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Une lune de miel à Monte-Carle

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Extrait : "Pour le départ du rapide de sept heures et quart, voie de Marseille, de Nice et d'Italie, la gare de Lyon-Méditerranée est en mouvement. Mais un mouvement pour ainsi dire tranquille et silencieux qui ne ressemble en rien au tumulte des trains de banlieue ou des longs trains omnibus. Aucune bousculade, aucun chant, aucun cri. On ne prend pas d'assaut les wagons. Les voyageurs, presque tous des gens du monde, sont discrets, les employés polis."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.

• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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I - Le départ
I Le départ Pour le départ du rapide de sept heures et quart, voie de Marseille, de Nice et d’Italie, la gare de Lyon-Méditerranée est en mouvement. Mais un mouvement pour ainsi dire tranquille et silencieux qui ne ressemble en rien au tumulte des trains de banlieue ou des longs trains omnibus. Aucune bousculade, aucun chant, aucun cri. On ne prend pas d’assaut les wagons. Les voyageurs, presque tous des gens du monde, sont discrets, les employés polis. Un homme grand, correct de mise et de manières, sans uniforme, sans képi, vêtu comme tout le monde, mais connu et respecté de tous les employés, grands et petits, préside à la formation du train. C’est M. Regnoul, qui a conservé l’emploi de chef de gare pour le bien de tous, mais qui a le titre d’inspecteur de l’exploitation pour les services qu’il a rendus à la Compagnie. Sept heures ! Le train est déjà formé avec sa puissante machine en tête, son fourgon de bagages qui s’emplit peu à peu, son sleeping-car, un hôtel roulant, ses voitures de luxe, wagons-salons, fauteuils et coupés-lits, et ses voitures de première classe. Tout le monde n’est pas encore placé ; les retardataires d’abord, ceux qui ne se pressent jamais et se fient au proverbe : « Aux derniers les bons, » puis les coureurs d’aventures en quête d’une jolie voisine, les chercheurs de coins, ce rêve des voyageurs nocturnes, enfin les quémandeurs, recommandés ou inconnus, qui veulent avoir pour eux seuls un compartiment de huit personnes avec la pancarte magique : Réservé. C’est à ce moment, à l’heure de ce coup de feu, que M. Regnoul doit faire preuve de sang-froid, de fermeté et de tact. Il y parvient, car il connaît son monde et dévisage dans la foule des solliciteurs les gens qu’on peut éconduire et les personnages auxquels on ne doit rien refuser. – Tiens, de Val ! – Tiens, de Magny ! – Vous partez par ce train ? – Oui, je vais à Nice. – Oh ! à Nice, comme moi, c’est-à-dire à Monte Carle, sans arrêt, d’une seule poussée, pour être installé, demain, à cinq heures, devant la roulette. – Non, devant le trente et quarante. – Vous voyez bien, j’avais deviné… Vous êtes seul ? – Oui, jusqu’à présent, dans un coupé-lit. Montez avec moi. Nous piocherons un système en route. J’ai des permanences dans mon sac. – Impossible, marquis. Je voyage avec un permis de la Compagnie. Les places de luxe me sont interdites. – En effet, vous êtes devenu journaliste, ces temps derniers, et vous ne payez plus rien nulle part, ni au théâtre, ni en chemin de fer. – Permettez. D’abord nous payons en réclames et en annonces. Puis, quand il arrive un accident sur la ligne, nous ne comptons pas de trop près le nombre des morts et des estropiés. Cela vaut bien quelques billets de faveur… Mais on monte en voiture. Je vous quitte. – Vous avez encore cinq minutes ; restez donc et dites-moi si vous connaissez cette jolie tête blonde, toute jeune, qui se tient à la croisée d’un des salons du sleeping ? – Parfaitement. J’ai assisté aujourd’hui, pour le compte de mon journal, au mariage de cette jolie tête avec l’autre tête à petites moustaches qui se tient près d’elle. – Têtes connues alors, puisque le journalisme s’en inquiète ? – Connues de nom… Le père de la tête sans moustaches est un ancien magistrat dont la démission a fait autrefois grand bruit, M. X… – Ah ! très bien… Et l’autre, le petit, comment s’appelle-t-il ? – Le vicomte Roger… de l’Est, pour le distinguer des autres Roger, du Nord et du Midi… Bonne famille et de la fortune. – Il est tout jeune ce petit vicomte… On ne le dirait pas plus âgé que sa femme. – Et on affirmait, ce matin, à Saint-Augustin, qu’il était pur comme elle. – Jean et Jeanne d’Arc, alors… Ils vont faire leur voyage de noces. – Probablement, l’Italie traditionnelle. – Ils supportent assez bien les adieux de leurs grands-parents. Tandis qu’on pleure d’un côté, ils ont le sourire aux lèvres. Oh ! les enfants ! Quels ingrats !… Non, je calomnie la mariée, elle a les yeux humides, ce qui la rend encore plus jolie… A-t-il de la chance ce petit ! Seul dans son sleeping avec cette délicieuse créature, tandis que je vais me morfondre avec moi-même dans mon coupé. – Je préférerais votre solitude à l’encombrement de mon wagon… Trois vieilles Italiennes… et ça cause, les Italiennes… deux poitrinaires… et ça tousse… et un n***e. De Val et le marquis de Magny se séparèrent. Il était temps : quelques secondes après, un coup de sifflet donna le signal du départ… un de ces coups de sifflet discrets, réservés, qui savent respecter les oreilles délicates. Le train s’ébranle lentement, solennellement, comme s’il avait conscience de sa haute mission : traverser la France à grande vitesse dans toute sa longueur, transporter des voyageurs d’élite à la frontière la plus reculée. Il n’emplit pas la gare de ces grands jets de vapeur, de ces longs grondements, de ces sifflements aigus des trains de petite vitesse qui font de l’embarras. Il retient au contraire son souffle et s’en va, comme à regret, par déférence sans doute envers les parents et les amis qui viennent de faire leurs adieux et restent seuls sur le quai, soucieux, tristes, agitant leurs mouchoirs, envoyant un dernier b****r qu’on ne sentira plus, qu’on ne pourra même plus voir.

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