Mais, quand nous sommes sorties de l’hôpital, alors que mon fils n’était née que la veille, je débordais d’énergie.
“La dépression est peut-être passée quand le bébé est né.” Voilà ce que j’ai dit à George en berçant notre nouveau-né pour l’endormir. Je me sentais si bien que je n’en revenais pas.
Le quatrième jour, nous avons décidé de recevoir notre famille étendue pour que nos proches la rencontrent. J’avais du lait depuis la nuit précédente: au matin, le bébé était donc repu, endormi, et je me sentais reposée.
“Et si on allait faire des courses?” me suis-je écriée en me précipitant vers la porte, mon sac à langer sur l’épaule, les seins pleins de lait, alors que mon périnée enflé me faisait encore mal. Daniel m’a regardée comme si j’avais perdu la tête, mais j’étais prête à sortir. J’en avais besoin.
Nous avons fait les magasins pendant un peu plus d’une heure. Daniel vérifiait régulièrement que j’allais bien, et me demandait si j’avais besoin de m’asseoir pour me reposer. Je marchais en me dandinant parce que, physiquement, je souffrais beaucoup mais, mentalement, je ne m’étais jamais sentie aussi bien. Je n’avais pas envie de rentrer: je voulais continuer à faire du shopping.
Quand nous avons fini par rentrer et décharger nos sacs de course, je me suis mise à faire le ménage. Notre famille allait bientôt arriver, il fallait donc que la maison soit présentable. À cause de ma dépression, je m’étais sentie inutile, honteuse de mon manque de motivation et d’énergie. J’avais l’impression que mes proches me trouvaient fainéante et je voulais leur prouver le contraire. Ils allaient être ébahis de voir comme je m’en sortais avec un nourrisson et deux enfants plus âgés. Il fallait juste que la cuisine brille de mille feux.
Leur visite s’est bien passée. Ma grand-mère a même remarqué qu’elle n’en revenait pas que je me porte aussi bien. J’étais fière comme un paon de ma jolie famille. Tout semblait parfait. Après le départ de nos proches, je me suis écroulée sur le canapé. J’étais vannée. George m’a apporté le bébé pour que je l’allaite, puis il est monté donner le bain à nos aînées. Pendant que j’allaitais, j’ai commencé à me sentir somnolente. J’ai fermé les yeux et l’obscurité m’a enveloppée. Je savais que la petite était dans mes bras, mais je me suis sentie partir. J’ai appelé George à l’aide en mobilisant le peu de force qui me restait. Je savais que quelque chose clochait.
Il est redescendu en courant, après avoir du bain et les avoir mises au lit, encore mouillées, et m’a trouvée inconsciente. Mon corps était présent pendant ces moments, mais je n’ai aucun souvenir de ce qui s’est passé. J’avais froid, j’étais gelée, j’entendais des grosses voix d’hommes, et j’ai senti une énorme main qui se posait sur mon épaule. Je voulais parler, dire quelque chose, mais n’y arrivais pas
J’ai commencé à revenir à moi dans l’ambulance, sous intraveineuse, un masque à oxygène sur le visage.
“Il est allé chercher du lait maternisé pour le bébé et nous rejoint là-bas”, m’a dit le secouriste.
J’avais échoué à m’occuper de mon bébé. J’avais tout gâché. Tout ça, parce que je voulais prouver que j’étais une espèce de wonder woman, que tout le monde voie que j’étais venue à bout de la dépression. Je n’avais toujours pas suffisamment d’énergie pour parler, alors j’ai fermé les yeux. Une larme a coulé sur ma joue.
À l’hôpital, j’ai passé toute une batterie de tests pour déterminer ce qui n’allait pas. On m’a demandé je ne sais combien de fois si j’avais bu ou pris de la drogue. J’étais morte de honte, et hyper gênée. J’ai fait non de la tête: j’avais peur de leur dire que j’avais seulement fait du shopping jusqu’à l’épuisement.
Comme j’étais faible et déshydratée, on m’a injecté des solutions intraveineuses. Ma sage-femme m’a rendu visite, mon mari et mon bébé sont arrivés et j’ai pris le petit dans mes bras. Je tenais son corps minuscule, si joli, contre le mien, brisé, couvert de bleus et de bandages.
Les causes les plus vraisemblables de ma perte de connaissance étaient une déshydratation sévère et l’épuisement physique. J’étais allée au-delà de mes limites. On m’a dit que je devrais rester alitée pendant au moins une semaine. Il était temps que je me repose et que je recouvre l’énergie que j’avais dépensée.
Des mois plus tard, en faisant des recherches sur la dépression post-partum, je suis tombée sur l’expression “euphorie post-partum”. L’un des troubles post-partum les moins connus, elle se caractérise par une activité ou une énergie accrue, une impulsivité, des pensées qui fusent, de l’insomnie, de l’irritabilité et un débit de paroles rapide. J’ai lu la liste des symptômes, trouvé quelques articles sur le sujet, et j’ai eu l’impression de lire mon histoire, mot pour mot. Tous ces mois, j’avais vécu dans la culpabilité, dans la honte de ces premiers jours après mon accouchement. En réalité, je souffrais d’un grave trouble mental.
Après avoir consulté mon médecin et discuté de mes symptômes, il m’a été confirmé que c’était bien ce dont j’avais souffert. Dans mon cas, la naissance de ma fille avait provoqué cet épisode hypomaniaque et les symptômes ont disparu en quatre semaines. Mon hospitalisation a été la conséquence effrayante de ce trouble mais cela m’a permis de faire une pause et je me suis reposée jusqu’à la fin de la période post-partum.
J’ai souffert d’un problème de santé mentale alors que je me croyais en parfaite santé. Cela m’a valu de me retrouver en situation d’urgence médicale et d’être hospitalisée. J’aurais aimé savoir que me sentir débordante d’énergie et super motivée quand ma fille n’avait que quelques jours ne dénotait pas une force surhumaine, mais un problème médical sérieux.
L’euphorie post-partum me donnait le sentiment d’avoir triomphé de la dépression périnatale. En réalité, ce n’était qu’une forme différente d’une maladie dont je souffrais déjà. Dans un monde qui glorifie les superhéros, il est facile de porter aux nues une jeune mère qui déborde d’énergie pendant la période post-partum, au lieu de prendre ce symptôme pour un avertissement. Car c’est ce qu’il est en réalité.
Ce que j’ai appris en parlant de ma dépression post-partum sur les réseaux sociaux.
Il y a un peu plus de quatre mois, j'ai appris que j'étais atteinte de dépressionpost-partum. Avant mon diagnostic, je communiquais beaucoup sur les réseaux sociaux au sujet des problèmes que je rencontrais lors de la transition vers la maternité, mais je n'avais jamais avoué à quel point je me sentais au-dessous de tout. Je n'en ai pas parlé à mes amis, à ma famille ni même à mon mari. Au fil des jours puis des semaines, j'ai compris que je ne pouvais plus le cacher, que je ne voulais plus me sentir vide, regretter d'attendre un enfant et être passive plutôt que tout à fait présente. Depuis mon diagnostic, j'écris sur mon parcours dans l'espoir que cela m'aide à m'en remettre, mais aussi pour aider d'autres mères.
Une semaine après avoir entrepris de consulter un thérapeute, j'ai pris la décision de parler de ma maladie sur mon blog . En publiant ce message sincère qui révélait ma vulnérabilité, j'ai eu peur des réactions. J'étais très gênée de décrire ma situation et je me demandais ce que les gens allaient penser: allait-on me juger ou me prendre pour une mauvaise mère?
Mais j'ai reçu énormément d'amour, de soutien et de messages. Pas de jugement (du moins, pas de la part de ceux qui ont envoyé des commentaires ou des messages) mais un déluge d'encouragements adressés à la mère en difficulté que j'étais. Depuis, j'ai continué à être très ouverte et franche sur ma maladie, mes problèmes, ma thérapie et mon chemin vers la guérison. Des inconnus m'ont témoigné une gentillesse et un soutien incroyables. À ce jour, je n'ai reçu qu'un seul commentaire négatif provenant d'une connaissance qui se disait inquiète que je publie des choses aussi personnelles sur internet. Certaines personnes ont posé des questions, d'autres ont eu honte pour moi ou n'ont pas su comment prendre de mes nouvelles, d'autres ne croyaient probablement pas à ce diagnostic, ou s'interrogeaient sur les médicaments, mais la plupart m'encouragent beaucoup!
J'ai pris la décision de faire partager ma maladie et mon expérience pour des raisons personnelles, et j'ai bien conscience que tout le monde ne partage pas ce besoin, mais je savais que parler de ce que je ressentais et des écueils que je rencontrais était une étape importante de ma guérison. Je me doutais qu'exposer ma situation sur la plateforme que j'avais tant œuvré à créer ne serait pas chose facile, mais j'espérais aussi que mon combat pousserait d'autres mères dans le même cas à se faire aider.
Pour ma part, le fait d'exposer mes expériences et mes failles les plus profondes m'a permis de mieux gérer mes sentiments, de les reconnaître et d'avancer. Je trouve qu'il est indispensable de parler, surtout lorsqu'il s'agit de ses émotions. Ecrire pendant les premiers mois de ma thérapie m'a énormément aidée à mettre le doigt sur ce que certaines situations ou événements déclenchaient.
Je sais que je n'ai aucune raison d'être gênée ou d'avoir honte. Malgré ma dépression, je n'en reste pas moins une mère. Un tiers des mères en sont atteintes. Il faut briser le tabou lié à la santé mentale, car énormément de parents souffrent en silence et craignent la réaction des autres, ou se demandent ce qui arrivera à leur bébé s'ils admettent qu'ils ont besoin d'aide. Ca ne devrait pas être le cas. J'espère qu'en partageant mes expériences, je pourrai aider d'autres parents à faire la démarche de solliciter de l'aide ou d'en parler, sur les réseaux sociaux ou en face à face. Je crois que le puissant instrument que représente la parole est le premier pas vers la guérison.
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