Obiang me fixa quelques secondes, avant de finalement jeter ses yeux autre part, possiblement habité par la honte.
Mais ressentait-il même une poignée de regret ?
Voyant mon corps toujours décorés par ces vêtements qui avaient animé ses désirs, que ressentait-il maintenant ? Était-il dégoûté par la saleté qui s'était amassée sur moi, ou ce n'était qu'un démon dont les rayons de soleil empêchaient de pêcher de nouveau librement ?
D'ailleurs, comment pardonner à une personne qui ne regrette pas de vous avoir arraché un trésor ? Comment pardonner une trahison lorsque la personne en face vous regarde avec désinvolture, pourtant jadis, vous l'avez tant considéré ? Comment ?
Je ne vais pas mentir, ma marche avec le Christ n'a pas été parfaite. Tant de fois, je tenais fermement entre mes mains des cordes qu'il me demandait de lâcher. Mais en regardant les relations auxquelles je devais justement me délier, j'avais du mal à obéir. Que ce soit des relations saines ou malsaines — Réclamant appréciations ou vengeances, comme celle avec Obiang.
À certains moments, en entendant des leaders dans la foi parler, j'avais l'impression que ç'avait été facile pour tout le monde, sauf pour moi. Que j'étais donc un cas perdu. Une rebelle. Je me sentais mis appart au milieu de cette troupe de personnes qui clamait qu'être croyant était une voie qui ne causait jamais de larmes.
Oui, ils m'ordonnaient d'oublier et j'avais de ce fait l'impression qu'aucun ne désirait comprendre ma peine. Que tout ce qu'ils étaient capables de faire était de répéter, « bientôt la fin des temps, tourne ton regard vers le Seigneur. »
Et je me disais, « est ce tout ? Que je tourne ma face vers le Seigneur parce que c'est bientôt la fin des temps ? Mais mon monde vient à peine de s'écrouler, n'avez-vous donc pas un peu de compassion en vous ? »
Oui, je me disais de telles choses. Surprise de constater que la seule motivation pour plusieurs de devenir croyant était parce qu'ils avaient peur de la colère du temps. Ainsi, où sont-elles ces personnes qui désirent le Seigneur parce qu'elles l'aiment réellement ?
Et c'est à cause de toute cette hypocrisie dans la religion qu'un jour, j'avais murmuré à Dieu, « je sais que tu es le Dieu tout-puissant. Que Tu es un héros. Un combattant et que la fin est proche. Mais je t'en prie, fais-moi voir cette face-là de Toi qui t'habitait lorsque Tu m'as créé. Ce Dieu rempli d'amour. Portant un sourire sur sa face qui affirme en me regardant que cela est une chose bonne que j'ai été créé. Je Te désire complètement, non pas juste le Dieu de miracles que le monde réclame. Moi, je veux un ami, car j'ai perdu tout espoir en l'amitié. Je veux un humanitaire puisque j'ai perdu foi en l'humanité. La seule foi qui m'habite est, que la parole s'est justement faite chaire afin que je sois sauvée. Que je sois sauvée, pendant que je croule sous les ponds de l'angoisse. Tu peux comprendre ma peine, je le sais. Mieux que quiconque, Tu la comprends. Je veux... je désire en Toi un époux parce que mon corps se sent impur et sale. Il n'a plus espoir d'en trouver. Je veux un père, car le mien, vois-tu, n'a même pas prêté attention à ma tristesse. Tu es le Dieu du temps. Ainsi, je t'en prie, trouve du temps pour ma peine et guéris-moi. » ça, c'est ce que j'avais dit au Seigneur.
Ensuite, je le répétais de là dans mon cœur pendant les événements qui allaient arriver par la suite dans ma vie.
Mais pour revenir à ce jour, alors même que j'étais allongée sur le sol, les cheveux décoiffés et les vêtements déchirés par la violence de mon frère, bien pire allait arriver bientôt. Joseph s'en était allé quelques minutes plus tard aux côtés de Obiang se promener. Afin de calmer ses nerfs, je suppose.
Seule Laurie était restée à mes côtés, pleurant. « Regarde ce qu'il t'a fait... », son teint clair devenant presque aussi rouge que les tomates bien mûres que nous cueillions des champs dans le but de préparer les sauces. « Toutes ces blessures vont prendre du temps à guérir. Y'a quoi ? Je le sais que quelque chose s'est passé. Parle-moi. » Elle me redressa, alors qu'elle se tenait un genou sur le sol.
J'étais restée silencieuse, ne trouvant pas le chemin de la communication. J'avais honte.
Les jours suivants, Laurie était venue m'aider à accomplir les tâches ménagères, après avoir terminé les siennes chez elle.
Cependant, ma santé commença à se dégrader grandement.
Je vomissais, avais de fortes migraines et un appétit incontrôlable. Si incontrôlable que je suppliais à Laurie de toujours garder une assiette pour moi lorsqu'elle préparait afin que j'aie plusieurs repas par jour, dont ceux de chez moi.
Un matin, vers huit heures plus précisément, j'étais à la cour, près de Laurie.
Les coqs qui avaient fini de chanter depuis bien longtemps paradaient, et des fois se faisaient la guerre, motivés par les yeux des multiples poules autour d'eux.
Quelques gouttes d'eau tombaient du ciel ensoleillé, cependant, aucun indice de grande pluie.
Laurie entamait la troisième tresse au fil sur ma tête, alors que j'étais assise sur une natte et elle sur un banc. La sensation de ses doigts me caressant le cuir chevelu afin de séparer mes cheveux me détendait tant, que je voulus fermer les yeux.
Toutefois, une vision de maman, arrivant sur la gauche aux côtés du guérisseur suprême du village, fit trembler mes doigts.
Ce guérisseur était le plus connu, celui-là même qui était le préféré des dieux et du chef de notre clan.
« Trop c'est trop ! » Susurra mère, « si tu es partie ramasser une maladie grave, autant qu'on le sache déjà. J'ai des enfants et un mari dans la maison. Va chercher des bancs pour moi et le guérisseur. Appelle aussi tes frères et ta sœur. » Me fixant alors que je n'osais pas affronter son regard.
Je me levais donc, pendant que les voisins des trois maisons près de la nôtre sortirent. En effet, tous étaient excités de voir papa Mboumba. Et espéraient profiter de sa présence pour dénoncer leurs situations.
Assis en ronde, tandis que Laurie était derrière moi et continuait de capturer mes cheveux entre les fils noirs tenus dans ses mains, le guérisseur s'exclama, «kiri ngueng, mame ngueng. (Au matin, tout est éclairé : pour dire, rien ne reste secret). »
« C'est vrai, papa ! » S'unissaient les voix des voisins autour.
Il mouvementa son corps sec, semblant être possédé par les esprits et la couronne verte, faite des herbes de bananiers sur sa tête, vibrait.
Quelques minutes passèrent avant qu'il n'ouvre les yeux de nouveau et son regard tomba sur le mien. On se fixa pendant un court instant, et lorsqu'il demanda, « Ma fille, es-tu enceinte ? » D'un air condescendant, je réalisais que le teint noir de sa peau ridée était le reflet aussi de son âme.
Tout le monde autour criait, « Enceinte ? » Ainsi que moi aussi d'ailleurs, étant jeté une énième fois par la vie, dans le fut de la confusion.
« Oui, » Affirmait maître Mboumba, « les esprits voient un enfant. »
À cet instant, maman s'enflamma pendant que mon cœur battait la chamade.
« Réponds, Angélique ! Je le savais. Donc, tu faisais semblant ici de nous faire la morale, de nous parler d'un soi-disant Dieu à qui toute la gloire devait revenir. Tu faisais la morale à ta sœur parce qu'elle a un copain, mentant que tu voulais rester vierge jusqu'au mariage. Entre-temps, elle, elle n'a jamais ramené une telle abomination. Angélique ? Réponds ! Qui est le géniteur de cette grossesse ? Qui a même regardé une fille aussi bête que toi ? »
Là, des larmes coulaient sur ma face, n'étant toujours pas habitué au mépris de ma propre mère.
« Ne fais pas l'innocente aujourd'hui. » Hurlait papa. « Dis-nous qui est le père ou sors de cette maison. Même ta petite sœur a pu nous aider à manger en nous emmenant de vrais beaux-fils, mais toi, sûrement, tu couches avec des vaux rien, voici pourquoi tu gardes le silence. »
Et en frottant les mains nerveusement, je murmurais, « on m'a... le jour où... »
« Parle ! Tu sais regarder le plafond, mais tu ne sais pas t'exprimer ? » Maman agitait ses mains.
« On m'a violé... », fondis-je en larmes.
J'avais l'impression qu'à la place d'une salive se formaient des lames qui me blessaient la gorge. J'avais honte. C'était difficile pour moi de l'avouer, d'en parler. Pourtant, je me donnais de la pression en reconnaissant que je n'avais nul autre choix.
Hélas, ma mère, son époux, puis mes frères et ma sœur, riaient, pensant que je mentais. Si seulement ils pouvaient savoir combien leur comportement m'avait détruite.
« Mère Térésa... Soyons honnête. » S'exclamât Grâce. « Entre femmes, on se connaît. Tu es partie écarter, c'est ça ? »
« Grâce ! Qu'est-ce que tu racontes ? » Se fâchât Laurie. « Si elle dit qu'elle a été violée, je suis sûre que c'est vrai. »
« C'est une histoire de famille, Laurie. » Reprenait Joseph.
« C'est ta petite sœur. Au lieu de la blesser, tu devrais la rassurer. »
« Ok... », tourna-t-il son regard vers moi, « qui t'a donc fait ça ? Ou, vas-tu nous dire que tu n'as pas vu son visage ? »
«Obiang... », prononçais-je faiblement, car hésitante.