Chapitre 4

3388 Words
Chapitre 4 Caitlin courait. Le champ de fleurs était à hauteur de sa taille et, en courant, elle s’y tailla un chemin. Le soleil était rouge sang. Il formait une boule énorme sur la ligne d’ horizon. Dos au soleil, sur la ligne d’ horizon, se trouvait son père. Ou, du moins, sa silhouette. Elle ne pouvait distinguer ses traits, mais elle savait que c’était lui. Tandis que Caitlin courait, et courait, anxieuse de le voir enfin, le soleil se coucha rapidement. Trop rapidement. Tout se passa trop vite et, en quelques secondes, le soleil avait dis- paru complètement. Elle parcourait le champ au milieu de la nuit. Son père restait là à l’attendre. Elle sentait qu’il souhaitait qu’elle coure plus vite, qu’il voulait la serrer dans ses bras. Mais ses jambes se croisaient toujours au même rythme et, même si elle s’ef- forçait désespérément d’accélérer, il semblait seulement s’éloigner. Pendant qu’elle courait, la lune pointa soudainement à l’ horizon — c’était une lune énorme, rouge sang, qui emplis- sait le ciel entier. Caitlin put distinguer tous les détails à sa surface, le relief, les cratères. Elle était claire comme le jour. La silhouette de son père s’y découpait et, pendant qu’elle essayait de courir plus vite, c’était comme si elle se précipitait vers la lune elle-même. Mais elle n’y arrivait pas. Soudainement, ses jambes et ses pieds refusèrent d’obéir; elle ne put avancer davantage. Elle regarda en bas, et vit que les fleurs s’enroulaient sur elles- mêmes, emprisonnant ses chevilles et ses jambes, et qu’elles se transformaient en plantes grimpantes. Elles étaient si épaisses et solides qu’elle fut bientôt incapable de faire un seul geste. Pendant qu’elle observait ce spectacle, un énorme serpent se mit à ramper vers elle, traversant le champ. Elle essaya de se déprendre, de s’enfuir, mais elle était impuissante. Tout ce qu’elle put faire fut de le regarder s’approcher. Tandis qu’il s’approchait, il bondit dans les airs, visant directement sa gorge. Elle se retourna et cria, en sentant les longs crocs percer sa gorge. La douleur était atroce. Caitlin s’éveilla en sursaut, se dressant dans le lit et cherchant son souffle. Elle porta la main à sa gorge et sentit les deux cicatrices qui durcissaient. Pendant un moment, elle confondit le rêve et la réalité, et chercha du regard un serpent dans la pièce. Il n’y en avait pas. Elle se frotta la gorge. La blessure la faisait toujours souffrir, mais pas autant que dans le rêve. Elle respira profondément. Elle était couverte de sueur froide, et son cœur bat- tait toujours la chamade. Elle essuya son visage et ses tempes, et pouvait sentir ses cheveux froids et mouillés qui collaient à la peau. Quand s’était-elle lavée la der- nière fois? Et ses cheveux? Elle ne pouvait s’en rap- peler. Depuis combien de temps était-elle étendue ici? Et où, exactement, se trouvait-elle? Caitlin examina la pièce. C’était un endroit dont elle se souvenait, où elle s’était déjà trouvée — était-ce dans un rêve où s’était-elle éveillée ici à un certain moment? La chambre était entièrement faite en pierre. Elle possédait une grande fenêtre en forme d’arc, qui lui permettait de voir le ciel étoilé et l’énorme pleine lune qui projetait ses rayons dans la pièce. Elle s’assit sur le bord du lit et se frotta le front, essayant de se rappeler les événements. En s’assoyant, elle ressentit une douleur intense sur le côté. elle y porta sa main et sentit la croûte d’une blessure. Elle essaya de se rappeler d’où elle venait. Quelqu’un l’avait- il attaquée? Caitlin fouilla dans ses souvenirs, et lentement, mais sûrement, les détails se précisèrent. Boston. Le chemin de la Liberté. La chapelle du roi. L’épée. Puis… l’attaque. Et… Caleb. Il avait été là, penché sur elle. Elle avait senti que le monde se dérobait sous elle, et elle le lui avait demandé. Transforme-moi, l’avait-elle supplié… Caitlin leva les mains et sentit deux marques sur le côté de sa gorge, et elle sut qu’il l’avait écouté. Cela expliquait tout. Caitlin comprit soudainement. Elle avait été transformée. On l’avait amenée quelque part, possiblement pour qu’elle se remette, probable- ment sous la surveillance bienveillante de Caleb. Elle vérifia ses bras, ses jambes, elle fit bouger sa tête, testa son corps… Elle se sentait différente, c’est sûr. Elle n’était plus la même. Elle se sentait habitée par une force illimitée. Qui la poussait à courir, à foncer, à défoncer les murs, à bondir dans les airs. Elle sentait aussi quelque chose d’autre: deux bosses dans son dos, sous les omoplates. Très légères, mais elle savait qu’elles étaient là. Des ailes. Elle savait, elle sentait que, si elle voulait voler, elles se déploieraient pour elle. Caitlin se sentit électrisée par sa nouvelle force. Elle voulait absolument la mettre à l’épreuve. Elle se sentait à l’étroit — elle ne savait pas depuis combien de temps elle était ici — et elle voulait voir à quoi pouvait res- sembler cette nouvelle vie. Elle sentait aussi quelque chose de nouveau: une irrésistible audace. Le senti- ment qu’elle ne pouvait pas mourir. Qu’elle pouvait commettre des erreurs bêtes, qu’elle avait des vies infi- nies à sa disposition. Elle voulait faire reculer les frontières. Caitlin se retourna et regarda le ciel étoilé par la fenêtre. Cette dernière avait la forme d’une grande arche, sans vitres, et s’ouvrait directement sur les élé- ments. Le genre de chose que l’on pourrait voir dans un vieux cloître médiéval. Naguère, l’ancienne Caitlin, humaine, aurait hésité, aurait soupesé ce qu’elle s’apprêtait à faire, y aurait pensé à deux fois. Mais la nouvelle Caitlin, réincarnée, n’hésita pas un instant. À peine en avait-elle eu l’idée qu’elle fonça vers la fenêtre. Après quelques enjambées, Caitlin sauta sur le rebord de la fenêtre, puis plongea dans le vide. Une partie d’elle-même, un genre d’instinct, l’assu- rait qu’une fois qu’elle aurait décollé, ses ailes surgi- raient. Si elle se trompait, ça ferait une sacrée chute, presque une centaine de mètres jusqu’au sol. Mais la nouvelle Caitlin sentait qu’elle ne pouvait pas se tromper. Et elle ne se trompait pas. Tandis que Caitlin bon- dissait dans la nuit, ses ailes jaillirent de sous ses omo- plates, et elle eut la sensation grisante de voler, de glisser dans les airs. Elle était ravie de sentir à quel point ses ailes étaient grandes et longues, excitée de sentir l’air frais de la nuit lui fouetter le visage, faire voler ses cheveux et rafraîchir son corps. La lune était si pleine, si immense, qu’elle éclairait la nuit comme en plein jour. Caitlin regarda vers le sol: elle avait une vue pano- ramique. Elle avait senti un plan d’eau, et elle avait raison. Elle se trouvait sur une île. Tout autour d’elle, dans toutes les directions, s’étendait un large fleuve, magnifique. Ses eaux étaient très calmes et reflétaient les rayons de la lune. C’était le plus grand fleuve qu’elle ait jamais vu. Et là, au centre, se trouvait l’île minuscule où elle avait dormi. Une petite île, de moins d’un kilo- mètre carré. Au bout s’élevait un château écossais en ruines. Le reste de l’île était entièrement recouvert d’une forêt épaisse. Tandis que Caitlin volait, suivant les courants ascendants et descendants, tournant et descendant en piqué, elle fit encore une fois le tour de l’île. Le château était immense, magnifique. Une partie s’en était affaissée, mais le reste, qui échappait aux regards exté- rieurs, donc à l’intérieur, était parfaitement intact. Il y avait des cours intérieures et extérieures, des remparts, des tourelles, des escaliers en colimaçon, et des hectares de jardins. il était assez grand pour accueillir une petite armée. En plongeant, elle remarqua que l’intérieur du châ- teau était illuminé par des torches. Et il y avait des gens qui s’affairaient. Des vampires? Ses sens lui indiquaient que c’était le cas. Sa propre race. Ils se promenaient, discutant les uns avec les autres. Certains s’entraî- naient, combattaient à l’épée, s’opposaient les uns aux autres dans des compétitions. L’île était en pleine effer- vescence. Qui étaient ces gens? Pourquoi se trouvait- elle ici? L’avaient-ils recueillie? En terminant son cercle, Caitlin aperçut la chambre d’où elle était partie. Elle se trouvait au sommet de la plus haute tour, qui donnait sur un immense rempart et une grande terrasse ouverte. Sur cette dernière, il y avait un vampire seul. Caitlin n’avait pas besoin de se rapprocher pour savoir de qui il s’agissait. Elle le savait déjà, au fond de son cœur et de son âme. Son sang cou- lait maintenant en elle, et elle l’aimait de tout son cœur. Et maintenant qu’il l’avait transformée, elle l’aimait encore plus que d’amour. Elle savait, même à cette dis- tance, que cette silhouette solitaire qui sortait de sa chambre était Caleb. Le cœur de Caitlin bondit de joie à sa vue. Il était là. Il était vraiment là. L’attendant à l’extérieur de sa chambre. Il avait dû attendre qu’elle récupère. Pendant tout ce temps. Combien de temps s’était-il écoulé? Il ne l’avait pas abandonnée. Même après tout ce qui s’était passé, et tout ce qui se passait en ce moment. Pour cela, elle l’aimait plus qu’elle ne pouvait l’exprimer. Et mainte- nant, ils seraient ensemble pour l’éternité. Il se tenait là, se penchant sur les remparts, obser- vant le fleuve en contrebas; il semblait à la fois triste et inquiet. Caitlin piqua vers lui, espérant le surprendre, l’im- pressionner avec ses nouveaux talents. Caleb leva le regard, interloqué, puis son visage s’illumina de joie. Mais tandis que Caitlin essayait d’atterrir, quelque chose soudainement se déroula de façon fâcheuse. elle sentit qu’elle perdait son équilibre, sa coordination. Elle sentit qu’elle arrivait trop vite, et qu’elle ne pourrait corriger sa trajectoire à temps. En passant par- dessus le rempart, elle érafla son genou sur la pierre et atterrit durement, faisant un tonneau sur le sol de pierre. Caitlin! s’écria Caleb en se précipitant vers elle. Caitlin était étendue sur la pierre dure, sentant une douleur sourde dans sa jambe. Elle allait bien. Si elle avait été l’ancienne Caitlin, simplement une humaine, elle se serait brisé plusieurs os. Mais en étant la nou- velle Caitlin, elle savait qu’elle se relèverait et guérirait rapidement. Ce n’était probablement qu’une question de minutes. Mais elle était embarrassée. Elle avait voulu sur- prendre et impressionner Caleb. Maintenant, elle avait l’air d’une idiote. Caitlin? l’interrogea-t-il encore, en s’age- nouillant près d’elle et en posant une main sur son épaule. Ça va? elle le regarda et lui adressa un sourire piteux. Je pense que j’essayais de t’impressionner, dit-elle. elle se sentait sotte. Il inspecta la blessure sur sa jambe. Je ne suis plus humaine, dit-elle d’un ton cin- glant. Tu n’as pas à t’en faire pour moi. Elle regretta immédiatement ce qu’elle venait de dire, et le ton qu’elle avait pris. C’était sorti comme une accusation, comme si elle regrettait presque d’avoir été transformée. Et elle ne voulait pas prendre un ton aussi sec. Au contraire, elle aimait qu’il la touche, qu’il soit aussi protecteur avec elle. Elle voulait le remercier, dire les bonnes choses et plus encore mais, comme d’habi- tude, elle avait tout raté, elle avait dit les mauvaises choses au mauvais moment. Elle ne faisait pas une bonne première impression en tant que nouvelle Caitlin. Elle n’avait pas réussi à se taire. Manifestement, certaines choses ne changeaient pas, même dans l’immortalité. Elle s’assit, et s’apprêta à mettre une main sur l’épaule de Caleb et à s’excuser, lorsqu’elle entendit sou- dainement un gémissement et sentit un nuage de four- rure lui couvrir le visage. Elle se pencha en arrière et comprit de quoi il s’agissait. Rose. Sa jeune louve. Elle venait de bondir dans les bras de Caitlin. Rose gémissait de joie, et léchait le visage de Caitlin, qui éclata de rire. Elle serra Rose dans ses bras, puis la recula pour l’observer. Même si elle était encore un jeune animal, Rose avait grandi. Elle était plus grosse que dans le souvenir de Caitlin. Elle se rappela soudainement que, la der- nière fois qu’elle l’avait vue, Rose gisait dans la chapelle du roi. Elle saignait, après avoir été blessée par balle par Samantha. Elle avait pensé que Rose était morte. Elle s’en est sortie, dit Caleb, en lisant comme toujours dans ses pensées. elle est solide. Comme sa mère. Il adressa un sourire à Caitlin. Caleb avait dû veiller sur elles pendant tout ce temps. Depuis combien de temps suis-je sur le carreau? demanda Caitlin. Une semaine, dit Caleb. Une semaine, pensa Caitlin. Incroyable. Elle avait l’impression d’avoir été hors service pen- dant des années. elle se sentait comme si elle était morte puis revenue à la vie, mais sous une forme nou- velle. Elle se sentait purifiée, comme si elle recommen- çait avec le compteur à zéro. Mais comme elle se rappelait les événements inter- venus auparavant, elle réalisa qu’une semaine repré- sentait aussi une éternité. Ils avaient volé l’Épée. Et son frère, Sam, avait été kidnappé. Une semaine entière s’était écoulée. Pourquoi Caleb ne leur donnait-il pas la chasse? Chaque minute comptait. Caleb se releva, imité par Caitlin. Elle se tint devant lui, plongeant son regard dans ses yeux. Son cœur s’accéléra. Elle ne savait pas quoi faire. Quel était le protocole, l’étiquette, maintenant qu’ils étaient tous deux de vrais vampires? Maintenant qu’il était celui qui l’avait transformée? Étaient-ils toujours ensemble? L’aimait-il autant maintenant qu’elle faisait partie de sa race? Maintenant qu’ils vivraient éternellement? Elle se sentit nerveuse, comme s’il y avait plus de choses en jeu qu’avant. Elle posa une main sur la joue de Caleb. Il lui rendit son regard, et ses yeux luisirent dans les rayons de la lune. — Merci, dit-elle d’une voix douce. Elle voulait lui dire je t’aime, mais ça n’était pas sorti. Elle voulait lui demander: Resteras-tu avec moi pour la vie? M’aimes-tu toujours? Mais en dépit de tout, en dépit de ses nouveaux pouvoirs, elle n’avait pas le courage de le lui dire. Elle aurait pu au moins dire: Merci de m’avoir sauvée ou merci d’avoir veillé sur moi ou merci d’être resté près de moi. elle savait les sacrifices qu’il avait dû consentir pour être là, ce qu’il avait abandonné. Mais tout ce qu’elle trouvait à dire était merci. Il esquissa lentement un sourire, tendit une main, et ramena doucement une mèche de cheveux derrière l’oreille de Caitlin. Puis il fit glisser sa main, si douce, sur le visage de Caitlin, l’étudiant. Elle se demanda à quoi il pensait. Allait-il lui déclarer son amour éternel? Allait-il l’embrasser? Elle avait l’impression qu’il était sur le point de le fa i re, et dev i nt souda i nement ner veuse. El le s’inquiétait de ce que leur réservait leur nouvelle vie. De ce qui arriverait si ça ne marchait pas. Alors, au lieu d’apprécier le moment, elle s’apprêtait à le gâcher, elle s’apprêtait à ouvrir son grand robinet, alors qu’elle sou- haitait tant se taire. — Q u’e st- c e qu i s e pa s s e ave c l’Ép é e? demanda-t-elle. L’expression de Caleb changea soudainement. Il passa d’un air passionné, amoureux, à un air de souci profond. Elle vit la transformation se produire instan- tanément, comme un nuage d’orage envahissant un ciel d’été. Il se retourna et fit plusieurs pas jusqu’au rebord du rempart de pierre, lui tournant le dos, et observant le fleuve. Quelle idiote! songea-t-elle. Pourquoi fallait-il que tu ouvres la bouche? Pourquoi ne l’as-tu pas laissé tout simple- ment t’embrasser? Elle s’inquiétait à propos de l’Épée, c’est vrai, mais pas autant qu’elle s’inquiétait pour lui. Pour eux, en tant que couple. Mais elle avait gâché le moment. J’ai bien peur que l’Épée ne soit perdue, dit Caleb d’une voix douce, lui tournant le dos et regardant l’ho- rizon. On nous l’a volée. Samantha d’abord, puis Kyle. Ils nous ont pris par surprise. Je n’avais pas anticipé leur présence. J’aurais dû. Caitlin marcha jusqu’à lui, se tenant à ses côtés et posant une main sur son épaule. Elle espérait que ça puisse à nouveau changer l’ambiance. Est-ce que ton peuple va bien? demanda-t-elle. Non, dit-il d’une voix éteinte. Mon cercle court un grand danger. Et à chaque minute qui passe, le danger croît, tandis que je suis au loin. Caitlin réfléchit. Alors, pourquoi n’es-tu pas allé les rejoindre? demanda-t-elle. Elle connaissait la réponse, avant même qu’il ne la donne. Je ne pouvais t’abandonner, répondit-il. Il fallait que je m’assure que tout allait bien. C’est tout? pensa Caitlin. S’inquiétait-il seulement de voir qu’elle allait bien? Pour la quitter aussitôt qu’elle irait mieux? D’un côté, Caitlin sentait un élan d’amour pour lui, sachant tout ce qu’il avait sacrifié. Mais d’un autre, elle se demandait s’il ne se préoccupait que de son bien- être physique. Et pas d’eux en tant que couple. Alors…, commença Caitlin, maintenant que je vais bien… tu vas tout simplement partir? Le ton était trop acerbe. Qu’est-ce qui n’allait pas chez elle? Pourquoi ne pouvait-elle être plus aimable, plus douce, tout comme il l’était? Elle ne voulait pas dire ça. C’était sorti de travers. Tout ce qu’elle voulait dire était je t’en prie, ne me quitte jamais. Caitlin, commença-t-il d’une voix douce, je veux que tu comprennes. Ma famille, mon peuple, mon cercle courent un grave danger. L’Épée a été décou- verte, et elle est entre de mauvaises mains. Je dois retourner vers eux. Je dois les sauver. À vrai dire, j’aurais dû partir il y a une semaine déjà… et maintenant que tu as récupéré, eh bien… ce n’est pas que je veuille te quitter. Mais je dois sauver ma famille. Il avait parlé d’une voix douce. Je peux venir avec toi, dit Caitlin, pleine d’es- poir. Je peux t’aider. Tu n’es pas complètement guérie, dit-il. Cet atterrissage en catastrophe n’était pas un accident. il faut un certain temps pour qu’un vampire soit en pleine possession de ses moyens. Et dans ton cas, tu as aussi subi une terrible blessure, infligée par l’Épée. Il faudra des jours, voire des semaines, pour compléter ta gué- rison. Si tu venais, tu pourrais être blessée. Tu n’as pas ta place pour l’instant sur le champ de bataille. Ils te donneront un entraînement ici. C’est pour ça que je t’y ai amenée. Caleb se tourna et traversa la terrasse, en la gui- dant, afin qu’ils puissent jeter un coup d’œil dans la cour. Plus bas, sous la lumière des torches, il y avait des dizaines de vampires qui boxaient, luttaient et cat- chaient l’un contre l’autre. Cette petite île abrite l’un des meilleurs cercles qui soit, dit Caleb. Ils ont accepté de te prendre. Ils t’enseigneront leurs arts et te permettront de t’en- traîner. Ils te rendront plus forte. Et lorsque tous tes pouvoirs seront développés, que tu seras complète- ment guérie, je serai honoré de combattre à tes côtés. D’ici là, je crains de ne pouvoir te laisser faire. La guerre où je m’engage est très dangereuse. Même pour un vampire. Caitlin fronça les sourcils. Elle craignait qu’il ne dise quelque chose comme ça. Et si tu ne reviens pas? demanda-t-elle. Si je suis en vie, je reviendrai à toi. Je le promets. Et si tu ne vis plus? demanda Caitlin, presque effrayée de prononcer les mots. Caleb se tourna et dirigea son regard vers l’horizon. Il prit une profonde inspiration. Il observa les nuages, sans dire un mot. C’était l’occasion qu’attendait Caitlin. Elle souhai- tait ardemment changer de sujet. Il voulait partir, elle s’en rendait compte, et rien ne pourrait l’arrêter. Et il ne l’emmènerait manifestement pas avec lui. Elle se sentit gagnée par le découragement, mais elle savait qu’il avait raison: elle n’était pas prête à combattre. Elle devait poursuivre sa guérison. Elle ne voulait pas perdre son temps à essayer de le retenir. Et elle ne voulait plus parler de vampires, de guerres ou d’épées. Elle voulait utiliser ses dernières et précieuses minutes à parler d’eux. Caitlin et Caleb. Eux en tant que couple. Leur avenir. Leur amour partagé. Leur engagement mutuel. Où en étaient-ils rendus? Plus important encore, elle prenait conscience que pendant tout le temps qu’ils avaient passé ensemble, depuis qu’elle l’avait rencontré pour la première fois, elle l’avait pris pour acquis. Elle n’avait jamais pris le temps de le regarder dans les yeux et de lui dire la pro- fondeur de ses sentiments. elle était une femme main- tenant, et elle sentait qu’il était temps de s’approcher et de faire preuve de maturité, d’agir comme une femme. De lui dire ce qu’elle ressentait vraiment pour lui. Elle voulait qu’il le sache. Peut-être le sentait-il, qu’il sentait combien elle l’aimait, mais elle ne lui avait jamais dit de vive voix. Caleb, je t’aime. Je t’aime depuis que je t’ai ren- contré. Je t’aimerai toujours. Le cœur de Caitlin battait la chamade. Elle était plus effrayée à cette perspective que par tout ce qu’elle avait traversé jusqu’à maintenant. D’une main trem- blante, elle lui caressa doucement la joue. Il se tourna lentement vers elle. Elle était prête, enfin, à lui dire ce qu’elle pensait. Mais, malgré ses efforts, les mots refusèrent de franchir ses lèvres. Au même moment, il lui jeta soudainement un regard inquiet. — Caitlin, il y a quelque chose que je dois te dire…, commença-t-il. Mais il n’eut pas la chance de finir sa phrase. Il y eut un bruit de porte qui s’ouvre, et Caitlin sentit immédiatement qu’ils n’étaient plus seuls. Ils se tournèrent tous les deux en direction du bruit, pour voir qui venait vers eux. C’était une femme. Une femme vampire. Une créa- ture à la beauté renversante, plus grande, plus mince et mieux bâtie que Caitlin. Avec de longs cheveux roux qui se soulevaient à chaque pas et des yeux verts brillants. Lorsque Caitlin la reconnut, son cœur s’arrêta de battre. Non. Ce n’était pas possible. C’était elle. Sera. L’ex-femme de Caleb. Caitlin se rappelait l’avoir croisée une fois, briève- ment, aux Cloîtres. Mais elle ne l’avait pas oubliée. Sera marcha vers eux avec l’élégance d’une créature ayant passé des milliers d’années sur cette planète. Sûre d’elle. Sans ralentir, en gardant les yeux rivés sur Caitlin pendant tout ce temps, elle vint s’installer à côté de Caleb. Elle tendit une main, pâle et magnifique, et enroula son bras autour de l’épaule de Caleb. Elle toisa Caitlin avec un parfait mépris. — Caleb? dit-elle d’une voix douce, un sourire sinistre estampé sur le visage. Tu ne lui as pas parlé de nous deux? En entendant ces quelques mots, Caitlin eut l’im- pression qu’on lui plongeait un poignard en plein cœur.
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