J’ouvre les yeux. L’esprit encore brumeux, il me faut plusieurs minutes pour revenir à la réalité. Des images de mon rêve me reviennent par bribe, comme cela est le cas depuis presque dix ans. Dans un soupir, je repousse les couvertures et me lève. La porte de ma chambre s’ouvre sur Fiona, ma servante.
— Bien dormi Votre Altesse ?
Je sens mes lèvres s’étirer en une grimace. Fiona tire les rideaux laissant passer la lumière de cette matinée ensoleillée.
— Oui, je mens platement.
Elle s’approche de moi, un sourire enthousiaste au coin des lèvres. M’attrapant par la main, elle me conduit à ma salle de bain.
— Cette journée va être parfaite pour les festivités du Solstice d’été.
— Qui y aura-t-il ?
— La famille royale, les nobles les plus importants de la Cour, y compris votre oncle et votre mère.
— Le Prince Aikon sera là ?
— Bien sûr ! (Je sens l’enthousiasme monter en moi, jusqu’à ce qu’elle ajoute :) Ainsi que ses amis.
— Super…, je marmonne entre mes dents.
Fiona m’aide à retirer ma robe de nuit. Je me glisse dans l’eau chaude de la baignoire. Une douce odeur de cannelle s’empare de mes sens. Les yeux fermés, je m’installe confortablement. Les tensions de mon corps se dissipent peu à peu. Fiona s’assoit sur un tabouret et s’attèle à l’entretien de ma longue chevelure ondulée.
— N’êtes-vous pas contente de savoir le prince de retour à la Cour ?
Aikon ? Bien sûr. Depuis que je suis arrivée ici, il a toujours été très attentionné à mon égard. Après la nuit de discussion avec sa mère et la matinée suivante au cours de laquelle cette dernière a pris la décision de faire savoir notre retour à mon oncle que je ne connaissais pas encore, Aikon a demandé à ce que je sois placée sous sa protection. Ma mère, quant à elle, a épousé Lord Ackles, l’un des conseillers principaux de mon oncle.
— Si, bien sûr. Mais, je ne peux pas en dire de même en ce qui concerne sa b***e d’abrutis.
Ma servante rit de ma franchise. Mes lèvres s’étirent en un sourire tandis que je me joins à elle. Fin propre, je sors de la baignoire. Fiona me tend un peignoir dans lequel je m’enroule avec plaisir avant de retourner dans ma chambre. Comme d’habitude, j’y retrouve deux servantes de la Maison Gwynfor, Isobel et Louison occupées à changer les draps de mon lit.
— Votre Altesse.
Elles m’adressent une révérence à laquelle je réponds d’un signe de tête.
— Il y a un cadeau pour vous, m’informe Isobel.
D’un geste du menton, elle m’indique le tabouret de ma coiffeuse sur lequel sont posées deux boîtes blanches que je m’empresse d’ouvrir. Dans la première se trouve une ravissante robe blanche à manches courtes, sur laquelle sont brodées de fines roses blanches et roses. Le jupon s’arrête juste au-dessus du genou. Un mot l’accompagne.
En prévision des festivités à venir aujourd’hui. Quelque chose me dit que le contenu de la seconde te fera plaisir. Je les ai faites venir de loin, en espérant qu’elles te permettront d’échapper à la torture des talons. Xx.
J’esquisse un sourire et attrape la seconde boîte. Un petit cri enthousiaste m’échappe tandis que mon regard se pose sur une paire de baskets en tissu blanches, décorées de motifs assortis à ceux de la robe.
— Fiona, mes dessous !
L’intéressée m’apporte un ensemble de sous-vêtements blancs. Je lui montre la robe, la paire de baskets ainsi que la note. Du coin de l’œil, je peux voir Isobel et Louison se retirer, souriantes. Fiona m’aide à m’habiller, puis m’applique une fine couche de maquillage, avant de coiffer mes cheveux en un demi-chignon tressé. J’en profite pour récupérer le pendentif que le prince m’a offert à l’occasion de mon quinzième anniversaire : un bijou élégant et discret en forme de loup.
De petits coups retentissent contre la porte. Je jette un coup d’œil furtif à la pendule sur le rebord de la cheminée. Ce doit être la princesse Eva, cousine d’Aikon. Fiona va lui ouvrir. Mon amie et moi échangeons une étreinte furtive. L’impatience se lit sur son visage.
— Que se passe-t-il ? je lui demande.
— Il y a du nouveau.
Je hausse un sourcil.
— Du nouveau par rapport aux rumeurs sur la fille du hangar à bateaux ?
Elle m’assène une tape sur le bras roulant des yeux au ciel.
— Non. Du nouveau sur Aikon.
Mon cœur fait une embardée entre mes côtes. Le connaissant, il s’agit probablement d’une intrigue sentimentale. Même si cela fait depuis l’incident du hangar à bateaux qu’il est en couple avec Olivia et qu’il semble s’être calmé un peu, il n’en demeure pas moins un coureur de jupons avéré.
— Raconte-moi…
— Eva ? Eden ?
Terrence, le frère d’Eva et prétendant d’Annaëlle, la fille aînée de mon oncle, entre dans ma chambre. Eva se tourne vers lui, légèrement exaspérée.
— Nous étions en train de…
— Faire le tour des derniers ragots avant le petit-déjeuner, je sais, l’interrompt son frère. (Une lueur taquine parcourt son regard. Sa sœur lui tire la langue, ce à quoi il répond en secouant la tête. Ses yeux noisette se posent sur moi.) Tu es mandée dans la grande salle : la Reine et ton oncle aimeraient s’entretenir avec toi.
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