Envie De Leur Luna

Chapitre 2 - Pas si Mal

(Point de vue de Max)

Le son strident de l'alarme a résonné dans mes oreilles, me réveillant d'un bond. Ces rêves que je chéris tant m'ont été instantanément arrachés alors que la réalité me frappait en plein visage. Je l'ai revu hier soir..il me disait ces choses que j'adorais entendre, ces choses qui étaient uniquement pour moi et que je désirais ardemment du plus profond de mon âme. La douleur de réaliser que ce n'était qu'un rêve a commencé à s'installer. Cela fait deux ans..deux ans depuis cette horrible nuit où j'ai perdu mon père et que tout a changé.

Je me suis retournée, j'ai tendu mon bras au-dessus de ma tête et j'ai cherché mon téléphone en tâtonnant. J'ai rapidement éteint l'alarme et j'ai remarqué que j'avais deux notifications.

De maman : Je rentre tard ce soir, commande quelque chose pour le dîner. Je t'aime.

De Nicole : As-tu déjà parlé à ta mère de ton retour à la maison après la remise des diplômes ?

J'ai éteint mon téléphone, posant mon bras sur mes yeux en poussant un souffle tremblant. Ma mère est sortie tard tous les soirs cette semaine. C'était nouveau pour elle..même si nous ne sommes peut-être pas aussi proches qu'avant tout cela n’arrive..pour la plupart à cause de moi…mais elle n'a jamais été aussi distante..enfin, pas depuis la mort de papa..les premiers mois ont été éprouvants. Je n'étais pas sûre qu'elle allait s'en sortir, pour être honnête, je n'étais pas sûre que nous allions toutes les deux nous en sortir.

C'est la quatrième fois que nous déménageons en deux ans..d'abord l'Oregon, puis le Montana, après l'Arizona, et maintenant le Colorado. Ouais, ça a été horrible..non seulement mon père est mort, mais ma mère est tombée dans une profonde dépression et a décidé qu'elle avait besoin d'un changement. Elle a donc bouleversé nos vies et m'a emmenée loin de la seule base solide que j'avais. Mes amis et ma famille...les personnes qui me permettent de continuer à avancer, même jusqu'à ce jour.

Chaque école a été différente, mais ça se termine toujours de la même manière. Je reste dans mon coin, je ne socialise pas vraiment et on me surnomme la fille bizarre qui ne porte que des sweats à capuche et des chemises à manches longues. C'est plus pour moi que pour eux, vraiment..je ne veux pas me regarder. Je ne veux pas voir les rappels du jour où mon monde s'est arrêté et comment je ne fais qu'exister..ce n'est pas vivre..c'est survivre.

Je me suis levée du lit, en évitant de regarder le miroir, enfilant mon sweat à capuche noir et marchant péniblement dans le couloir. Ma mère et moi vivions dans un appartement de deux chambres en ville. Les bois me manquent tellement..juste l'air frais et les arbres verts..ici, au Colorado, nous n'en avons pas beaucoup..c'est plus des terres de prairie que des montagnes. Ouais, il y a des arbres mais c'est à deux heures de route et je ne conduis pas..je n'ai jamais appris à le faire. Je vais à l'école à pied tous les jours, car ce n'est qu'à quinze minutes. J'ai dix-sept ans, presque dix-huit dans quelques mois, et je suis en dernière année à présent. C'est ma deuxième semaine d'école.

Jusqu'à présent, ça va, je fais ce que je dois faire et j'ai de bonnes notes..j'évite les ennuis et je reste dans mon coin. Les professeurs semblent m'apprécier, mais les élèves, pas vraiment. Ils ne me le disent peut-être pas en face, mais j'entends les chuchotements et je vois les regards pleins de jugement.

Cela ne me dérange pas pour autant..encore une année, et ensuite je serai libre de choisir. Libre d'aller où bon me semble et là où je veux aller, c'est à Washington..je veux rentrer chez moi. Je veux voir mes amis et ma famille, mais surtout, je veux vivre près de mon père. Nous avons décidé de disperser ses cendres dans les bois où nous avions l'habitude de camper. Il me manque tellement..je ne me sens pas bien d'être si loin..je ne peux pas le supporter.

Je suis entrée dans notre petite cuisine et j'ai pris un yaourt dans le frigo..la plupart des matins, je n'ai pas très faim, surtout si j'ai fait un cauchemar la veille. Ceux où je revivais cette nuit encore et encore..je suis convaincue que je me réveillais et que mes cicatrices me faisaient mal, comme si tout mon corps revivait ce moment aussi.

J'ai rapidement mangé avant de me diriger vers la salle de bain et de me glisser sous la douche. J'ai fermé les yeux, me frottant rapidement le corps tout en évitant de regarder en bas. J'ai lavé mes longs cheveux ondulés blond fraise et les ai rincés aussi rapidement avant de sortir et d'enrouler une serviette autour de mon corps.

Je refusais de me regarder dans le miroir..ce que je faisais rarement..mais je ne pouvais pas me résoudre à le faire ce matin. Il y a des jours plus difficiles que d'autres..c'était l'un de ces jours. J'ai brossé mes cheveux et je suis allée dans ma chambre. J'ai rapidement enfilé un soutien-gorge de sport et une culotte noire avant de me glisser dans un legging noir, un t-shirt oversize à manches longues et un sweat à capuche assorti. Mon corps s'était parfaitement dessiné avec mes courbes, même avec ma petite taille de 1,61 m, je ne voulais tout simplement pas le montrer. C'est pourquoi je portais des vêtements deux fois trop grands de taille.

J'ai enfilé mes baskets et j'ai accroché mon sac à dos sur mon épaule avant de sortir par la porte d'entrée et de la verrouiller. Il restait une heure avant le début des cours et je prenais généralement mon temps lors de ma promenade matinale en écoutant de la musique.

J'ai mis mes écouteurs avant d'allumer la Playlist préférée de mon père. La première chanson qui est sortie était des Ramones et j'ai augmenté le volume le plus fort possible, essayant d'étouffer le monde qui m'entourait.

Je faisais toujours ce genre de petites choses pour me sentir plus proche de lui, pour préserver les souvenirs que je voulais garder pour le reste de ma vie.

J'ai rapidement tourné à gauche sur le trottoir et j'ai relevé ma capuche, me cachant des passants. Je ne voulais attirer aucune attention..je ne l'ai jamais voulu..peut-être que l’ancienne Max voulait être populaire et avoir beaucoup d'amis, mais cette Max veut juste passer cette année scolaire et essayer de trouver un moyen d'aller mieux. Je me contenterai de ça, je n'ai pas besoin d'être heureuse, je ne veux tout simplement pas être comme ça..peu importe ce que "ça" était.

Soudain, un de mes écouteurs a été retiré, me faisant tourner la tête et rencontrer des yeux bruns chaleureux, ce qui m'a fait cligner des yeux de confusion.

"Hey, tu es Max, non ?" a demandé un garçon que je ne reconnaissais pas, il avait des cheveux bruns ébouriffés avec des mèches bleues et une peau bronzée. Il avait les lèvres percées et portait un t-shirt du Grateful Dead. Il avait l'air vraiment cool..totalement trop cool pour moi.

"Euh, ouais, c'est moi", ai-je répondu nerveusement..je ne parle pas beaucoup aux gens alors, je me sens socialement mal à l’aise maintenant.

"Je m'en doutais, je m'appelle Mitchell. Nous habitons dans le même immeuble... Nous avons aussi quelques cours ensemble", m'a-t-il informée et j'ai simplement hoché la tête avant de regarder devant moi, ne sachant pas trop quoi répondre. Soudain, il s'est approché de moi, a attrapé l'écouteur qu'il avait retiré plus tôt, et m'a regardé avec un sourire en coin.

"Qu'est-ce que tu écoutes ?" a-t-il demandé en le mettant dans son oreille et la chanson 21 Guns de Green Day a commencé, ce qui a fait s'écarquiller ses yeux bruns. Waouh..il était mignon lorsqu’il a fait ça.

"Génial, je savais que tu avais de bons goûts musicaux, je pouvais simplement le sentir." Son sourire s'est élargi, ce qui m'a poussée à lui en donner un aussi, alors que je regardais le trottoir en essayant de ne pas rougir.

Je n'avais jamais été abordée par un garçon auparavant..pas un comme lui. Il avait l'air tellement cool et extraverti.

Nous avons marché le reste du chemin jusqu'à l'école en écoutant ma musique. Il parlait beaucoup et je me contentais de hocher la tête et de répondre vaguement, mais cela n'avait pas l'air de le déranger.

"Nous devrions déjeuner ensemble, mes amis et moi mangeons dehors près du grand arbre. Je te réserverai une place", a dit le garçon pendant que nous passions les grandes portes vitrées. J'ai remarqué qu'un groupe de personnes lui faisait des signes de la main. Oui, je connaissais ces enfants..c'étaient les enfants populaires… Ceux que je pensais, être le plus dévisagés.

"Je..je ne mange pas à midi", ai-je balbutié, me sentant déjà anxieuse. Ce n'était pas vraiment un mensonge non plus, je n'avais tout simplement pas faim la plupart du temps.

"Oh, eh bien, tu peux juste traîner avec nous si tu veux", a-t-il proposé et je n'ai pas pu m'empêcher de me mordre la lèvre anxieusement..j'ai essayé d'éviter ça..parce que je sais comment ça se termine.

Je l'ai vu tant de fois. Peut-être que si je n'en parle pas ou que je fais comme si ma vie était parfaite et que ma mère et mon père venaient de divorcer. C'est normal, non ? Non..je ne peux pas faire ça..je n'ai jamais été douée pour mentir, ça me rongeait de l'intérieur à chaque mensonge.

"Écoute, c'est juste que..je ne traîne pas vraiment avec les gens..en général", ai-je balancé, ce qui me donnait envie de me donner une tape au front, pendant que je voyais Mitchell essayer de cacher son amusement.

"Eh bien, si tu décides d'essayer..traîner avec des gens, je veux dire..tu es plus que bienvenue pour traîner avec nous." Ses paroles étaient sincères et je ne pouvais m'empêcher de détourner timidement le regard..qu'est-ce qui n'allait pas chez moi ?

"Merci..", ai-je dit avant de me tourner et de me précipiter vers mon casier en y glissant mon sac à dos.

"Mitchell, allez mec, tu viens ?" ai-je entendu un gars crier, ce qui m'a fait jeter un coup d'œil par-dessus mon épaule et à ma grande surprise, Mitchell se tenait toujours à l'endroit où je l'avais laissé, en train de me regarder.

Il m'a adressé un autre sourire en coin avant de me faire signe de la main et de marcher à reculons, me gardant dans son champ de vision.

"Ouais, j'arrive tout de suite, mec", s'est-il exclamé, ses yeux bruns se sont fixés sur les miens et mon cœur s'est mis à battre plus vite. Ce regard qu'il me lançait, je ne l'avais jamais vu auparavant..qu'est-ce qui clochait chez ce gars ?

Je peux vous jurer qu'il me regardait fixement jusqu'à ce que ses amis le tirent en arrière et lui donnent une tape dans le dos, le taquinant pour son comportement inhabituel. En tout cas, il me semblait que c'était inhabituel…mais peut-être que Mitchell était comme ça.

Un petit sourire s'est dessiné sur mon visage, quelque chose qui semblait tellement étranger que j'essayais de me maîtriser. Je ne me souviens même pas de la dernière fois où je me suis sentie comme ça..où je me suis sentie moi-même.. Eh bien, peut-être que le Colorado ne serait pas si mal après tout..la quatrième fois doit être la bonne, n'est-ce pas ? Espérons-le..