Par la suite, notre père avait refusé de faire des obsèques comme on le faisait souvent dans notre partie du continent.
Il nous avait littéralement obligé à enterrer Josh le même jour de son décès. Ainsi, pas grand monde de la famille n'avait pu se montrer. Ils étaient tous pour la plupart, habitués à ce que la procédure prenne un peu plus de temps.
Et voici comment Josh s'en était allé, alors que nous ne lui avions même pas dit un bel au revoir.
Au fond, ce n'était pas le jour de l'enterrement qui comptait tant pour ma sœur, mon second frère et moi, mais c'était plutôt la façon dont les choses avaient été faites, comme si notre aîné n'était qu'un vulgaire étranger.
C'était un coup brutal. Toutefois, on se forçait à croire que peut être papa voulait à tout prix nous épargner d'une longue souffrance. Ou s'en épargner d'une, lui-même.
Après cela, le temps avait passé sans trop passer.
C'était étrange. Perdre quelqu'un que j'avais toujours connue. Qui avait été à mes côtés depuis ma naissance, rendait presque qu'impossible le fait d'accepter qu'il était partie pour de bon.
Je ne comprenais pas vraiment où il était dorénavant et je pleurais même souvent de ne pas le voir revenir.
Une semaine plus tard, la douleur était toujours là. Pourtant, la vie continuait.
La vie ne voulait point s'arrêter pour nous, pour qu'on prenne une pause afin de souffler. Donc, on se devait d'être fort. Pour Josh, pour nous-mêmes et pour montrer notre reconnaissance d'avoir connu quelqu'un comme lui.
Il y a d'ailleurs une citation qui dit que le temps n'est pas de passage, mais que c'est plutôt nous qui le somme. Et je me rends bien compte que majoritairement, c'est vrai. Le temps ne vieillit point, mais la chair si. Des fois, sans même toucher à la peau de la vieillesse, nos faiblesses nous tuent. Or le temps, lui, il ne meurt guère.
Aussi, c'est à ce moment qu'on réalise que la mort n'enlève vraiment que le corps et rien d'autres.
Car, il y a ce ressentit là en nous qui ne laisse pas mourir l'âme du défunt.
Il est toujours là dans nos souvenirs, il ne meurt point.
L'amour aussi est toujours là en nous et continue de vivre.
Au bout de sept jours, nous étions dimanche et ma mère était sûrement trop affaiblie pour aller à l'église.
Aucune mention de ce lieu n'avait été relevé dans la maison.
Et dans ce genre de situations, c'est là où l'ennemi nous gagne le plus souvent.
Il nous tente et lorsqu'on sort de la Présence de Dieu, il en profite pour toucher ce qui compte pour nous, si ce n'est nous même.
Il nous donne des coups sans pitié et si fort que des fois, on se demande si Dieu ne nous a pas oubliés, oubliant que c'est nous qui l'avions oublié.
Nous avions oublié de L'emmener avec nous partout.
Dieu est omniprésent bien sûr, mais Il ne force pas sa Présence.
Alors, Il peut être là, à attendre que Tu l'appelles, pendant que toi, tu fermes ton cœur.
Dimanche soir, papa avait demandé à notre mère de nous réunir dans le salon. Il avait apparemment besoin de nous parler.
Lorsque nous étions donc tous dans la pièce, maman s'était assise près de son époux et Gary à ma gauche, laissant Elena comme à son habitude se tenir à ma droite, car aucun de mes aînés n'aimait s'assoir au milieu.
Papa vida d'une gorgée sa petite bouteille de bière, la déposa près de lui, puis rota grossièrement, sans s'excuser, avant d'entamer son discours. 'Les enfants... je sais qu'en ce moment la vie semble dépressive pour vous... mais j'ai une annonce à vous faire.'
Maman, à son tour qui ne semblait même pas être intéressée par les aveux de mon père, sirotait son verre de whisky et promenait ses yeux d'ivresse dans le vide en face d'elle.
Pendant que papa continuait, 'Peu de temps avant le décès de votre frère, votre mère et moi avions eu une conversation... ' Il retira ses verres et les posa près de sa bouteille de bière vide. 'Le week-end durant lequel je m'étais absenté, était pour moi un voyage d'affaires et elle le savait d'ailleurs. Eh bien, il s'avère que ma connaissance a porté son fruit.'
Nos regards enfantins qui n'étaient guère intéressés se voyaient obligés de devoir l'écouter lorsqu'il continuait, 'Mon ami vient de me faire un prêt de 20 millions pour commencer un nouveau business !'
'Vingt millions ?' Répéta maman qui venait d'être violemment ramenée à la réalité.
'Oui, chérie.' Dit-il sous les regards toujours désintéressés de mon frère, ainsi que celui de ma sœur et de moi. Mon père continua tout de même son discours qui le rendait si fier, 'Je vais devenir très riche.'
Gary qui avait du mal à vivre sans son complice Josh, ne faisait preuve d'aucune excitation. Quant à ma sœur, elle ne voyait papa que comme un g****o qui passait ses journées à rêvasser.
Alors, la parole de celui-ci n'était pas très prise au sérieux. Pourtant, pour ma mère, ses prières allaient enfin être réalisées si cela se révélait vrai.
Maman prit donc la parole et exprima son inquiétude, 'Chéri, mais que va-t-il se passer si tu te retrouves dans l'incapacité de les lui rendre ?'
Ma sœur qui rigola fortement à ce que notre mère venait de dire, ne manqua pas de commenter 'très bonne question, maman... '
'Cela n'arrivera pas !' Déclarait papa, assurément. 'Nos vies vont changer, car maintenant, nous sommes protégés.'
'Maintenant ?' S'indigna Gary. 'Donc cette protection a dû attendre la mort de mon frère ?'
'Gary!' Cria maman.
'Tu es un homme Gary.' Continuait papa. 'À présent, c'est toi l'aîné et sache que tu dois te montrer courageux et fort devant tes sœurs.' Le conseillait-il, ne laissant même pas son jeune adolescent être un enfant.
À nos bas âges, voilà que nos parents s'attendaient déjà à ce qu'on soit responsable, sage et mature. Mais on s'y obligeait. On devait le faire. Car, personne n'était là pour émotionnellement nous protéger.
'Chéri, ton père a raison.' Reprenait maman, d'une voix plus douce. 'La vie est parfois injuste, tu sais, mais ce n'est pas pour autant que nous ne devons pas avancer.'
Gary les larmes aux yeux se leva de colère afin de les sermonner 'Mais qu'est-ce qui ne va pas avec vous ? Cela fait à peine une semaine que nous avons perdu notre frère et vous nous réunissez ici pour nous parler d'argent ?'
Et moi qui ne comprenais rien de ces altercations, leva la voix, 'Maman a dit que grand frère va revenir.' Afin de rassurer Gary.
'Il. Ne. Reviendra. Pas. Il est mort ! Ok ?' M'avait-il crié en pleine face.