Les réalités de l'emploi en Afrique
ÉPISODE 01
MONIQUE
Il n'est pas rare dans notre société, surtout celle d'aujourd'hui de faire face à certaines réalités cuisantes dans la sphère professionnelle ! Ces réalités dont je parle ne sont rien d'autres que l'abus de pouvoir, le harcèlement moral voire même sexuel dont fait montre certains supérieurs hiérarchiques dans nos administrations publiques comme privées, le cas de certains Directeur d'entreprise ou PDG est très criard ! Je dis certains parce qu'il y a toujours des exceptions dans le lot, même si on dit souvent que c'est une seule tomate pourrie qui gâte toutes les autres dans le panier. Dans ce monde professionnel, les premières victimes qui sont confrontées à de tels actes en l'occurrence le harcèlement sexuel sont sans doute nous les femmes ! C'est toujours nous qui subissons ce triste sort parce nous sommes non seulement sans défense, considérées comme le sexe faible que Dieu a pu créer sur terre, mais surtout parce que nous avons aussi décidé de nous battre tout comme les hommes pour gagner honnêtement notre vie et non nous mendier ou nous transformer en une belle de nuit pour offrir notre corps en contrepartie d'un prix à n'importe quelle personne !
Avant de continuer, permettez-moi de me présenter correctement à vous afin que vous ne me preniez pas pour une inconnue et me traiter comme telle. Je suis Monique ABADJAYÉ. Je suis native du département des Collines dans un petit pays situé en Afrique de l'ouest. Je suis âgée de vingt-huit ans. Je suis d'une grande taille avec un teint noir brillant, et je dois vous avouer au passage que Dieu m'a donné une forme très généreuse dont je suis toute fière d'ailleurs. Bien sûr qu'il n'a pas manqué de me faire grâce d'une poitrine très bien fournie ! Je suis le genre de fille poids lourd parce que je suis tout simplement ronde et fière de mes rondeurs.
Étant donné qu'on ne choisit pas sa famille de destination ni avant ni à la naissance, je n'ai malheureusement pas eu le privilège de tomber dans une famille dans laquelle les enfants naissent avec une cuillère en or dans la bouche. Malgré cela, mes parents tous deux paysans de leur état n'ont pas manqué de faire le nécessaire pour m'envoyer à l'école dès l'âge de sept ans. De mon côté, j'ai fait l'effort de travailler à l'école pour ne pas gaspiller leurs investissements sur moi. Six ans après, j'ai obtenu mon Certificat d'Étude Primaire (CEP) pour mon plus grand bonheur et celui de mes parents. Je devrais donc commencer les études secondaires l'année suivante, mais malheureusement, il n'y a pas de collège dans le village où nous sommes et mes parents n'ont pas assez de moyens financiers pour couvrir toutes les dépenses. Si je dois donc continuer mes études, il me fallait quitter le village pour me rendre en ville où j'entends souvent dire que la vie est très chère. Mes parents se sont pliés en quatre, et ceci malgré eux pour me permettre de me rendre en ville pour poursuivre mes études secondaires. Je me souviens encore aujourd'hui des propos de mon père et de ceux de ma daronne à la veille de mon départ pour la ville comme si c'était naguère :
Mon père (Prenant un air sérieux pour me parler) : Ma fille, bientôt tu seras seule loin de nous, cependant, n'oublie pas ce qui t'amène en ville une fois là-bas s'il te plaît. Tu connais très bien la situation de précarité que nous vivons ! Ta mère et moi avons été obligés de nous endetter pour te donner la chance de poursuivre tes études secondaires en ville. Garde en tête que tu as des parents pauvres qui comptent sur toi pour les sortir de cette misère un jour. Ne perds pas de temps pour des futilités. Sois sage et surtout évite de te faire de mauvaise compagnie. Tiens cet argent pour te trouver une maison à louer et pour tes petites dépenses. Fais-en un bon usage car nous ne pourrons malheureusement pas t'envoyer régulièrement de l'argent ! Nous allons par contre venir avec le temps connaître là où tu vas louer pour passer te voir et t'apporter des vivres.
Ma mère (La mine triste) : Monique, dès demain tu seras en ville, alors je voudrais que tu n'oublies pas pourquoi tu es partie là-bas. Ton père et moi allons nous efforcer pour que tu aies le minimum ! En retour tu dois savoir que tu as une obligation de réussir. Tu es très jeune pour rester seule c'est vrai, mais nous n'avons pas autrement à faire. Pour te faciliter la tâche, je vais t'accompagner pendant ton voyage demain et t'aider à trouver une maison, mais garde en conscience nos conseils, ne te dis pas que tu es seule et que tu peux faire tout ce que tu veux ma fille, évite les garçons surtout, je sais que nous pouvons compter sur toi. Tu es notre espoir. La rentrée est dans quelques semaines et il faut que tout soit prêt à l'avance. J'espère que tu nous as compris !
Moi (Toute confiante) : Oui maman et papa. Je vais faire comme vous m'avez demandé. Je tiens à vous dire merci pour tout ! Vous pouvez compter sur moi. Je vous promets de bien travailler à l'école pour nous sortir de cette misère !
Mon père (Se sentant rassuré) : Merci ma fille. Je sais que nous pouvons compter sur toi. Tu vas t'en sortir !
Après les mises en garde de mes parents, je me suis rendue en ville avec ma mère le lendemain matin comme prévu.
Au départ, j'ai éprouvé beaucoup de mal à m'adapter à ma nouvelle vie loin de mes parents, surtout avec mon jeune âge.
Grâce à ma mère, j'ai trouvé une maison où rester.
Avec le temps, je me suis faite de nouvelles amies à l'école, mais personne ne devrait venir chez moi à la maison en tant que amie, pire si c'est un garçon, et à partir d'une heure donnée, je dois être déjà à la maison, car ma mère avait laissé des consignes fermes au propriétaire qui vit également dans la maison, donc je suis surveillée de très près...
Quelques années plus tard, j'ai obtenu mon Brevet d'Étude du Premier Cycle (BEPC), mais malheureusement je n'ai pas pu continuer avec le second cycle malgré ma détermination à aller loin dans les études parce que mes parents ne pouvant plus m'aider à cause de la pauvreté m'ont recommandé de raccrocher. C'est ainsi que pour ne pas rester les bras croisés, j'ai commencé par faire de petits jobs pour avoir de quoi me nourrir et continuer à payer le loyer qui est désormais à ma charge, mais aider aussi mes parents. Je suis donc condamnée à me battre pour continuer à survivre à mon âge si je ne veux pas me retourner au village dans la précarité...
C'était un petit tour dans le passé mes cher(es) ami(es). À ce jour, je travaille dans un supermarché dans une autre ville du même pays où je gagne un peu de sous pour aider mes parents et satisfaire aussi mes besoins. Avec ce travail, j'arrive à gérer le quotidien même si ça ne me permet pas de régler tous mes problèmes. D'ailleurs, je cherche à quitter très bientôt ce travail pour aller voir mieux ailleurs !
RICHARD
Ça fait six mois que le Directeur des Ressources Humaines (DRH) a lancé un recrutement pour le compte de la mairie parce quil y a un manque de personnel pour le bon déroulement du service public. Suite à ce recrutement, il a été décidé que tous les autres dossiers qui ont été rejetés soient envoyés à la poubelle pour éviter d'encombrer le placard de rangement des archives de la mairie. En ma qualité du Chef service des archives de la mairie, j'ai alors instruit mademoiselle Flora, la documentaliste pour faire le travail.
Je suis Richard TOGNON. J'ai vingt-sept ans et je suis le Chef Service des Archives au sein de la mairie de la ville qui abrite la capitale économique de mon pays. Je suis venu à ce poste un an après ma formation en Science et Technique de l'Information et de la Documentation dans une grande école d'administration de la place sur proposition de mon père qui est un ancien ami du maire de la commune. Je n'ai donc pas fait de gros sacrifice pour trouver ce travail. Je n'ai juste fait qu'étudier et mon père s'en est occupé du reste grâce à sa relation avec le maire.
FLORA
Je suis Flora ATINKPON, jeune femme de vingt-neuf ans. Je travaille au sein de la mairie d'une grande commune de mon cher et beau pays en tant que documentaliste depuis trois ans. J'ai eu ce poste grâce à mon visa Schengen (sourire). Je suis le genre de fille bien potelée avec des seins arrogants et anesthésiants. Je ne suis ni grosse ni maigre. Même le Directeur des Ressources Humaines l'a remarqué et n'a pas hésité à tomber sous mon charme. Au cours de mon entretien d'embauche avec ce dernier, il m'a promis de me donner le poste si je lui donne ce qu'il veut. Je n'ai pas réfléchi deux fois avant de le servir (clin d'il). J'ai le diplôme exigé, mais je suis consciente que je n'ai personne pour m'aider, mais je peux par contre compter sur moi-même, et c'est ce que j'ai fait. Pas la peine de faire de gros yeux s'il vous plaît. Jusqu'à présent, on se comprend très bien en tout cas. Le Chef Service des Archives m'a demandé il y a quelques jours de mettre certains documents à la poubelle pour avoir de la place dans le placard de rangement, surtout compte tenu de l'inutilité de ces archives. J'en ai jeté d'autres à la poubelle, mais j'ai également profité pour ramener quelques-uns de ces documents à la vieille dame en face de ma maison pour son commerce de beignets.
RODRIGUE
Je m'appelle Rodrigue SONANGNON, fils aîné d'une famille de quatre enfants. J'ai vingt-cinq ans. Mon père et ma mère sont des fonctionnaires à la retraite depuis un an.
Ça fait deux ans déjà que j'ai eu mon diplôme de licence en Administration Générale et Territoriale (AGT) dans l'une des plus prestigieuses écoles d'administration de mon pays, mais jusqu'à présent, je ne suis toujours pas opérationnel depuis tout ce temps que j'ai fini mon stage académique. Je passe tout mon temps à la maison. J'ai déposé des demandes d'emploi dans des structures pour être embauché, mais depuis rien. Ce qui m'a le plus choqué, c'est lorsque je suis allé acheter de beignets hier dans la soirée chez la vendeuse du quartier et le papier dans lequel j'ai été servi, n'est rien d'autre que le papier ram sur lequel j'ai rédigé ma lettre de demande d'emploi que j'ai déposé au sein de la mairie de la ville qui désigne la capitale économique de mon pays suite à une annonce de recrutement direct. J'ai perdu l'appétit sur le champ, me laissant emporter par le désespoir. Je me suis posé la question de comprendre comment elle a pu se retrouver chez la vendeuse de beignets du quartier. Je m'apprêtais à aller tenter ma chance aujourd'hui en déposant une demande d'emploi dans une entreprise privée suite à un communiqué passé à la radio, mais je crois que je ferai mieux de ne pas perdre mon temps et mon énergie surtout avec ce que j'ai vu hier.
Dans ce pays de dix millions d'habitants au moment où je parle, lorsque tu n'as pas de relation dans l'administration, en occurrence celle publique ou avoir des parents bien placés comme on aime bien le dire, il est très difficile voire impossible de trouver un emploi. Comme c'est triste ! Le pire, c'est lorsque tu es un homme. On trouve que tu n'as rien à donner. Avec les femmes, c'est toujours mieux par opposition aux hommes. Cette situation commence par m'énerver vraiment ! Je n'ai jamais pensé vivre un jour cette réalité qu'est le chômage. En attendant, il faut que je pense à autre chose que mon statut de diplômé sans emploi. J'aurais pu investir cet argent qui a servi à payer ma scolarité pendant trois ans dans d'autres choses pour commencer par gagner ma vie très tôt. Quand je pense au nombre de jeunes diplômés sans emploi à ce jour, je me demande pourquoi mes parents n'ont pas pensé à m'envoyer en apprentissage pour suivre une formation pratique plutôt que de m'inscrire à l'école comme tous les autres.