Vous connaissez la définition du Libre arbitre ? Je vous fais un petit rappel : c'est la volonté libre, non contrainte.
Et celle du Destin ? 1. Puissance qui fixerait de façon irrévocable le cours des événements. 2. Ensemble des évènements qui composent la vie d'un être humain (souvent considérés comme résultant de causes distinctes de sa volonté).
Vous voyez où je veux en venir ? Non ? L'un ne va pas avec l'autre ! Et dans mon monde, le libre arbitre n'a pas l'air d'être vainqueur. Ce n'est pas faute d'avoir essayé ! Mais je me suis bien plantée...
TANYA
- Bonjour ma chérie ! Comment vas-tu ce matin ?
- Bien, merci maman, marmonné-je en déjeunant à moitié avachie sur la table.
- Ça n'a pas l'air pourtant.
- Ce n'est rien, j'ai encore fait des cauchemars toute la nuit...
- Je suis désolée, chérie...
Elle sert deux tasses de café et mon père arrive quand elle les pose sur la table.
- Bonjour mes amours !
Il nous embrasse toutes les deux sur la tempe.
- J'ai une nouvelle qui va te faire plaisir, devine un peu ?
- Papa ! Je ne suis pas d'humeur !
- Ton parrain arrive ce soir.
- Sérieux ? Demandé-je en me redressant.
- Il rentre de voyage d'affaire et va passer le week-end avec nous.
- Génial !
Je me précipite dans les bras de mon père.
- Merci papa ! Cette journée va être merveilleuse finalement.
Je débarrasse ma table et remonte dans ma chambre avec entrain.
J'adore mon parrain. En dehors de mes parents, il est le seul avec qui je me sente vraiment moi. C'est un deuxième père pour moi. D'après ce que je sais, c'est le meilleur ami de mon père depuis toujours. Ils ont grandi ensemble, alors quand mes parents m'ont eu il a paru naturel que Stephen devienne mon parrain.
Je ne le vois pas beaucoup, trois ou quatre fois par an, mais il m'appelle souvent.
Mon téléphone vibre, je jette un œil en me lavant les dents. C'est un message de Célia, ma meilleure amie.
Célia : Eh ! p*****e, t'es en retard !
Merde !
Je me précipite au rez-de-chaussée et traverse le couloir de l'entrée en quatrième vitesse pour sauter dans mes chaussures.
- Tanya ! N'oublie pas ton déjeuner ! Crie ma mère depuis la cuisine.
Demi-tour au pas de course.
- Merci maman ! Lancé-je en attrapant le sachet de papier brun.
J'attrape sac de cours et de sport, et laisse claquer la porte derrière moi en sortant pour rejoindre Célia qui s'impatiente au volant de sa 308.
- Sorry my queen ! Chantonné-je en grimpant dans la voiture pour l'amadouer.
Elle éclate de rire.
- Comment va ma p*****e préférée ? Demande-t-elle en démarrant.
- Super bien malgré la salle nuit que je me suis tapée !
- Qu'est-ce qui te rend de si bonne humeur ?
- Mon parrain arrive aujourd'hui, dis-je avec le sourire qui s'étire d'une oreille à l'autre.
- Oh, je t'en supplie, laisse-moi passer le week-end chez toi !
- Ne me dis pas que tu fantasmes toujours sur lui !
- Quoi ? Je n'y peux rien si je n'ai jamais vu de mec aussi craquant ! Enfin, en dehors de ton père, mais c'est carrément dégueu de penser à ton père de cette manière...
- Je te signale que mon parrain a le même âge que mon père.
- Raaah ! Quelle rabat-joie ! Se renfrogne-t-elle pendant que je ris.
- Et puis, que fais-tu des footballeurs ?
- Depuis toutes ces années que je les supporte, y en a pas un qui m'a regardé ne serait-ce qu'une fois ! Ronchonne-t-elle.
***
- Miss Parker ! M'interpelle la prof de sport quand j'entre dans le lycée.
- Oui, madame ?
- Je sais que vous aviez réservé le gymnase cet après-midi, mais les pom-pom girls ont besoin de répéter pour le match de samedi prochain.
- Mais j'en ai besoin ! Mon concours est dans un mois !
- Je suis désolée, vous pouvez toujours utiliser le terrain d'athlétisme.
- D'accord, soupiré-je.
- Comment est-ce que tu vas faire ? Me demande Célia. Le coach va péter un câble si tu distrais les joueurs.
- Oh non ! Ne me dis pas qu'il y a entraînement...
- Tanya ! Ici la terre ! Sérieux, sur quelle planète tu vis ? Quatre ans que t'es dans ce bahut et t'es toujours pas au courant des horaires de l'entraînement de foot ?
- Pourquoi je le serais ? Tu me traines déjà aux matchs mensuels.
T'es vraiment désespérante ! Se plaint-elle.
***
Je me change dans les vestiaires extérieurs avant de me rendre sur le terrain d'athlétisme situé juste à côté du terrain de foot.
Je commence mon échauffement en faisant quelques tours de terrain, voyant les joueurs remplir gentiment le terrain de foot à leur tour.
Après dix minutes de course, je me pose au milieu du terrain et procède à mes étirements habituels, chrono en main pour respecter chacun de mes exercices et je termine en faisant une souplesse arrière comme toujours. Je vais ensuite boire un coup, préparer ma musique et brancher mes écouteurs en bluetooth. Je n'ai pas encore programmé ma première chanson que le coach vient déjà me voir.
- Tu déconcentres mes joueurs, tu ne peux pas rester là pendant l'entraînement.
- Désolée coach, mais c'est aussi mon entraînement et si ça vous dérange, allez vous plaindre à la prof de sport. C'est elle qui m'a envoyé ici pour laisser le gymnase aux pom-pom girls. Je prépare un examen, je ne peux pas me permettre de louper mon entraînement.
Il ne bouge pas, restant les bras croisés devant moi comme si ça pouvait me décourager ou m'impressionner. Mais il ne me connait pas. Je n'ai aucune intention de bouger d'ici.
Je trouve ma musique, colle mes écouteurs dans mes oreilles et lui tourne le dos pour aller me mettre en position. Je vois que les joueurs regardent ce qui se passe. Ça me fait sourire.
Je lance ma musique et commence à danser. Le coach fulmine, il crie et frappe ses joueurs qui m'observent. Je ne m'arrête pas pour autant, j'ai appris depuis longtemps à rester concentrée en toutes circonstances.
J'ai plusieurs danses à préparer pour l'examen d'entrée à l'école de danse, car j'ai trois passages devant trois jurys différents. J'ai donc une dance lente, une rythmée et une classique.
J'en fais toujours une dernière pour me faire plaisir et me défouler. Aujourd'hui, je mets la chanson Stronger et je me lâche complètement. Remarquant seulement au dernier moment que des garçons se sont approchés, l'un d'eux déconnecte mes écouteurs laissant la musique retentir à travers le terrain, les autres déjà à mes côtés essayent d’imiter mes pas, puis tel un flash mob presque toute l'équipe de foot.
Moi qui ne me suis jamais vraiment mêlée à la foule, comme mon père me l'a toujours recommandé, craignant pour ma sécurité, je trouve cette expérience géniale et grisante.
Seuls trois joueurs sont restés à nous observés sur le bord du terrain. J'essaie de les incités à nous rejoindre, mais il ne bouge pas d'un pouce et ne me lâche pas du regard non plus, dur et froid.
À la fin de la chanson, on s'applaudit et on rit ensemble, le temps de faire quelques présentations et le coach vient nous sermonner.
- Vingt tours de terrain, maintenant ! b***e de bâtards galeux en rutes ! Leur crie-t-il en me fusillant du regard.
- Désolée, leur soufflé-je pendant que certains viennent me faire une bise. Bon courage !
Je m'apprête à récupérer mes affaires quand j'entends quelqu'un m'insulter gratuitement.
- Allumeuse.
Sans mon ouïe fine, je ne l'aurais pas entendu. Je me tourne vers la voix au moment où deux des trois garçons restés à l'écart se fusillent silencieusement du regard, prêt à se battre.
- Je te demande pardon ? Dis-je choquée. Tu veux bien répéter, parce que je crois que j'ai mal entendu, ajouté-je en m'approchant.
- Il est désolé, me répond celui qui s'apprêtait à le frapper, en s'interposant.
- Je pense qu'il peut le dire lui-même, dis-je en forçant le passage.
Nos peaux se frôlent et un frisson me traverse. Mais je reste concentrée sur mon objectif. Je me plante devant ce grand gaillard d'un bon mètre quatre-vingt.
- Alors ? Quelque chose à dire ? On peut régler ça sur le terrain si tu préfères, grogné-je entre mes dents, sentant la colère m'envahir.
Il pouffe une seconde.
- Qu'est-ce que tu crois que tu vas me faire avec tes pas de danse ? Se moque-t-il.
- James ! L'avertit celui derrière moi.
- Très bien, dois-je en conclure que tu as peur ? Le provoqué-je d'avantage.
Il ne répond pas et ça fait bouillir mon sang.
- Espèce de lâche ! Crié-je en le poussant violemment.
- Tanya, arrête ! M'interpelle le gars derrière-moi.
Mais je ne contrôle plus rien. J'ai une furieuse envie de me battre. Mes poings se referment, je vois rouge et balance mon poing dans la mâchoire de James. Il est choqué une seconde, mais se remet vite et se décide à riposter. Je contre et réponds. Il est aussi bien entraîné que moi. À croire qu'il a grandi avec un père comme le mien. Mais d'où sort ce type ?
Ce combat qui ne mène à rien m'énerve, alors je passe à la vitesse supérieure, en utilisant les méthodes que mon parrain m'a enseignées. Je réussis à faire tomber James sur le dos, l'obligeant à expulser l'air de ses poumons, je me retrouve un genou sur sa poitrine et ma main autour de sa gorge. Il est furieux que je l'aie battue. Ma cage thoracique vibre soudainement et tandis qu'un air choqué s'affiche sur son visage, effaçant toutes traces de colère, je réalise que je viens de grogner. Un grognement menaçant de louve.
Choquée à mon tour, je fais un bon en arrière, le libérant. Ma colère disparaît instantanément, laissant place à la peur. Je recule doucement puis m'enfuis sous les regards interloqués des garçons.
Je récupère mes affaires, et tout en courant jusqu'aux vestiaires, j'appelle mon père.
- Allô, mon poussin ? Décroche-t-il.
- Papa, je suis désolée, je crois qu'il y a un problème ! Viens me chercher, s'il te plaît ! Sangloté-je.
- Est-ce que tu es en sécurité ?
- Oui, je crois.
- Très bien, reste où tu es. Je serai là avec Stephen dans dix minutes.
Je raccroche et saute sous la douche. Je n'ai jamais fait aussi vite. Quand mon père m'appelle pour me dire qu'il est devant le lycée, je finis d'enfiler mes ballerines. Je ne prends même pas le temps de me recoiffer, cheveux au vent, je me précipite à l'extérieur, courant comme si j'avais le diable aux trousses et je ne m'arrête qu'une fois que je suis dans les bras de mon père.
- Qu'est-ce qui s'est passé ma beauté ? Demande mon parrain en caressant mes cheveux.
Mais je suis incapable de répondre pendant de longues minutes, pleurant toutes les larmes de mon corps. Quand enfin, je me calme, je me réfugie dans ses bras, il m'a tellement manqué !
Puis je lève les yeux vers eux, mais ils regardent derrière moi, les visages sérieux. Je me retourne et vois James et les deux autres garçons.
Celui qui a tenté de me calmer a le visage exprimant la douleur, James a l'air de le soutenir moralement une main sur son épaule. Ils se détournent et s'en vont. Seulement là, papa et parrain me font monter en voiture.