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L’Affaire Lerouge

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Inspirée d’une affaire criminelle qui défraya la chronique, "L’Affaire Lerouge" est le premier roman « judiciaire » français, paru en 1866.Son auteur, Émile Gaboriau, élabore une intrigue policière à la construction astucieuse, doublée d’une histoire amoureuse.Arthur Conan Doyle, autre père du roman policier, était un grand lecteur et admirateur de Gaboriau. Il reconnaîtra d’ailleurs volontiers l’influence de Tabaret et de Lecoq sur la création de son héros mythique, Sherlock Holmes.Résumé :Une femme d’une cinquantaine d’années, la veuve Lerouge, est retrouvée sauvagement assassinée dans sa maison. Tous les indices conduisent à un jeune homme de bonne famille : les preuves matérielles sont accablantes.L’assassin paraît tout désigné et l’affaire bouclée, quand le doute s’immisce dans l’esprit de l’un des enquêteurs, le père Tabaret. Certains faits le poussent à envisager le meurtre sous un autre angle, et ses découvertes réserveront bien des surprises aux lecteurs. 

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Chapitre 1-1
Chapitre 1 Le jeudi 6 mars 1862, surlendemain du Mardi gras, cinq femmes du village de La Jonchère se présentaient au bureau de police de Bougival. Elles racontaient que depuis deux jours personne n’avait aperçu une de leurs voisines, la veuve Lerouge, qui habitait seule une maisonnette isolée. À plusieurs reprises, elles avaient frappé en vain. Les fenêtres comme la porte étant exactement fermées, il avait été impossible de jeter un coup d’œil à l’intérieur. Ce silence, cette disparition les inquiétaient. Redoutant un crime, ou tout au moins un accident, elles demandaient que la « Justice » voulût bien, pour les rassurer, forcer la porte et pénétrer dans la maison. Bougival est un pays aimable, peuplé tous les dimanches de canotiers et de canotières ; on y relève beaucoup de délits, mais les crimes y sont rares. Le commissaire refusa donc d’abord de se rendre à la prière des solliciteuses. Cependant elles firent si bien, elles insistèrent tant et si longtemps, que le magistrat fatigué céda. Il envoya chercher le brigadier de gendarmerie et deux de ses hommes, requit un serrurier et, ainsi accompagné, suivit les voisines de la veuve Lerouge. La Jonchère doit quelque célébrité à l’inventeur du chemin de fer à glissement qui, depuis plusieurs années, y fait avec plus de persévérance que de succès des expériences publiques de son système. C’est un hameau sans importance, assis sur la pente du coteau qui domine la Seine, entre la Malmaison et Bougival. Il est à vingt minutes environ de la grande route qui va de Paris à Saint-Germain en passant par Rueil et Port-Marly. Un chemin escarpé, inconnu aux ponts et chaussées, y conduit. La petite troupe, les gendarmes en tête, suivit donc la large chaussée qui endigue la Seine à cet endroit, et bientôt, tournant à droite, s’engagea dans le chemin de traverse, bordé de murs et profondément encaissé. Après quelques centaines de pas, on arriva devant une habitation aussi modeste que possible, mais d’honnête apparence. Cette maison, cette chaumière plutôt, devait avoir été bâtie par quelque boutiquier parisien, amoureux de la belle nature, car tous les arbres avaient été soigneusement abattus. Plus profonde que large, elle se composait d’un rez-de-chaussée de deux pièces, avec un grenier au-dessus. Autour s’étendait un jardin à peine entretenu, mal protégé contre les maraudeurs par un mur en pierres sèches d’un mètre de haut environ, qui encore s’écroulait par places. Une légère grille de bois tournant dans des attaches de fil de fer donnait accès dans le jardin. – C’est ici, dirent les femmes. Le commissaire de police s’arrêta. Pendant le trajet, sa suite s’était rapidement grossie de tous les badauds et de tous les désœuvrés du pays. Il était maintenant entouré d’une quarantaine de curieux. – Que personne ne pénètre dans le jardin, dit-il. Et, pour être certain d’être obéi, il plaça les deux gendarmes en faction devant l’entrée, et s’avança escorté du brigadier de gendarmerie et du serrurier. Lui-même, à plusieurs reprises, il frappa très fort avec la pomme de sa canne plombée, à la porte d’abord, puis successivement à tous les volets. Après chaque coup il collait son oreille contre le bois et écoutait. N’entendant rien, il se retourna vers le serrurier. – Ouvrez, lui dit-il. L’ouvrier déboucla sa trousse et prépara ses outils. Déjà il avait introduit un de ses crochets dans la serrure, quand une grande rumeur éclata dans le groupe des badauds. – La clé ! criait-on, voici la clé ! En effet, un enfant d’une douzaine d’années, jouant avec un de ses camarades, avait aperçu dans le fossé qui borde la route une clé énorme ; il l’avait ramassée et l’apportait en triomphe. – Donne, gamin, lui dit le brigadier, nous allons voir. La clé fut essayée ; c’était bien celle de la maison. Le commissaire et le serrurier échangèrent un regard plein de sinistres inquiétudes. – Ça va mal ! murmura le brigadier. Et ils entrèrent dans la maison, tandis que la foule, contenue avec peine par les gendarmes, trépignait d’impatience, tendant le cou et s’allongeant sur le mur, pour tâcher de voir, de saisir quelque chose de ce qui allait se passer. Ceux qui avaient parlé de crime ne s’étaient malheureusement pas trompés, le commissaire de police en fut convaincu dès le seuil. Tout, dans la première pièce, dénonçait avec une lugubre éloquence la présence des malfaiteurs. Les meubles, une commode et deux grands bahuts, étaient forcés et défoncés. Dans la seconde pièce, qui servait de chambre à coucher, le désordre était plus grand encore. C’était à croire qu’une main furieuse avait pris plaisir à tout bouleverser. Enfin, près de la cheminée, la face dans les cendres, était étendu le cadavre de la veuve Lerouge. Tout un côté de la figure et les cheveux étaient brûlés, et c’était miracle que le feu ne se fût pas communiqué aux vêtements. – Canailles, va ! murmura le brigadier de gendarmerie, n’auraient-ils pas pu la voler sans l’assassiner, cette pauvre femme ! – Mais où donc a-t-elle été frappée ? demanda le commissaire, je ne vois pas de sang. – Tenez, là, entre les deux épaules, mon commissaire, reprit le gendarme. Deux fiers coups, ma foi ! Je parierais mes galons qu’elle n’a pas seulement eu le temps de faire ouf ! Il se pencha sur le corps et le toucha. – Oh ! continua-t-il, elle est bien froide. Même il me semble qu’elle n’est déjà plus très roide ; il y a au moins trente-six heures que le coup est fait. Le commissaire, tant bien que mal, écrivit sur un coin de table un procès-verbal sommaire. – Il ne s’agit pas de pérorer, dit-il au brigadier, mais bien de trouver les coupables. Qu’on prévienne le juge de paix et le maire. De plus, il faut courir à Paris porter cette lettre au parquet. Dans deux heures un juge d’instruction peut être ici. Je vais en attendant procéder à une enquête provisoire. – Est-ce moi qui dois porter la lettre ? demanda le brigadier. – Non. Envoyez un de vos hommes, vous me serez utile ici, vous, pour contenir ces curieux et aussi pour me trouver les témoins dont j’aurai besoin. Il faut tout laisser ici tel quel, je vais m’installer dans la première chambre. Un gendarme s’élança au pas de course vers la station de Rueil, et aussitôt le commissaire commença l’information préalable prescrite par la loi. Qui était cette veuve Lerouge, d’où était-elle, que faisait-elle, de quoi vivait-elle, et comment ? Quelles étaient ses habitudes, ses mœurs, ses fréquentations ? Lui connaissait-on des ennemis, était-elle avare, passait-elle pour avoir de l’argent ? Voilà ce qu’il importait au commissaire de savoir. Mais pour être nombreux, les témoins n’en étaient pas mieux informés. Les dépositions des voisins, successivement interrogés, étaient vides, incohérentes, incomplètes. Personne ne savait rien de la victime, étrangère au pays. Beaucoup de gens se présentaient, d’ailleurs, qui venaient bien moins pour donner des renseignements que pour en demander. Une jardinière qui avait été l’amie de la veuve Lerouge et une laitière chez qui elle se fournissait purent seules donner quelques renseignements assez insignifiants mais précis. Enfin, après trois heures d’interrogatoires insupportables, après avoir subi tous les on-dit du pays, recueilli les témoignages les plus contradictoires et les plus ridicules commérages, voici ce qui parut à peu près certain au commissaire de police : Deux ans auparavant, au commencement de 1860, la femme Lerouge était arrivée à Bougival avec une grande voiture de déménagement pleine de meubles, de linge et d’effets. Elle était descendue dans une auberge, manifestant l’intention de se fixer dans les environs, et aussitôt s’était mise en quête d’une maison. Ayant trouvé celle-ci à son gré, elle l’avait louée sans marchander, moyennant trois cent vingt francs payables par semestre et d’avance, mais n’avait pas consenti à signer de bail. La maison louée, elle s’y était installée le jour même et avait dépensé une centaine de francs en réparations. C’était une femme de cinquante-quatre ou cinquante-cinq ans, bien conservée, forte, et d’une santé excellente. Nul ne savait pourquoi elle avait choisi pour s’établir un pays où elle ne connaissait absolument personne. On la supposait Normande, parce que souvent, le matin, on l’avait aperçue coiffée d’un bonnet de coton. Cette coiffure de nuit ne l’empêchait pas d’être très coquette le jour. Elle portait d’ordinaire de très jolies robes, mettait force rubans à ses bonnets, et se couvrait de bijoux comme une chapelle. Sans doute, elle avait habité la côte, car la mer et les navires revenaient sans cesse dans ses conversations. Elle n’aimait pas à parler de son mari, mort, disait-elle, dans un naufrage. Jamais à ce sujet elle n’avait donné le moindre détail. Une fois seulement elle avait dit à la laitière devant trois personnes : « Jamais une femme n’a été plus malheureuse que moi dans son ménage. » Une autre fois, elle avait dit : « Tout nouveau, tout beau : défunt mon homme ne m’a aimée qu’un an. » La veuve Lerouge passait pour riche ou du moins pour très à l’aise. Elle n’était pas avare. Elle avait prêté à une femme de la Malmaison soixante francs pour son terme et n’avait pas voulu qu’elle les lui rendît. Une autre fois, elle avait avancé deux cents francs à un pêcheur de Port-Marly. Elle aimait à bien vivre, dépensait beaucoup pour sa nourriture et faisait venir du vin par demi-pièce. Son plaisir était de traiter ses connaissances, et ses dîners étaient excellents. Si on la complimentait d’être riche, elle ne s’en défendait pas beaucoup. On lui avait souvent entendu dire : « Je ne possède pas de rentes, mais j’ai tout ce dont j’ai besoin. Si je voulais davantage, je l’aurais. » D’ailleurs, jamais la moindre allusion à son passé, à son pays ou à sa famille, n’avait été surprise. Elle était très bavarde, mais, quand elle avait bien causé, elle n’avait rien dit que du mal de son prochain. Elle devait pourtant avoir vu le monde et savait beaucoup de choses. Très défiante, elle se barricadait chez elle comme dans une forteresse. Jamais elle ne sortait le soir ; on savait qu’elle s’enivrait régulièrement à son dîner et qu’elle se couchait après. Rarement on avait vu des étrangers chez elle : quatre ou cinq fois une dame et un jeune homme, et une autre fois deux messieurs : un vieux très décoré et un jeune. Ces derniers étaient venus dans une voiture magnifique. En somme, on l’estimait peu. Ses propos étaient souvent choquants et singuliers dans la bouche d’une femme de son âge. On l’avait entendue donner à une jeune fille les plus détestables conseils. Un charcutier de Bougival, gêné dans son commerce, lui avait cependant fait la cour. Elle l’avait repoussé en disant que se marier une fois était suffisant. À diverses reprises on avait vu venir des hommes chez elle. D’abord un jeune, qui avait l’air d’un employé du chemin de fer, puis un grand brun assez vieux, vêtu d’une blouse et qui paraissait très méchant. On supposait que l’un et l’autre étaient ses amants. Tout en interrogeant, le commissaire résumait par écrit les dépositions, et il en était là lorsque arriva le juge d’instruction. Il amenait avec lui le chef de la police de sûreté et un de ses agents. M. Daburon, que ses amis ont vu avec une profonde surprise donner sa démission pour aller planter ses choux au moment où se dessinait sa fortune, était alors un homme de trente-huit ans, bien fait de sa personne, sympathique malgré sa froideur, d’une physionomie douce et un peu triste. Cette tristesse lui était restée d’une grande maladie qui deux ans auparavant avait failli l’emporter. Juge d’instruction depuis 1859, il s’était vite acquis une brillante réputation. Laborieux, patient, doué d’un sens subtil, il savait avec une pénétration rare démêler l’écheveau de l’affaire la plus embrouillée, et, au milieu de mille fils, saisir le fil conducteur. Nul mieux que lui, armé d’une implacable logique, ne pouvait résoudre ces terribles problèmes où l’X est le coupable. Habile à déduire du connu à l’inconnu, il excellait à grouper les faits et à réunir en un faisceau de preuves accablantes les circonstances les plus futiles et en apparence les plus indifférentes.

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