Que Pourrais Je Leur Dire ?

1133 Words
Une fois que Obiang finissait de remplir les deux grands bidons, il réalisa que je n'avais pas bougé d'un poil. Il souffla, possiblement épuisé par toutes les activités nocturnes qu'il eut fait subir à son corps. Puis, passa sa main sur son front pour effacer les grossières traces de sueur qui y étaient collées. Une odeur nauséabonde gambadait autour de lui. Pourtant, mon corps me répugnait dorénavant beaucoup plus qu'autre chose. « Angélique ? » Il susurrait ensuite, face à moi, alors que mes yeux étaient perdus dans le vide. Obiang silencieusement me prit la main et conduisait mes gestes, m'aidant à mettre un bidon d'eau sur la tête pendant qu'il tenait l'autre sur sa main droite. Ainsi, nous primes la route. Plus tard, nous étions arrivés devant la porte de la maison. Il m aida donc à m'asseoir et déposait les bidons à mes côtés avant de dire : « Chérie, je rentre maintenant. On se voit un autre jour. D'accord ? » Et il parti en courant, m'abandonnant dans le but que je fasse face aux conséquences de ses actions à lui. L'aube continuait à avancer, laissant le jour se dérouler. Lorsque le coq chanta pour prévenir qu'il était déjà six heures, un bruit de craquement se fit entendre derrière moi. Je ne m'étais pas retournée, toujours hypnotisée par la douleur. Les yeux fixés sur l'immensité du ciel, je cherchais le regard de Dieu pour lui poser des questions. Malheureusement, ce n'était que la silhouette de ma mère qui m'était apparue, telle une immense brume avant la pluie. Elle me gifla, puis hurlait : « Angélique ! Je n'ai pas dormi de toute la nuit à cause de toi. Quel genre de comportement est-ce ? Et tu te présentes toute mouillée, comme si tu avais joué avec de l'eau. » Des veines apparaissaient sur son cou alors que la douleur m'empêchait de parler. Mes pensées retournaient vaguement à la scène d'Obiang me jetant violemment de l'eau sur la peau, noyant les traces de sang qui s'échappaient de mon entrejambe. Incapable de discerner le désarroi sur le visage de sa propre fille, maman continuait simplement de me réprimander. « Étais-tu avec un homme ? » Elle m'a par la suite attrapée par les cheveux et m'a jetée dans la cour. Alors qu'elle tenait mon afro entre ses mains, elle a enchaîné des coups devant les voisins qui sortaient, ainsi que mes frères, ma sœur et mon père. Je ne disais rien. Je ne pleurais plus. Lorsque maman eut fini, elle s'est éloignée, me laissant allonger. Mon aîné s'est alors approché de moi à ce moment-là. « Où étais-tu ? » Sous mon silence, il s'est indigné. « Respecte-moi. Quand je te parle, tu réponds. Je suis l'aîné et je n'accepte pas que l'un de vous mette maman dans cet état. C'est quoi tout ça ? » hurlait-il. Mais ma rancune envers lui avait déjà commencé à grandir. « Lève-toi et va faire les tâches ménagères. Maman doit aller se reposer. La pauvre... » Cependant, je restais allongée après qu'il était parti, traumatisée par le déroulement des événements. Les heures passaient et finalement, parce que maman dormait, mon père sortit de la maison. Il s'approcha de mon corps et déclara : « Écoute, avant d'aller dormir, ta mère a préparé le petit déjeuner, mais il n'y a rien à manger pour le midi. Lève-toi avant que mon ventre ne crie. » Ainsi, j'avais trouvé la force de me redresser et étais allée cuisiner. Maman et mon frère avaient déjà bien abîmé mon visage, mais je craignais les coups de père. Ses mains étaient aussi grandes que celles d'un ours, et sa force lui permettait de soulever une pile de singes morts, lorsqu'il revenait de la forêt. Je ressentais tellement de douleur, de haine, d'angoisse, de fureur. Pourquoi moi ? Que faire ? Pourquoi étais-je une femme ? Pourquoi avais-je un s**e ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce que j'existais ? Tant de questions minimisaient mon existence. Et alors que dans la cuisine, je remuais la louche dans la sauce gombo sur le feu, j'entendis une voix derrière moi. « Angélique ?! » C'était Vivian, mon jeune frère de 18 ans. « Joseph a dit que quand tu finiras de servir papa, mets de la nourriture de côté pour Obiang et lui. » Lorsque de nouveau, je ne plaçais pas un mot. Entendre le nom de celui qui m'avait violenté les rêves des heures précédentes me rappelait l'injustice que j'avais subie. J'avais ainsi fini de préparer et de servir mon père. Rien d'autre. Il partit en après-midi dans la forêt avec ses amis pour travailler dans les champs. Ils avaient un programme quotidien bien défini. Certains jours, ils sortaient très tôt, tandis que d'autres jours, ils estimaient avoir besoin de plus de repos. Enfin, c'est ce que je pensais jusqu'à ce qu'un jour maman m'envoie aux côtés de Vivian leur donner à boire. Et j'avais découvert en fait qu'ils étaient tous assis dans un coin en train de siroter du vin de palme et le faisaient régulièrement. Très souvent, aller travailler n'était qu'un malheureux prétexte pour être loin des cris des enfants et des plaintes de leurs femmes. Ils allaient même jusqu'à payer des miettes à des jeunes du village pour faire certaines activités à leurs places, sans même que leurs femmes ne le sachent. J'étais dans la cour, pensant, quand Joseph s'est approché de moi. Ma sœur, Grâce, était sur son téléphone, assise près de moi depuis bien longtemps. Trop absorbée par le tourbillon de mes soucis, je n'avais pas remarqué sa présence jusqu'à ce qu'il dise : « Où sont nos plats ? » « Quels plats ? » avais je répondu. «Angélique... je vais te faire du mal. Nous ne sommes pas tes amis mais tes aînés. » « Joseph, calme-toi. » « Non, Obiang, cette petite devient impolie. Je dois la corriger. » a-t-il dit avant de retirer son t-shirt. À partir de là, il me donna un coup de poing en plein ventre. Je tombais par conséquent sur le sol, alors même que la douleur que j'éprouvais envers la vie ne me donnait toujours pas l'envie de parler. J'entendais simplement la voix de ma mère qui semblait venir de se réveiller, encourager cet acharnement, « oui... frappes la ! Cette petite s'imagine qu'elle est au-dessus de nous. » Et il se lâcha durement sur moi. Les voisins essayaient tant de plaider ma cause, en particulier ma copine Laurie, la fille de l'une des femmes avec qui nous partagions la cour commune, et dont Joseph était amoureux. Elle pleurnicha en murmurant, «Eh... Joseph, c'est bon.» Alors qu'il ripostât, «Non, hors de question ! Laisse cette histoire, c'est entre elle et moi.» Puis, enfin, je levai les yeux, croisant le regard d'Obiang.
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