Chapitre 1

2927 Words
Je sens les derniers rayons de soleil de l'année me chauffer la peau, je n'ai pas envie d'ouvrir les yeux, depuis le décès de Franck, une partie de moi est partie avec lui. Et le plus dur c'est le matin, me réveiller seul dans ce grand lit, qui a été témoins de notre amour, de nos disputes, je ne sais pas comment j'arrive encore à trouver la force de continuer à vivre sans lui, il me manque tellement. - maman ... Je me retourne, et vois cette petite tête qui me donne cette force, notre fille Emy. Elle ressemble beaucoup à son père, mais j'évite de trop lui en parler, elle a déjà du mal à comprendre pourquoi du jour au lendemain son papa n'est plus rentré à la maison. J'ai essayé de lui expliquer qu'il était parti rejoindre les anges, je pense que c'est ce que doit dire tous les parents qui se trouvent dans cette situation, mais elle n'avait que 2 ans et demi quand Frank a eu ce tragique accident. Aujourd'hui, Emy va sur ses 5 ans, et je me dois de garder le sourire et la volonté de vivre pour elle. Et puis ce n'est pas comme s'il était complètement parti, une partie de lui vis à travers notre enfant. Comme tous les matins, Emy vient se faufiler dans mon lit, avant que l'on se prépare pour aller à l'école, c'est notre petit moment à toutes les deux, on se fait des câlins, on discute de ce que l 'on va faire de nos journées. - maman? - oui, mon petit cœur? - c'est bientôt Noël - il y a encore un petit peu de temps, on est que le 6 octobre,  je  lui réponds en souriant. - oui, mais j'aimerais aller voir le grand le sapin maman, tu crois que l'on peut? Tous les ans, avec son père, on l'amenait à Central parc pour contempler les illuminations de Noël, et c'est fou l'émerveillement qui se dessine sur son visage en même temps que les lumières s'allument. J'ai continué même après le décès de Frank de l'amener, je sais à quel point pour un enfant Noël est rempli de joie, de magie, de rêve et je me sentirais encore plus mal de lui enlever tout cela. - je te promets que l'on ira, et cette année, tu vas même pouvoir faire du patin à glace. - c'est vrai maman? s'exclame-t-elle . - oui, tu es assez grande pour en faire. Son visage rayonne autant de bonheur que le soir où ces fameuses lumières s’illuminent sur le gigantesque sapin. Si son père pouvait la voir, il serait tellement fière d'elle. - on va aller se préparer pour aller à l'école. Je l'embrasse tendrement sur le front, et nous sortons du lit, pour choisir nos tenues, ma fille une véritable petite princesse, elle a déjà ses goûts vestimentaires et tiens à choisir, comment elle va s'habiller pour aller à l'école . Je pense qu'elle tient sûrement cela de moi, avant le décès de Frank, je pouvais passer des journées entières à faire les boutiques, je ne dis pas que je me laisse aller, non c'est juste que nous n'avons plus le même train de vie. Mon mari avait sa propre entreprise, une maison d'édition, mais les derniers mois avant son accident, elle ne se portait pas très bien et quelques jours avant sa mort, il a été obligé de vendre. Heureusement, il avait souscrit à une assurance-vie, ce qui fait que j'ai pu rembourser une partie des nombreuses dettes qu'il avait accumulées, mais j'ai également dû vendre notre sublime villa. À ce jour, nous vivons dans un petit appartement, dans un quartier populaire de New York, mais ce qui me manque, c'est un travail. J'ai eu Emy très jeune, je n'avais que 21 ans, j'ai dû arrêter mes études pendant quelques années. Mais depuis 6 mois, j'ai enfin obtenu mon diplôme de responsable d'édition, les livres, c'est l'une de mes plus grandes passions, je pourrais lire des heures entières sans m'arrêter. J'ai postulé dans l'ancienne maison d'édition de mon mari, mais cela fait 2 mois, je n'ai même pas eu une réponse négative, j'aurais pensé qu'en voyant mon nom, il me serait plus facile obtenir un travail après tout, cette entreprise porte toujours le nom de mon mari "Porter Books". J'ai donc décidé de reprendre mon nom de jeune fille, Lilou Curtis, cette maison d'édition me tient tellement à cœur, que je veux pouvoir y travailler tout en continuant de sentir la présence de Franck. Ma mère me dit souvent que je vis trop dans le passé, elle a peut-être raison, mais pour l'instant je ne me sens pas prête à tourner la page sur mon mariage. Je choisis pour moi de vêtir, d'une robe cintrée noire et blanche, avec des escarpins noirs, pas trop haut sinon je ne vais jamais réussir à finir ma journée. New York est une grande ville, certes, il y a beaucoup de transport en commun, mais il ne faut pas avoir peur de faire des kilomètres à pied pour arriver à un rendez-vous à l'heure. - maman, je suis prête. - je vais te préparer ton petit-déjeuner. - maman? - oui, Emy! - tu es la plus belle,  me dit-elle avec un immense sourire. - oh! Mon cœur, viens là. Je lui fais signe de venir dans mes bras, pour la serrer contre moi. - maman, pourquoi tu n'as pas d'amoureux? - tu le sais ma chérie, ton papa reste mon amoureux même s'il n'est plus avec nous,  je lui  réponds avec les larmes aux yeux. - c'est triste maman, tu crois qu'un jour je pourrais avoir un nouveau papa? Je suis choqué de ses paroles venant d'une petite fille de son âge, je ne m'y attendais pas du tout. Il faut que je retienne mes larmes pour lui montrer que je suis force tout comme elle. Mais je me retrouve face à une situation assez délicate, la présence d'un papa lui manque, je le sais, mais aucun autre homme ne pourra remplacer son père. - mon cœur, ton papa, restera toujours ton papa, peut-être qu'un jour j'aurais un amoureux, mais jamais il ne remplacera ton papa,  je lui explique  d'une voix calme. Elle m'entoure avec ses petits bras autour de mon cou, et dépose un petit bisou sur ma joue. Je ne sais pas si elle a compris, d'habitude je demande toujours conseil à ma mère pour ce genre de situation. Ma mère sait comment expliquer à une petite fille que son père ne reviendra pas, on peut dire que j'ai vécu la même chose sauf que le mien père n'est pas mort, il a juste choisi de plaquer ma mère du jour au lendemain quand j'avais seulement 8 ans et je ne l'ai plus jamais revu. La seule sensation que je connais, c'est l'absence d'un père tout comme ma fille, mais toutes les deux, on forme une bonne équipe, et on va réussir à s'en sortir. **** Encore une journée des plus normales qui s'achève. J'ai l'impression de vivre toujours les mêmes journées depuis 2 ans. J'amène Emy à l'école, puis je continue intensément ma recherche d'emploi, j'enchaîne les rendez-vous, mais à chaque fois c'est la même chose, vous n'avez pas assez d'expérience, etc. . Le pire, c'était quand je portais encore le nom de mon mari, j'avais le droit à un interrogatoire, "pourquoi ne pas travailler dans la maison d'édition de votre mari?", "Pourquoi avoir vendu l'entreprise ? ". Cela me serre le cœur, mais depuis que je porte mon nom de jeune fille, je suis plus tranquille, et les employeurs ne me jugent que pour mon curriculum et pas pour les fautes de mon mari. Vers midi, je vais rendre visite à ma mère, et la plupart du temps je reste déjeuner avec elle. On parle de tout et de rien, mais aujourd'hui je suis préoccupé par ce que m'a dit Emy, ce matin. Je sais déjà ce que ma mère va me conseiller, d'essayer de tourner la page et de refaire ma vie, sauf que moi je ne peux pas à chaque fois qu'un homme s'approche un peu trop de moi, me complimente ou me drague, j'ai l'impression de tromper Frank. Ma mère a refait sa vie, un an après que mon père a mis les voiles. Et je ne lui en ai jamais voulu, bien au contraire, John a joué le rôle du beau-père parfait, même encore aujourd'hui avec Emy, il est un grand-père adorable et aimant. Mais bon peut-on comparer ma situation avec la sienne, je ne pense pas. Après avoir passé une grande partie chez ma mère, c'est pitoyable mes journées sont tellement ennuyeuses que je les passe avec ma mère, je donnerais n'importe quoi pour avoir une vie bien plus passionnante à commencer par travailler. Vers 16H je vais chercher Emy à l'école, j'évite de m'y attarder, le regard des autres parents est le même que la plupart des personnes que je rencontre, de la pitié. C'est vrai être veuve à seulement 26 ans, n'est pas très joyeux, mais je pense qu'à n'importe quel âge, la douleur est la même, on perd notre pilier, notre amour. Emy s'entend plutôt bien avec ses camarades de classe, mais je sens que par rapport aux autres enfants, elle ne se sent pas trop à sa place. Le plus dur, c'est pour la fête des pères, ou le spectacle de fin d'année, je m'en veux tellement qu'elle soit obligée de vivre cette horrible épreuve. Quand on est parent, on veut toujours le meilleur pour ses enfants, et moi j'ai le sentiment d'échouer dans mon rôle de mère. - maman,  crie t-elle en courant vers moi. Elle me saute dans les bras, et s'agrippe à mon cou comme si cela faisait des jours qu'elle ne m'avait pas vus. J'ai connu ce sentiment de perdre le seul parent qui nous reste, on veut profiter de chaque moment que l'on vit avant qu'il ne parte à son tour. - tu as passé une bonne journée mon cœur? - oui, et toi maman? - il me tardait de te serrer fort dans mes bras. Je la serre encore au plus près de moi, mes journées sont bien longues sans ma fille. - je suis allé voir Mami Diane et Papi John. - c'est vrai, moi aussi je veux maman s'il te plaît,  me supplie-t-elle. - demain soir après l'école, tu iras, maman doit aider Tonton Damien à son travail. - Ouuuiiiii! s'exclame-t-elle toute joyeuse. - en attendant si l'on allait faire un tour au parc avant d'entrer à la maison? - tu as pris du pain maman? - oui, je ne voudrais pas que tes canards meurent de faim,  je  lui réponds en rigolant. C'est une habitude que l'on a prix, après l'école, on va faire une petite escapade à Central Park, pour y nourrir les canards, et pour qu'elle joue avec d'autres enfants de son âge qui ne connaissent rien de notre malheureuse vie. *** J'ai à peine le temps de sortir Emy de la voiture qu'elle se mets à courir, j'adore ma fille, mais elle ne connaît pas encore les inconvénients de porter des talons. Elle adore tellement cet endroit qu'elle se précipite à chaque fois vers la mare gigantesque comme si elle avait peur que ses canards ne disparaissent. - Emy attends moi s'il te plaît,  je m'exclame essoufflée . Je me sens encore plus mal à l'aise quand je la vois interpeller un homme accompagné d'une petite fille du même âge qu'Emy. C'est tout à fait Emy, elle n'a peur de rien et il faut toujours qu'elle me mette dans des situations gênantes, je sais que la présence d'un père lui manque, mais ce n'est pas la peine d'aborder tous les hommes qu'elle va croiser dans ce parc. Je m'avance en courant, l'homme d'une trentaine d'années, brun bien coiffé, grand, habillé d'un costard noir très classe, je dirais même qu'il est assez charmant, mais j'avoue ne pas trop porter attention aux hommes. Il tourne son visage en ma direction, je me sens ridicule de courir après ma fille, et son regard sur moi me perturbe tellement que j'en trébuche presque devant lui. Oui, bon pas facile aussi de courir avec 10 centimètres de talons. - Emy, on rentre! Je lui ordonne  sur un ton sec. Je me recule et me tourne vers le père de famille que ma fille est venue ennuyer, j'espère qu'elle n'a pas eu le temps de lui raconter notre vie. - je suis vraiment désolée,  dis-je en baissant la tête. Je me sens si mal à l'aise, que je ne peux pas regarder cet homme dans les yeux, le feu me monte aux joues, Emy dans quelle situation tu me mets. - il n'y a rien de grave . Mon cœur s'accélère à l'intonation de sa voix, et sans même le regarder, je peux sentir un sourire se former sur son visage. Mon regard se pose sur sa main gauche, j'y aperçois une alliance, ce qui me rassure et me déçois à la fois. Je lève enfin mon visage pour contempler ce père de famille. J'ai l'impression d'avoir déjà aperçu son visage quelque part, je reviens à la réalité quand j'entends Emy, rire et s'amuser avec je suppose la fille de cet homme. - elles ont l'air de bien s'entendre,  dit-il en souriant. - je me sens horriblement mal, je me doute que vous vouliez profiter de ce moment avec votre fille, je suis vraiment désolée. - je vous ai dit que ce n'était pas grave,  me réponds t-il d'un ton autoritaire . À sa façon de s’habiller, il doit être l’important, sûrement un homme d’affaires, je le vois bien dans les finances ou dans le commerce. Lilou, réveille toi depuis quand ce que les autres font de leur vie t'intéresse, d'autant plus que tu ne connais même pas cet homme et que tu ne vas sûrement plus jamais le revoir. - maman, maman! - Emy dis au revoir, on va rentrer chez nous! - oui, mais Sarah, veut aller jouer au toboggan,  s'exclame-t-elle. - allons à ce toboggan. À moins que quelqu'un vous attende chez vous? Il doit faire allusion à mon mari, vu de la manière où il s'attarde sur mon alliance. Je ne compte pas raconter ma vie à cet homme que je ne connais pas, il n'a certainement pas besoin de savoir que je suis veuve, et puis pour une fois cela ne fera pas de mal qu'une personne ne me regarde pas avec de la pitié. Je prends la main d'Emy, et m'avance sans rien dire jusqu'à l'aire de jeu. Je sens ses pas derrière moi, une démarche sûre et élégante à la fois. Je lâche la main de ma fille, puis m'assieds sur l'un des bancs qui se trouve juste à côté. Il ne tarde pas à faire de même, mais il est un peu trop près pour moi, alors je me fais discrètement glisser sur le banc pour laisser un peu d'espace entre nous deux. - vous venez souvent ici? C'est la première fois que je vous y vois? me demande-t-il en me regardant du coin de l'œil. Je prends une profonde respiration, je ne sais pas s'il s'agit d'un plan drague ou si c'est juste pour faire la conversation le temps que nos filles jouent ensemble, il est assez charmant, je ne le cache pas, mais il est hors de question que cette discussion aille plus loin. - c'est que vous n'avez jamais dû y faire attention, jusqu'à ce que ma fille vienne vous importuner! - cela veut dire que vous venez souvent! - Peut-être! je réponds sèchement. - on va sûrement être amené à se voir très souvent, et nos filles ont l'air de s'apprécier.... - on va rentrer! je le coupe avant qu'il continue son plan drague. Je me lève du banc pour partir récupérer Emy, je déteste ce genre d'homme, sûr de lui, le "très souvent" veut dire quoi, qu'il va venir exprès dans ce parc juste pour pouvoir m'y croiser, il ferait mieux d'aller rejoindre sa femme qui doit sûrement l'attendre bien sagement chez lui. Je devrais rester aimable et courtois après tout, c'est ma fille qui n'a pas été trop correcte en l'abordant, mais c'est plus fort que moi dès qu'un homme essaye d'être sympas ou me drague, je pense aussitôt à Frank. - attendez! J'essaye juste de faire la conversation! - on vous a assez ennuyé, encore toutes mes excuses. - ne partez pas comme cela! dit-il toujours avec son ton autoritaire. Je prends ma fille dans les bras, elle peut me supplier pour rester plus longtemps, mais pour une fois je ne cèderais pas, je n'ai pas envie de rester plus de temps en présence de cet homme. - maman, je veux rester avec ma copine, me supplie-t-elle. - on doit rentrer à la maison, demain il y a l'école! - on n'a même pas fait les présentations, rajoute t-il. - bonne fin de journée! Et encore pardon pour le dérangement! Je ne le laisse pas le temps de dire un mot de plus, et je pars avec ma fille dans les bras, qui me rabâche dans les oreilles qu'elle veut continuer de jouer avec sa nouvelle amie. Après ce qu'il vient de se passer, on va éviter de revenir pendant quelques jours dans ce parc, je sais que cela va faire de la peine à Emy, mais je ne veux pas recroiser cet homme.
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