix tremblante. « Tu sais comment elle est. Si je ne me dépêche pas, elle va péter les plombs. Comme ce jour où tu m'avais volé l'argent du pain et que j'avais dû courir après toi pendant une vingtaine de minutes. »
« Oublie ça ! Est-ce que je ne t'avais pas rendu cet argent ? C'est à moi de m'occuper de toi. Je jouais simplement. Maintenant... continuons donc les jeux. » Il sourit, ses paroles résonnant fortement.
« Qu'est-ce que tu veux dire ? » Je fronçai les sourcils, « Je n'ai pas le temps pour tes blagues. »
Et à ce moment, il se baissa et m'embrassa de manière si agressive que je devinais les envies cachées sous ses vêtements.
Le goût d'épices et d'herbes périmées de ses lèvres me dégoûtait, et je le repoussai.
« Ne fais pas ça ! Tu sais bien que je suis encore vierge. »
« Chut... », souffla-t-il avant de poser sa main sur ma bouche.
Ce jour-là, je me rendis compte de la faiblesse d'une femme. Tant de force, avait-on, lorsqu'il s'agissait d'accomplir des tâches que les hommes devaient pourtant exécuter. Mais là, plus rien.
L'homme était-il ainsi plus fort pendant tout ce temps ? Ne cachait-il sa puissance que pour des choses aussi charnelles ?
Jamais encore un être ne m'avait touché la chair. Jamais. Et la douleur fut intense. L'agressivité de Obiang me répugnait. En effet, il m'avait plaqué contre le sol, souillant ma peau de la terre rouge de notre région.
Lui, il s'en foutait. Il s'en foutait d'être couvert de boue. Ses actions quotidiennes le rendaient déjà si impur que même les mauvaises odeurs des ordures non loin ne lui faisaient plus rien.
Il se déchaînait tel un animal sur mon corps, pendant que je pleurais. Hélas, je ne pouvais rien faire d'autre. Ma silhouette de 1 m 55, toute dodue, ne me permettait aucune échappatoire.
Mes yeux étaient donc fixés vers le ciel alors qu'aucune étoile n'y était présente. La Galaxie était vide, causant la naissance en mon cœur de la haine. Oui, je pensais que les habitants de là-haut cachaient leurs faces parce qu'ils n'avaient pas envie de me venir en aide.
Lorsque le meilleur ami de mon aîné finissait de lâcher de sa sueur de porc sur moi, il me caressa de nouveau le visage. « Tu es si jolie, ma princesse. » Puis se releva.
Mes yeux étaient fixés dans le vide lorsque ses paroles se multipliaient, « Maintenant, va où ta mère t'a envoyé. » Sous mon inertie, il poursuivait, « Je t'accompagne ? »
Après, épuisé de mon mutisme, il me prit la main, me releva, et me dirigea vers la pompe publique.
J'étais telle une marionnette, ne réalisant pas ce qui venait de se passer. Je n'entendais plus rien autour et ne voyais plus rien. Du moins, mes neurones n'arrivaient plus à comprendre les informations harmonieuses de mes sens. Que dis-je ? Il n'y avait même plus d'harmonie. Rien qu'une panoplie d'ombres et d'objets que je m'en foutais de reconnaitre.
Arrivés à l'endroit où les habitants de notre communauté s'approvisionnaient en eau, il déposa les bidons un à un. Ensuite, il les remplit tous les deux. Cependant, pendant que l'eau coulait dans les récipients, Obiang tenta de retirer autant que possible la poussière de mes vêtements.
Mais pourquoi donc ? Ne sommes-nous pas tous faits de poussière, nous, les hommes ? Pourquoi avait-il honte que le monde me voie couverte de la substance à partir de laquelle j'avais été formée ?
Je n'avais même pas le courage de le regarder dans les yeux. Et lui, agissait comme si tout était normal.
Ah, je me disais que ce pouvoir, c'était seulement la société qui le lui avait accordé. Un pouvoir qui avait brisé mes rêves, mes ambitions. Ah, Obiang, pourquoi ?