Un Défi pour Saber

Chapitre 1

1

Sept ans plus tôt, sur Terre :

Dans le parking souterrain écroulé

— Par-là, dit Hunter à voix basse.

Saber hocha la tête, observant la crevasse obscure entre les immenses plaques de béton. Un juron résonna dans son esprit lorsqu’il vit Hunter disparaître dans l'ouverture. Parfois, il s’interrogeait sur la santé mentale de son ami. S’il avait été à sa place, il aurait abandonné l'Humaine à son sort.

Une grimace passa sur son visage quand il se faufila dans le trou et se laissa glisser le long de l’inclinaison créée par l'écroulement du bâtiment. Secouant la tête, il sut au fond de lui qu’il aurait fait la même chose que Hunter si une femelle humaine avait risqué sa vie pour le sauver. C’était dans les gènes de leur espèce de protéger les plus faibles, et cela incluait les femelles.

Au cours des quatre dernières années de sa mission, il avait rencontré quelques femelles humaines. La plupart s’étaient avérées sympathiques, mais dans l’ensemble, il les trouvait ou bien trop exigeantes, ou alors trop délicates à son goût. Cela avait donné lieu à de trop nombreuses nuits de frustration depuis son arrivée sur cette planète.

Il s'immobilisa lorsque Hunter le regarda et leva deux doigts, puis un troisième. Faisant un pas de côté, lui et Dagger se déployèrent tandis que Hunter se plaçait au centre. C’était la mission de Hunter ; eux étaient ses auxiliaires. Sa vision s’adapta rapidement à l'obscurité. Son regard se braqua en direction de la faible lumière et des murmures provenant du coin le plus éloigné. Hunter s’éloigna lentement, à la recherche de la femelle qui l’avait aidé, les laissant, Dagger et lui, s’occuper des deux autres. Il regarda Hunter disparaître dans l'obscurité avant de braquer son attention sur les deux silhouettes près du feu.

Ses yeux furent immédiatement attirés par la silhouette de la plus jeune Humaine. Ce n’était pas encore une femme, mais elle n'était pas une enfant non plus. Tout ce qu’il savait était qu’elle se trouvait dans une situation très dangereuse, et cela éveilla en lui une flamme de rage qu’il n'avait jamais ressentie auparavant.

Ses yeux balayèrent les ombres du parking à la recherche d'un mâle quelconque. Il était difficile d’en juger à cause des odeurs qui planaient dans l'air. Il flairait le sang frais et la fumée acide du feu. Le sang était le même que celui du hangar où ils avaient pisté la femelle plus tôt dans la soirée. Il savait que la femelle que recherchait Hunter se trouvait forcément ici. Il fallait juste qu’il découvre où.

Il se détourna pour chercher Hunter du regard. Il discerna vaguement l’ombre de son ami et devina que Hunter était dans l’état d’esprit qui l’avait rendu célèbre. Il ne mettrait guère de temps à trouver sa proie.

Il jeta un œil à Dagger. La surprise et l’amusement l’envahirent quand il avisa le regard intense que braquait Dagger sur les deux femelles. Dagger avait toujours été le plus brutal et létal des trois. Ce n’était pas comme si lui-même ou Hunter ne pouvaient pas être placés dans la même catégorie, simplement, ils ne jouaient pas avec ceux qui les contrariaient avant de les tuer. Dagger était connu pour éterniser le trépas de ceux qui étaient assez stupides pour provoquer son ire.

Tournant à nouveau les yeux vers les deux femelles, Saber ressentit une étrange torsion dans la poitrine tandis qu’il les écoutait converser à voix basse. La plus petite essayait de prendre soin de l'autre. Ses yeux passèrent sur sa chevelure blonde emmêlée et sur sa silhouette mince, presque fragile.

La colère bouillonnait en lui tandis qu’il se demandait pourquoi les femelles n'avaient pas un ou plusieurs mâles pour les protéger. En tant que guerrier trivator, la protection de toute femelle dans une famille était une priorité absolue. Si un guerrier se montrait digne, il serait récompensé par une famille à lui. Tous les guerriers espéraient un jour prouver qu’ils étaient assez forts pour avoir une Amate, une compagne, afin de prolonger leur lignée et combler le vide qu’ils avaient en eux.

Saber observa le visage de la jeune femme d’un œil critique. Il y avait quelque chose en elle en particulier qui éveillait ses instincts de protection, qui lui donnait envie de la protéger des horreurs du monde extérieur. Elle était trop jeune et trop délicate pour vivre de la sorte.

Il n’était pas certain de savoir quelles étaient les intentions de Hunter concernant l’autre femelle, mais il avait la sensation que cela impliquerait offrir sa protection. Si c'était le cas, alors ces deux-là recevraient également le même abri et la même attention. Cela signifierait que Dagger et lui les protègeraient aussi, puisqu’ils considéraient Hunter plus comme un frère que comme un ami.

Satisfait de son raisonnement, il décida que Hunter pourrait protéger celle de qui il était à la recherche. Dagger était manifestement concentré sur le bien-être de la femelle blessée, et c’était donc à lui de s’occuper de la petite. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Puisqu'elle était visiblement la plus jeune et la plus petite, cela signifierait que sa tâche serait la plus facile. Il saurait gérer la situation.

Il retrouva ses esprits en voyant Dagger lui faire signe de s'avancer. Il hocha la tête et émergea de l’ombre, entrant dans la faible lumière du feu.

Un instant plus tard, il réalisa qu'il venait de commettre la pire erreur de jugement de toute sa vie. Son erreur était d'avoir cru que la plus petite serait la plus facile à contrôler.

Il inspira une goulée d'air glacial en se penchant en avant. Il essayait de conserver son équilibre après que la petite furie aux cheveux blonds l’eut atteint au ventre avec un des gravats de béton qui entouraient le foyer et qui n’avait rien de délicat ! Elle l’avait projeté à la cuillère avec assez de force pour lui couper le souffle.

Il oscilla un moment, essayant de faire taire sa douleur. Il remercia la Déesse qu’elle ne l’ait pas atteint quelques centimètres plus bas, sans quoi, tous ses rêves d'avoir un jour une famille seraient passés à la trappe. Se redressant, il lui rendit son regard de défi.

Quelque chose me dit que cela ne va pas être aussi aisé que je l’avais cru, songea-t-il, la regardant avec prudence tandis qu’elle se penchait et ramassait un autre morceau de béton.