Introduction
Introduction
Parmi les ouvrages que leur domination dans l’Inde a inspirés aux Anglais, il en est peut-être de plus littéraires, de plus singuliers, de plus sublimes, mais il n’en est pas de plus curieux, de plus directs comme impressions, de plus véridiques, en un mot, que le fameux roman très libre d’expressions et de descriptions intitulé Vénus dans l’Inde ou Aventures d’amour dans l’Hindoustan.
Au reste, voici la bibliographie très courte de cet ouvrage unique dont on ne connaît point de réimpression.
VENUS IN INDIA | OR | LOVE ADVENTURES | in | Hindustan | by | Capt. G. Devereux | of the general Staff. |
« Puellis idoneus fui,
Nec militavi sine gloria. »
First [Second] volume [ici marque d’éditeur : une grue ailes éployées et avalant un serpent se détachant en blanc sur fond noir dans un cartouche rond que les ailes débordent.] Printed at Carnopolis | for the Delectation of the Amorous and the | Instruction of the Amateur in the year | of the Excitement of the sexes | MDCCCXCVIII.
C’est-à-dire : VÉNUS DANS L’INDE ou Aventures d’amour dans l’Hindoustan, par le capitaine C. Devereux, de l’État-major…
L’ouvrage comporte deux vol. in-8° de 6 ff. non chif., 175 pp., 4 f. blanches et 6 ff. non chif., 266 pp. et 4 ff. blancs. La couverture rose est mobile et porte le titre entier dans un encadrement, les titre et couverture sont imprimés en noir et rouge ; le dernier plat de la couverture comprend une annonce dans un encadrement à un filet pour la traduction en anglais du manuel érotique arabe : Kitab Ruju’a as-Shaykhits ila Sabah fi-’l-Kuwwat’ala-l-Bah”. L’ouvrage lui-même est imprimé sur du japon français et tout porte à croire qu’il a été imprimé en France.
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Quant à l’auteur de ce fameux livre, on en est réduit à des conjectures. Tout ce que l’on sait, c’est que celui qui a signé Capitaine C. Devereux, de l’État-major, fut un des chefs les plus appréciés de l’armée anglaise dans les Indes. Il paraît même que son véritable nom est historique et qu’il étonnerait bien des gens si on le révélait.
Une des distractions de l’officier anglais dans les Indes, pourvu d’argent et de loisirs, mais généralement dépourvu de femmes, c’est la lecture des ouvrages érotiques. C’est pour répondre à ce besoin que Liseux avait adjoint à sa bibliothèque française une série de traductions anglaises du plus grand mérite. Sa clientèle anglaise des colonies était fort développée, et s’il n’avait pas tenu à former une bibliothèque pour ses compatriotes, il ne serait pas mort dans le dénuement que l’on sait, car les officiers et fonctionnaires anglais eussent suffi à le faire vivre dans l’aisance.
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Le livre intitulé Vénus dans l’Inde est le fruit des loisirs que laisse la vie de garnison dans les colonies à un officier qui, après avoir connu de nombreuses aventures, connut aussi, avec l’ennui des garnisons solitaires, la consolation des livres venus de France.
C’était en France la pleine époque du naturalisme et en Angleterre le grand triomphe de la vertu ou, dirait-on mieux, de l’hypocrisie victorieuse.
Les livres venus de France avaient une réputation de liberté qui a toujours plu aux Anglais, malgré leur pudibonderie apparente.
L’officier qui nous occupe et qui, répétons-le, est un des plus grands hommes militaires de l’Angleterre moderne, ne semble avoir connu ni les livres publiés sous le manteau, ni les éditions Liseux.
Toutefois il a connu beaucoup de traductions de romans français et, s’il ne semble pas s’être attaché aux romans dits naturalistes, il a, au contraire, infiniment goûté la Mademoiselle de Maupin, de Théophile Gautier, et c’est sur ce modèle illustre qu’il a entrepris d’écrire les souvenirs de ses premières années de garnison dans l’Hindoustan.
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Il l’a fait avec une liberté d’expressions entière et un esprit complètement dégagé des préjugés, donnant ainsi un supplément nécessaire et passionnant aux récits que Rudyard Kipling a consacrés à l’Inde et particulièrement à la vie des officiers anglais dans l’Inde.
Ce que le grand conteur n’a pas osé dire, le pseudonyme capitaine Devereux ne le cache point, et quelques papiers retrouvés par un de ses camarades intimes ont permis de compléter sur bien des points cet ouvrage, dont l’auteur a toujours souhaité de publier une édition qui ne fût point imprimée sous le manteau.
F.L.
Première partie