Dédicace
À HENRY MURGER
Chère Ombre,
Tu as été l’écrivain de la jeunesse, – elle sait ton nom, lit et relit tes œuvres charmantes. Tes livres ne vieilliront pas : – ils racontent l’immuable jeunesse. Dans cent ans ce sera même, parce que le sang, qui circule, se renouvelle sans interruption, et qu’il y aura toujours de la jeunesse.
Être ou ne pas être. – Là, pourtant, n’est point toute la question. Être, ce n’est pas seulement exister, c’est avoir la force.
La force, – qu’on l’affuble des vains noms de raison, de maturité, de diplomatie, mensonges et mascarades, – la force, c’est la jeunesse ; c’est-à-dire le temps des croyances ; des illusions, – le temps des amours.
Le reste, – ambition, fortune, honneurs, – cendres et fumées !
« Que la jeunesse est belle ! a dit le poète. Elle fuit cependant. Que celui qui veut être heureux le soit tout de suite. Il n’y a pas de certitude pour demain. »
Faut-il croire au néant ? Tu le sais à cette heure, ô chère Ombre ! Non, n’est-ce pas, et si ton âme, dégagée de nos faiblesses, voit ce qui est sous ce qui paraît ; – si ton âme revient errer parfois au-dessus de ce Paris des jeunes, qui ne t’a point oublié, dis-lui que ce livre, comme les tiens, ne veut ni moraliser, ni réformer, ni corrompre.
Il raconte.
A.B.