Ces moments de famille qu'on n'avait jamais auparavant, étaient finalement ce dont on avait besoin.
On goûtait à un vent de tranquillité et d'amour ce soir-là.
Je m'en souviens encore comme si c'était hier d'ailleurs.
Et avec du recul, je trouve étrange le fait qu'aucun d'entre nous ne savait que derrière ces partages ensembles, se cachaient un si grand apaisement.
Josh m'avait même prise dans ses bras, ne me laissant qu'en être pleinement heureuse.
Sentir pour une fois l'amour de ma famille envers moi créait tant d'émotions nuageuses dans mon cœur puis dans ma tête.
Ces beaux nuages remplaçaient les ténèbres du monde d'hyper-pensive que je m'étais créé, me laissant profiter du moment présent.
On riait devant un écran qui pour la première fois n'était point celui d'un téléphone portable.
Mon père était habituellement celui qui monopolisait la télévision dans la maison. Enfin... avant cette semaine où tout d'un coup, il avait considérablement changé.
La société actuelle nous balade dans la banalisation des relations sociales.
On se déconnecte de l'humanité sans même le constater.
Et bien sûr, les réseaux sociaux sont importants, mais tout comme les autres choses de la vie qui nous donnent du plaisir, on n'arrive pas très souvent à trouver une balance entre le réel et le fictif.
On n'arrive pas à faire la part des choses et certains deviennent accros à leurs appareils au point de s'inventer des vies, car ils développent des complexes.
J'y ai été. Et je marche encore pour m'en sortir.
Nous sommes parfois si absorbés par le bonheur des autres qu'on ne voit pas le malheur qu'on crée dans les cœurs de ceux qui veulent être physiquement là pour nous, pendant que le temps est encore de notre côté.
Mais un jour, il en aura assez et s'en ira. Il s'en ira embrasser la vieillesse ou la mort, et on regrettera de l'avoir négligé.
Mais encore une fois, que savions-nous ?
Moi j'héritais déjà de ces habitudes d'être seule et de ne trouver que la paix dans mon monde à moi. Et comme je n'avais pas encore de téléphone portable, je me réfugiais dans mes pensées et dans mes conversations avec mes jouets.
Après avoir suivi deux films, minuit nous ordonna grossièrement de fermer nos pupilles.
Nous étions épuisés pourtant, Josh avait l'air de ne pas vouloir nous laisser partir.
Alors, il demanda 'On dort ensemble, n'est-ce pas ?' se plaçant devant la télévision.
Je ne sais pourquoi ni si toute la famille ressentait ce que je ressentais mais... mon esprit me chuchotait que quelque chose allait arriver. J'avais peur, très peur. J'avais chaud, mais ma peau transpirait de la fraîcheur. Et tout paraissait flou de mon âme de petite fille.
Mon corps chauffait et mon cœur battait très vite.
Mon esprit était sûrement en train de s'agiter, essayant de me parler. Hélas, je ne comprenais aucun de ses mots.
Nous montâmes donc tous dans la chambre des parents pour y passer la nuit.
Elena, maman et moi étions sur le lit pendant que les garçons avaient emmené le matelas de Gary pour dormir dessus.
Et bien que nous étions plusieurs dans la chambre, je voulais secrètement qu'on refasse des soirées comme tel.
Mais le matin arriva très vite alors il nous fallait retourner à la vie habituelle.
Une voix nous avait violemment arraché des mains du sommeil, 'que faites-vous là ?' dévoilant le visage de papa.
Celui qui faisait régner la terreur était de retour dans la maison.
On se leva donc ma sœur et moi afin de retourner dans la chambre de cette dernière.
Or, Gary qui s'étirait poussait au même moment Josh, doucement, par peur de l'énerver. 'Josh... je veux prendre mon matelas.' Disait-il pendant qu'Elena et moi venions de sortir de la pièce pour continuer nos rêves dans sa chambre.
Et à peine venions-nous de sauter dans le lit, qu'un bruit à la fois aiguë, lourd et muet, nous fîmes courir vers la chambre de nos parents de nouveau.
'Josh !' Avait crié ma mère.
J'étais restée devant la porte, figée alors que ma sœur me prenait dans ses bras. Je sentais son cœur battre de plus en plus vite devant une vision de maman qui bousculait de toutes ses forces Josh.
Ce dernier, quant à lui, semblait être éteint. Son corps était tel la feuille d'automne d'une branche d'arbre mené par le vent.
Il se laissait aller par les va-et-vient des mains de maman.
Et papa qui se tenait derrière elle, la souleva finalement pendant que Gary pleurait près d'eux.
Il pleurait jusqu'à finalement courir vers sa chambre pour cacher sa faiblesse.
Les hommes ne pleurent pas. Disait-on chez nous.
Et je n'avais encore jamais vu ni mes frères ni mon père crier de larmes à la détresse avant ce jour. Par ailleurs, même à ce moment, il n'y avait que Gary qui pleurait.
Papa était juste immobilisé par une glace d'émotions qui nous étaient impossibles de traduire. Tenant ma mère dans ses bras.
Ce jour-là fut v*****t. Très v*****t.
Manquer de mots face à une situation devant laquelle tu es dans l'obligation d'informer des gens était terrifiant.
Ma mère qui n'avait que des océans dans la voix, laissa donc mon père informer la famille.
Et à chaque fois qu'il prononçait le nom de Josh, maman était comme pincée par des émotions bouleversantes.
Ma sœur était assise près de moi et pleurait dans l'absence de la tristesse violente de maman.
Elle ne criait pas comme mère, elle ne s'agitait pas. Elle était juste... tétanisée.
Elle se rendait sûrement compte que la mort pouvait frapper à n'importe quelle porte ou pas... elle pouvait aussi entrer sans prévenir.
Mais si on y pense bien finalement, certes, on n'a pas de pouvoir sur le moment où on part, mais quand il est très proche, il appelle l'âme d'une telle façon que notre esprit le sait.
Il y a le plus souvent cette manière étrange de se comporter que les personnes qui partent manifestent.
Josh, lui, il avait tenu à avoir ce moment de famille qu'on avait jamais eu. Je pense qu'il nous avait donné une leçon à tous car peu de temps après, nous avions pris cette habitude de passer du temps ensembles.