III

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III – J’aime encore mieux ton histoire que la mienne, dit Blanc-Minot. Je doute pourtant que ta comtesse valût, dans toute sa personne, le petit doigt de la délicieuse étrangère dont, pas mieux que toi, je ne sus taire les faveurs. Le mari était un baronnet allemand et j’éprouvais à marauder dans ses terres conjugales je ne sais quelle fausse joie de revanche. Je lui reprenais avec une délicieuse fureur tout ce que je pouvais de Metz et de Strasbourg ; et je mettais à le déshonorer implacablement un patriotique souci. J’aurais poussé, je crois, jusqu’à Berlin dans cette campagne à outrance, quand un accident, dû à mes seuls bavardages me força à la retraite sous le feu de l’ennemi. La baronnette était une personne admirablement dodue, rebondie à souhaits, exquisement vallonnée, et jamais je n’aurais pu rencontrer un champ de bataille plus pittoresque, même dans l’œuvre de Van der Meulen. Très fier de ma stratégie, j’en divulguai les finesses à quelques autres généraux qui en parlèrent sans doute au conseil. Toujours est-il que Léonore – ainsi se nommait ma position fortifiée – me dit, un soir, avec tous les signes de la terreur : – Mon mari sait tout ! Le lendemain, j’attendis chez moi, toute la matinée, ma redingote boutonnée, comme il sied à qui compte sur un cartel. Quand le baronnet entra, je lui rendis son salut avec infiniment de froideur. Je respirai quand il me tendit cordialement la main comme à l’ordinaire. Léonore s’était certainement trompée ! Il s’assit sans aucun embarras et, en jouant du bout de sa canne sur sa bottine : – Mon cher Blanc-Minot, me dit-il, obligez-moi de me prêter deux cents louis… Et le regard qui jaillit, clair, sur moi, de son petit œil bleu, voulait dire à n’en pas douter : « C’est le tarif ! » Je m’exécutai, mais j’en fus gêné terriblement. – Cela prouve, dit Jacques, que, dans le choix d’une maîtresse, on ne saurait trop compter avec cette personnalité, indifférente au premier abord, qui s’appelle le mari. On s’expose à mille désagréments, outre qu’on se mésallie soi-même, pour ainsi parler, en entrant dans un ménage dont le chef n’est pas un homme de votre monde. Je ne parle pas seulement de l’ennui d’une compagnie souvent beaucoup plus fréquente que celle qui vous charme. Car je sais des femmes qui, pour un quart d’heure de délices qu’elles vous accordent quelquefois, vous condamnent à passer des journées entières avec leur époux. Non ! j’élève plus haut le débat, comme on dit au Parlement, et je proclame, comme un principe, qu’on ne doit faire cocus que d’honnêtes gens. – C’est élémentaire ! fit Féréol.
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