Chapitre 12

3136 Words
– Ne me quitte pas !… Ne me quitte pas !… Minuit venait de sonner et Fanny avait eu un mouvement qui avait pu faire croire à Jacques que sa femme allait s’éloigner de son chevet. Il se sentait faible et peureux, mais peureux à un point que, si elle l’avait laissé seul, il n’aurait peut-être pu s’empêcher de crier ! La nuit et le silence l’épouvantaient. Il avait fait allumer toutes les lumières dans sa chambre, dans le boudoir, dans le cabinet de toilette, dans la chambre de sa femme. À la voix de Marthe, tout son crime était remonté du fond vaseux de sa conscience où il croupissait. Une angoisse folle lui avait serré le cœur et il avait fui jusque dans l’évanouissement l’évocation du fantôme d’André, avec sa plaie à la tempe ! Depuis le commencement de cette longue nuit où elle l’avait soigné comme un enfant, Fanny essayait en vain de le raisonner. Elle se heurtait à cet argument qu’il ne cessait de répéter : – Qu’elle l’ait vu ou qu’elle ne l’ait pas vu, c’est tout de même André, ou l’idée agissante d’André, qui l’a conduite ici pour sauver François !… Son vrai fantôme n’en ferait pas davantage !… – Si ! finit par répliquer Fanny… il ferait davantage !… – Et quoi donc ? Tu trouves, toi, qu’il ne fait pas assez ?… – Un vrai fantôme lui aurait déjà dit le nom de l’assassin !… Cette dernière réplique sembla produire un effet satisfaisant sur l’esprit bouleversé de Jacques, mais cet effet ne fut que momentané. Jacques ne croyait point au vrai fantôme d’André, mais l’état d’âme singulier de Marthe l’entretenait dans une inquiétude insupportable à cause du danger qu’il ne pouvait s’empêcher d’y voir. L’extase dans laquelle elle vivait donnait à la jeune femme une lucidité extraordinaire et la poussait à des gestes qui pouvaient avoir des conséquences irréparables. Évidemment, les histoires de cadavres cachés dans les malles n’étaient point rares, mais qu’elle en parlât précisément à propos d’un crime « de ce genre », voilà qui était bien néfaste !… Et puis l’automobile !… et puis la blessure à la tempe !… Tout cela finissait par dépasser le domaine des imaginations et des coïncidences… et puis cette arrivée de Marthe au château, avec le fantôme d’André, dans le but déterminé de veiller sur le petit François, alors que celui-ci venait, en effet, de courir le plus grand danger !… – Tout de même, elle se souvient de tout, dit-il à Fanny, elle se souvient de tout, excepté d’avoir pénétré dans la chambre du petit, d’avoir ouvert la fenêtre et de l’avoir porté sur le lit !… – Mon Jacques, j’ai fait mon enquête… personne, tu entends, personne ne s’est aperçu de l’accident avant Mlle Hélier… – C’est bien ce qui m’inquiète… – C’est ce qui devrait te rassurer… Marthe est la seule à être entrée dans l’appartement… Comment peux-tu douter ?… – Je ne doute pas ! je ne doute pas !… ou plutôt je ne veux pas douter… le contraire serait absurde… oui… oui… c’est entendu… mais ç’est plus fort que moi, depuis que j’ai entendu la voix de Marthe parlant à André comme s’il était là… eh bien ! j’ai peur… oui, j’ai peur… comme s il était là !… comme si elle l’avait laissé là !… C’est idiot !… c’est idiot !… Et je suis stupide… mais, ma petite… j’en claque des dents… – Jacques, tu me fais pitié !… J’ai parlé à Jaloux… – Eh bien !… qu’est-ce qu’il dit, Jaloux ? – Eh ! parbleu, tout spirite qu’il est, quand Moutier l’a mis au courant des choses, il n’a eu qu’une réponse : « Elle est malade !… » – Et il sait que je suis au lit, moi ? – Non, mais je ne lui ai pas caché que toutes ces lamentables histoires où réapparaissait le nom de ton frère chéri t’avaient attristé à un point que tu avais besoin de solitude… Je t’ai excusé… Ils étaient du reste enchantés, lui et le docteur… Eux aussi avaient besoin de solitude… Je leur ai fait servir leur dîner dans la chambre du docteur. Ils ont pu se mettre tout de suite à leurs travaux… La Médecine astrale… pour les poires… Ils n’y croient pas !… Ah ! ce n’est pas eux que les fantômes empêchent de dormir !… En vérité, vous n’avez pas honte, my dear ? Elle le regardait avec une tendre sévérité. Il y eut un assez long silence entre eux pendant lequel elle semblait, de toute la puissance fascinatrice de son regard, essayer de lui redonner la force morale qu’il avait perdue… Il finit par murmurer : – Oui, j’ai honte !… je vous demande pardon… Et il se passa la main sur le front comme pour en chasser les images funèbres qui l’assaillaient… – Oui, pardonnez ma faiblesse, Fanny aimée… j’ai eu comme… comme une détente de toute mon énergie passée… Depuis tant d’années, j’avais serré, serré le ressort… en silence, mystérieusement, tout seul… et j’ai senti tout à coup que je n’en pouvais plus !… le ressort de mon âme tendue depuis cinq ans !… cinq ans avec un pareil secret ! Je suis brisé !… Et c’est cette Marthe qui m’a brisé… Tu as parlé au Saint-Firmin… Que dit-il ? Lui as-tu dit, au moins, que sa femme était folle ?… Va-t-il nous en débarrasser ?… – Le docteur lui a dit qu’il connaissait une maison où elle serait admirablement traitée, où l’on soignait ces maladies-là !… Il a répondu, avec le sourire que tu sais, qu’il ne quitterait point sa femme avant son dernier soupir ! – Oh ! il a dit « avant son dernier soupir » ? – Parfaitement « avant son dernier soupir » ! et je suis persuadée, moi, d’une chose, c’est qu’il ne fait rien pour retarder le dernier soupir de cette femme !… Après la confidence de Marthe et cette atroce parole, tout s’éclaire, petit tchéri… et, si tu veux m’en croire, nous n’aurons plus longtemps à redouter les extases de la petite dame du bord de l’eau !… Le vieux Saint-Firmin ne croit nullement, lui, à la mort d’André… Il doit penser que le programme entre sa femme et ton frère tient toujours !… Ils se sont promis l’un à l’autre pour après sa mort ! Eh bien ! il la regarde mourir, elle !… tout simplement !… Considère son sourire, étudie un peu son attitude, devant cette femme qui se meurt, et tu comprendras !… Rappelle-toi aussi ce qu’elle a dit, lors de notre dernière visite : « Ne mangez pas de gâteaux, ils sont moisis et peut-être empoisonnés ! » Elle aussi… elle aussi sait que le vieux ne fera rien pour retarder sa mort, à elle ! Elle sait qu’elle ne peut lui faire plus de plaisir que de mourir avant lui !… et elle sait qu’il y veille… Comment veux-tu qu’une femme qui vit dans un drame pareil ait toute sa tête à elle ?… Elle vit déjà chez les morts !… et elle ne peut faire un pas sans traîner derrière elle ses fantômes… Mais je te prie de croire qu’elle ne les amènera plus ici !… Oui, j’ai donné des ordres, petit tcheri… le parc, le château seront fermés, maintenant, comme une forteresse… nous ne la recevrons plus !… qu’elle aille se faire soigner ailleurs !… Du reste, je suis d’avis que tu prennes dès demain des dispositions pour que nous puissions nous absenter quelques semaines. Un bon voyage nous fera du bien, petit tchéri !… – C’est cela ! C’est cela !… Tu as raison !… Tu as raison !… je n’osais pas te le proposer. Allons-nous-en !… allons-nous-en !… Tiens ! cette idée me remet tout à fait d’aplomb !… La bonne idée !… Je vais me lever !… Je te dis que je vais me lever !… je vais travailler à mon bureau, jusqu’au jour !… Il faut que nous puissions partir demain, avant le soir… je ne veux pas passer une nuit de plus dans ce château, depuis qu’elle y a traîné derrière elle, comme tu dis, ses fantômes !… Allons-nous-en !… Et il se leva, s’enveloppa d’une robe de chambre, embrassa Fanny, ayant recouvré soudain, à la perspective de ce départ, tout son sang-froid et tout son équilibre… Il se mit même à plaisanter devant tout le luxe de lumières… – Nous sommes décidément toqués ! fit-il. C’est ce coup du « cadavre dans la malle » qui nous a démolis… Moi, j’en ai eu comme le cœur et les jambes cassés en même temps !… Et, ma foi, c’était assez bête !… Elle a entendu vingt fois parler par Moutier de la malle de Gouffé… Il y a huit jours, les journaux racontaient encore l’histoire d’une malle trouvée dans les champs avec un cadavre dedans… alors, c’est si naturel qu’elle nous ait sorti ça !… Sommes-nous bêtes !… Allons ! me voici tout à fait raisonnable… Tu es fatiguée… Non… Non… Tu vas me laisser tranquille… c’est moi qui veux que tu te couches maintenant !… que tu te reposes !… Mais elle secoua la tête : – Je ne dormirai pas ! Il s’étonna à son tour : – Eh quoi ? toi aussi ?… – Que veux-tu dire avec ce « toi aussi » ? Vous pensez bien, petit tchéri, que je ne donne pas dans ces lubies, n’est-ce pas ?… Mais j’avoue que mes nerfs… oui, mes nerfs ne me permettent pas de dormir ce soir… c’est de votre faute à tous… Tout à coup, ils s’arrêtèrent de parler, car il leur sembla avoir entendu des pas dans le corridor… le parquet avait craqué, avait gémi, comme sous le poids d’un corps !… Ils restèrent immobiles, l’oreille tendue, la gorge serrée… Comme ils recommençaient à respirer, il y eut un autre craquement… Fanny, cette fois, s’avança résolument vers la porte, l’ouvrit et regarda dans le corridor, éclairé d’une veilleuse dans une fleur de verre… Elle ne vit personne, écouta encore, n’entendit plus rien et referma la porte. – Sommes-nous stupides ! fit-elle en souriant à Jacques, pour un craquement… Est-ce que le craquement des meubles va nous effrayer, maintenant ? Il se crut assez fort pour plaisanter encore sur cela : – D’autant plus, dit-il, que les fantômes, en marchant, ne font rien craquer du tout… Mais il n’avait pas fini sa phrase qu’un horrible cri réveillait tous les échos du château, un cri d’enfant qu’on égorge ! Ils se ruèrent vers la nursery pendant que le cri affreux se continuait en d’indicibles lamentations. Ils pénétrèrent comme des fous dans la chambre du petit François et trouvèrent l’enfant, sur son lit, debout dans sa longue chemise, ses deux petits poings à la gorge, avec une face d’épouvante… La lune l’éclairait de ses rayons pâles, filtrés par la grande vitre de la nursery. En même temps accourait Lydia, la Fräulein, qui avait sa chambre à côté et qui était suivie de la petite Germaine et du petit Jacques, criant eux aussi à cause de ce bruit qui les avait jetés si brutalement hors de leur sommeil et de leur lit… – Mon Dieu ! Qu’y a-t-il ? Qu’y a-t-il ?… interrogeait Fanny pleine d’angoisse, tandis que Jacques faisait de la lumière, la main tremblante, l’esprit égaré. Lydia s’était précipitée sur l’enfant, l’entourait de ses bras, se livrait à des manifestations touchantes de dévouement et accompagnait le tout d’onomatopées et d’objurgations allemandes qui ajoutaient à la confusion et au tumulte. Bientôt arrivèrent encore, dans un galop effaré, les domestiques, la femme de chambre, le maître d’hôtel, puis le Dr Moutier, et un grand monsieur aux cheveux pâles très cosmétiques, très maigre et très chic dans sa jaquette noire, le monocle solidement encastré dans l’arcade sourcilière, et qui paraissait fort calme en dépit de l’émotion ambiante. C’était le professeur Jaloux. Ces messieurs avaient prolongé leur veille et venaient d’être arrachés à leurs chères études par ce cri qui avait réveillé le château. Comme ils étaient seuls à avoir conservé leur sang-froid, ils firent taire tout le monde et questionnèrent l’enfant qui avait cessé son gémissement rauque et qui regardait maintenant tous ces gens qui l’entouraient avec une sorte d’hébètement. – Qu’est-ce que tu as eu, petit ? demanda Moutier. Tu as fait un mauvais rêve ? Alors François, après une hésitation marquée, répondit à voix basse : – J’ai vu papa !… Fanny et Jacques se regardèrent. En vérité, ils étaient aussi pâles l’un que l’autre. – Tu as rêvé de ton papa ? reprit le Dr Moutier en prenant la main du petit que Lydia avait recouché sous ses couvertures. – Oh ! non, monsieur, répondit l’enfant en secouant la tête… Non, non !… je n’ai pas rêvé… je l’ai bien vu… La preuve que je ne rêvais pas, c’est que j’ai entendu sonner l’heure à l’horloge du château et les chiens aboyer… – Pourquoi ne dormais-tu pas ?… – Je ne sais pas, monsieur… – Je le sais, moi !… s’écria Lydia, avec une émotion qui n’eut, du reste, aucun succès, car on la fit taire… – Et comment as-tu vu ton papa ?… – Eh bien, j’avais les yeux grands ouverts comme maintenant… et tout à coup, je l’ai vu dans le rayon de lune… Il était grand, grand, et si pâle et si effrayant avec sa blessure à la tempe qui coulait… alors j’ai eu peur ! peur ! peur ! si peur que j’ai cru que j’allais mourir et j’ai crie !… et aussitôt que j’ai crié, je ne l’ai plus vu !… L’enfant avait dit ces choses avec un tel frémissement de tout son petit être que tous ceux qui étaient là en furent singulièrement impressionnés. Jacques, en entendant l’enfant parler de la blessure à la tempe, s’était laissé tomber sur une chaise, les oreilles bourdonnantes… Fanny elle-même s’était appuyée au mur… Il y eut un silence pendant lequel chacun semblait se recueillir. Jaloux ne prononçait pas une parole. Il se bornait à étudier l’enfant qui s’était mis à pleurer en répétant ces mots : Papa m’a fait peur ! Le Dr Moutier lui tapota doucement la main. – Tu as eu un cauchemar, mon petit ami !… Un cauchemar, c’est-à-dire un rêve, tout simplement. C’est peut-être la suite d’un commencement d’intoxication… bien qu’il paraisse cependant n’avoir guère souffert du gaz…, fit-il en se retournant du côté de Fanny. Qu’est-ce que cet enfant a mangé hier soir ?… – Oh ! monsieur, ze n’est bas se qu’il a manché qui l’a vait rêfé !… moi che sais pien ce qui l’a vait rêfé… Tenez, foilà ce qui l’a vai rêfé !… Et Lydia, que rien ni personne ne pouvait plus faire taire, se tournait dans le même instant vers Mlle Hélier, qui venait d’entrer. La vieille sèche demoiselle, qui était accourue la dernière parce qu’elle avait mis quelques minutes à recouvrir sa toilette de nuit d’un vêtement décent, reçut en pleine figure impassible toute une avalanche de reproches mi-français, mi-allemands, où il était question tout à la fois de fantômes, de tables tournantes, d’apparitions et d’esprits. En écoutant la Fräulein, Fanny reprenait ses esprits et Jacques revenait à la vie. Il ressortait de tout ce charabia que l’institutrice avait, ces temps derniers, mêlé les enfants à ses exercices bizarres et qu’elle les avait fait asseoir à son guéridon d’acajou, dans l’espérance que l’esprit de leur père voudrait bien leur répondre. Elle leur avait dit « qu’il avait déjà parlé » dans la table à une autre personne, que puisqu’ils étaient bien sages et qu’ils aimaient bien leur papa, celui-ci ne manquerait pas de venir s’entretenir avec eux. Germaine et François n’avaient pas d’abord voulu croire que leur papa fût mort, mais la vieille avait répondu que c’était lui-même qui avait déclaré « dans la table » qu’il avait été assassiné ! Enfin, toute une histoire épouvantable qui avait naturellement bouleversé l’esprit des enfants et que ceux-ci lui avaient répétée malgré l’ordre de silence qu’ils avaient reçu de Mlle Hélier. Lydia en aurait parlé plus tôt à Madame si elle n’avait eu le dessein de « prévenir » Madame, dans le moment où une pareille comédie recommencerait, ce qui ne devait pas tarder avec une vieille folle comme Mlle Hélier ! À la suite de cette révélation, l’indignation fut générale. Le professeur Jaloux lui-même ne put retenir l’expression de son blâme. – Faire du spiritisme avec des enfants ? C’est un crime. Le père Moutier, lui, n’y alla pas par quatre chemins : – C’est une misérable !… Une misérable !… Fanny, dont les yeux lançaient des éclairs, destinés à foudroyer Mlle Hélier, et qui tremblait de colère, déclara qu’elle la jetait à la porte ! – Demain !… elle partira demain matin !… Enfin, quand tout le monde se fut calmé, Mlle Hélier daigna laisser tomber ces mots : – C’est bien ! je m’en irai ; j’ai eu tort puisque l’esprit n’est pas venu ! mais je ne suis ni une misérable ni une criminelle !… Un crime a été commis et il ne l’a pas été par moi !… Et Dieu, qui lit dans mon cœur, me pardonnera d’avoir pensé que l’âme immortelle du père pourrait venir dire lui-même à ses enfants qui l’avait assassiné !… – Elle est folle !… Elle est folle !… Tous criaient : Elle est folle !… Ah ! la vieille toquée !… – C’est une pauvre d’esprit !… émit le professeur Jaloux, et ce n’est pas moi qui la défendrai… car ces sortes de gens sont nos pires ennemis… Ce sont eux qui ruinent le spiritisme scientifique !… Tout à coup, on entendit la voix sourde de Jacques, lequel n’avait encore rien dit, demander : – C’est vous qui avez raconté à ces enfants que leur père avait une plaie à la tempe ?… – Moi, monsieur ! moi ! mais je n’ai rien dit de cela !… Il ne faut pas me faire dire cependant ce qui n’est pas !… Comment voulez-vous que je sache si l’esprit a une plaie à la tempe !… l’esprit ne m’est jamais apparu à moi !… Fanny se retourna vers les enfants et leur demanda s’il était exact que Mlle Hélier ne leur eût jamais parlé de la plaie à la tempe. Elle avait compris toute la portée de la question de son mari. Évidemment, Jacques se disait que Mlle Hélier avait dû surprendre les confidences de Marthe et s’en servir auprès des enfants ; mais Germaine et François affirmèrent que Mlle Hélier ne leur avait jamais parle de la blessure à la tempe. Alors, Jacques sortit de la pièce et se traîna jusqu’à son appartement comme il put, en chancelant et en s’appuyant aux murs.
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