Dédicace-2

3049 Words
– Monsieur… – Vous êtes vif, dit des Lupeaulx, écoutez ?… il ne peut pas vous payer en argent ; eh ! bien, en homme d’esprit que vous êtes, payez-vous en faveurs… royales ou ministérielles. – Quoi, mon père aura donné en 1793, cent mille… – Mon cher monsieur, ne récriminez pas ! Écoutez une proposition d’arithmétique politique : La recette de Sancerre est vacante, un ancien payeur général des armées y a droit, mais il n’a pas de chances vous avez des chances et vous n’y avez aucun droit ; vous obtiendrez la recette. Vous exercerez pendant un trimestre, vous donnerez votre démission et monsieur Gravier vous donnera vingt mille fumes. De plus, vous serez décoré de l’Ordre Royal de la Légion d’Honneur. – C’est quelque chose, dit le vigneron beaucoup plus appâté par la somme que par le ruban. – Mais, reprit des Lupeaulx, vous reconnaîtrez les bontés de Son Excellence en rendant à Sa Seigneurie le duc de Navarreins tous vos titres… Le vigneron revint à Sancerre en qualité de Receveur des Contributions. Six mois après il fut remplacé par monsieur Gravier, qui passait pour l’un des hommes les plus aimables de la Finance sous l’Empire et qui naturellement fut présenté par monsieur de La Baudraye à sa femme. Dès qu’il ne fut plus Receveur, monsieur de La Baudraye revint à Paris s’expliquer avec d’autres débiteurs. Cette fois, il fut nommé Référendaire au Sceau, baron, et officier de la Légion-d’Honneur. Après avoir vendu la charge de Référendaire au Sceau, le baron de La Baudraye fit quelques visites à ses derniers débiteurs, et reparut à Sancerre avec le litre de Maître des Requêtes, avec une place de Commissaire du Roi près d’une Compagnie Anonyme établie en Nivernais, aux appointements de six mille francs, une vraie sinécure. Le bonhomme La Baudraye, qui passa pour avoir fait une folie, financièrement parlant, fit donc une excellente affaire en épousant sa femme. Grâce à sa sordide économie, à l’indemnité qu’il reçut pour les biens de son père nationalement vendus en 1793, le petit homme réalisa, vers 1827, le rêve de toute sa vie ! En donnant quatre cent mille francs comptant et prenant des engagements qui le condamnaient à vivre pendant six ans, selon son expression, de l’air du temps, il put acheter, sur les bords de la Loire, à deux lieues au-dessus de Sancerre, la terre d’Anzy dont le magnifique château bâti par Philibert de Lorme est l’objet de la juste admiration des connaisseurs. Il fut enfin compté parmi les grands propriétaires du pays ! Il n’est pas sûr que la joie causée par l’érection d’un majorai composé de la terre d’Anzy, du fief de La Baudraye et du domaine de La Hautoy, en vertu de Lettres Patentes en date de décembre 1829, ait compensé les chagrins de Dinah qui se vit alors réduite à une secrète indigence jusqu’en 1835. Le prudent La Baudraye ne permit pas à sa femme d’habiter Anzy et d’y faire le moindre changement, avant le dernier payement du prix. Ce coup d’œil sur la politique du premier baron de La Baudraye explique l’homme en entier. Ceux à qui les manies des gens de province sont familières reconnaîtront en lui la passion de la terre, passion dévorante, passion exclusive, espèce d’avarice étalée au soleil et qui souvent mène à la ruine par un défaut d’équilibre entre les intérêts hypothécaires et les produits territoriaux. Les gens qui, de 1802 à 1827, se moquaient du petit La Baudraye en le voyant trotter à Saint-Thibault et s’y occuper de ses affaires avec l’âpreté d’un bourgeois vivant de sa vigne, ceux qui ne comprenaient pas son dédain de la faveur à laquelle il avait dû ses places aussitôt quittées qu’obtenues, eurent enfin le mot de l’énigme quand ce formicaléo sauta sur sa proie, après avoir attendu le moment où les prodigalités de la duchesse de Maufrigneuse amenèrent la vente de cette terre magnifique, depuis trois cents ans dans la maison d’Uxelles. Madame Piédefer vint vivre avec sa fille. Les fortunes réunies de monsieur de La Baudraye et de sa belle-mère, qui s’était contentée d’une rente viagère de douze cents francs en abandonnant à son gendre le domaine de La Hautoy, composèrent un revenu visible d’environ quinze mille francs. Pendant les premiers jours de son mariage, Dinah obtint des changements qui rendirent La Baudraye une maison très agréable. Elle fit un jardin anglais d’une cour immense en y abattant des celliers, des pressoirs et des communs ignobles. Elle ménagea derrière le manoir, petite construction à tourelles et à pignons qui ne manquait pas de caractère, un second jardin à massifs, à fleurs, à gazons, et le sépara des vignes par un mur qu’elle cacha sous des plantes grimpantes. Enfin elle introduisit dans ta vie intérieure autant de confort que l’exiguïté des revenus le permit. Pour ne pas se laisser dévorer par une jeune personne aussi supérieure que Dinah paraissait l’être, monsieur de La Baudraye eut l’adresse de se taire sur les recouvrements qu’il faisait à Paris. Ce profond secret gardé sur ses intérêts donna je ne sais quoi de mystérieux à son caractère, et le grandit aux yeux de sa femme pendant les premières années de son mariage, tant le silence a de majesté !… Les changements opérés à La Baudraye inspirèrent un désir d’autant plus vif de voir la jeune mariée, que Dinah ne voulut passe montrer, ni recevoir, avant d’avoir conquis toutes ses aises, étudié le pays, et surtout le silencieux La Baudraye. Quand, par une matinée de printemps, en 1835, on vit, sur le Mail, la belle madame de La Baudraye en robe de velours bleu, sa mère en robe de velours noir, une grande clameur s’éleva dans Sancerre. Cette toilette confirma la supériorité de cette jeune femme, élevée dans la capitale du Berry. On craignit, en recevant ce phénix berruyer, de ne pas dire des choses assez spirituelles, et naturellement on se gourma devant madame de la Baudraye qui produisit une espèce de terreur parmi la gent femelle. Lorsqu’on admira dans le salon de La Baudraye un tapis façonné comme un cachemire, un meuble pompadour à bois dorés, des rideaux de brocatelle aux fenêtres, et sur une table ronde un cornet japonais plein de fleurs au milieu de quelques livres nouveaux ; lorsqu’on entendit la belle Dinah jouant à livre ouvert sans exécuter la moindre cérémonie pour se mettre au piano, l’idée qu’on se faisait de sa supériorité prit de grandes proportions. Pour ne jamais se laisser gagner par l’incurie et par le mauvais goût, Dinah avait résolu de se tenir au courant des modes et des moindres révolutions du luxe en entretenant une active correspondance avec Anna Grossetête, son amie de cœur au pensionnat Chamarolles. Fille unique du Receveur Général de Bourges, Anna, grâce à sa fortune, avait épousé le troisième fils du comte de Fontaine. Les femmes, en venant à La Baudraye, y furent alors constamment blessées par la priorité que Dinah sut s’attribuer en fait de modes ; et, quoi qu’elles fissent, elles se virent toujours en arrière, ou, comme disent les amateurs de courses, distancées. Si toutes ces petites choses causèrent une maligne envie chez les femmes de Sancerre, la conversation et l’esprit de Dinah engendrèrent une véritable aversion. Dans le désir d’entretenir son intelligence au niveau du mouvement parisien, madame de La Baudraye ne souffrit chez personne ni propos vides, ni galanterie arriérée, ni phrases sans valeur ; elle se refusa net au clabaudage des petites nouvelles, à cette médisance de bas étage qui fait le fond de la langue en province. Aimant à parler des découvertes dans la science ou dans les arts, des œuvres franchement écloses au théâtre, en poésie, elle parut remuer des pensées en remuant les mots à la mode. L’abbé Duret, curé de Sancerre, vieillard de l’ancien clergé de France, homme de bonne compagnie à qui le jeu ne déplaisait pas, n’osait se livrer à son penchant dans un pays aussi libéral que Sancerre, il fut donc très heureux de l’arrivée de madame de La Baudraye, avec laquelle il s’entendit admirablement. Le Sous-Préfet, un vicomte de Chargebœuf, fut enchanté de trouver dans le salon de madame de la Baudraye un espèce d’oasis où l’on faisait trêve à la vie de province. Quant à monsieur de Clagny, le Procureur du Roi, son admiration pour la belle Dinah le cloua dans Sancerre. Ce passionné magistrat refusa tout avancement, et se mit à aimer pieusement cet ange de grâce et de beauté. C’était un grand homme sec, à figure patibulaire ornée de deux yeux terribles, à orbites charbonnées, surmontées de deux sourcils énormes, et dont l’éloquence, bien différente de son amour, ne manquait pas de mordant. Monsieur Gravier était un petit homme gros et gras qui, sous l’Empire, chantait admirablement la romance, et qui dut à ce talent le poste éminent de payeur-général d’armée. Mêlé à de grands intérêts en Espagne avec certains généraux en chef appartenant alors à l’Opposition, il sut mettre à profit ces liaisons parlementaires auprès du Ministre, qui, par égard à sa position perdue, lui promit la recette de Sancerre, et finit par la lui laisser acheter. L’esprit léger, le ton du temps de l’Empire s’était alourdi chez monsieur Gravier, il ne comprit pas ou ne voulut pas comprendre la différence énorme qui sépara les mœurs de la Restauration de celles de l’Empire ; mais il se croyait bien supérieur à monsieur de Clagny, sa tenue était de meilleur goût, il suivait les modes, il se montrait en gilet jaune, en pantalon gris, en petites redingotes serrées, il avait au cou des cravates de soieries à la mode ornées de bagues à diamants, tandis que le Procureur du Roi ne sortait pas de l’habit, du pantalon et du gilet noirs, souvent râpés. Ces quatre personnages s’extasièrent, les premiers, sur l’instruction, le bon goût, la finesse de Dinah, et la proclamèrent une femme de la plus haute intelligence. Les femmes se dirent alors entre elles : – Madame de La Baudraye doit joliment se moquer de nous… Cette opinion, plus ou moins juste, eut pour résultat d’empêcher les femmes d’aller à La Baudraye. Atteinte et convaincue de pédantisme parce qu’elle parlait correctement, Dinah fut surnommée la Sapho de Saint-Satur. Chacun finit par se moquer effrontément des prétendues grandes qualités de celle qui devînt ainsi l’ennemie des Sancerroises. Enfin on alla jusqu’à nier une supériorité, purement relative d’ailleurs, qui relevait les ignorances et ne leur pardonnait point. Quand tout le monde est bossu, la belle taille devient la monstruosité ; Dinah fut donc regardée comme monstrueuse et dangereuse, et le désert se fit autour d’elle. Étonnée de ne voir les femmes, malgré ses avances, qu’à de longs intervalles et pendant des visites de quelques minutes, Dinah demanda la raison de ce phénomène à monsieur de Clagny. – Vous êtes une femme trop supérieure pour que les autres femmes vous aiment, répondit le Procureur du Roi. Monsieur Gravier, que la pauvre délaissée interrogea, se fit énormément prier pour lui dire : – Mais, belle dame, vous ne vous contentez pas d’être charmante, vous avez de l’esprit, vous êtes instruite, vous êtes au fait de tout ce qui s’écrit, vous aimez la poésie, vous êtes musicienne, et vous avez une conversation ravissante : les femmes ne pardonnent pas tant de supériorités !… Les hommes dirent à monsieur de La Baudraye : – Vous qui avez une femme supérieure, vous êtes bien heureux… Et il finit par dire : – Moi qui ai une femme supérieure, je suis bien, etc… Madame Piédefer, flattée dans sa fille, se permit aussi de dire des choses dans ce genre : – Ma fille, qui est une femme très supérieure, écrivait hier à madone de Fontaine telles, telles choses. Pour qui connaît le monde, la France, Paris, n’est-il pas vrai que beaucoup de célébrités se sont établies ainsi ? Au bout de deux ans, vers la fin de l’année 1825, Dinah de La Baudraye fut accusée de ne vouloir recevoir que des hommes ; puis on lui fit un crime de son éloignement pour les femmes. Pas une de ses démarches, même la plus indifférente, ne passait sans être critiquée, ou dénaturée. Après avoir fait tous les sacrifices qu’une femme bien élevée pouvait faire, et avoir mis les procédés de son côté, madame de La Baudraye eut le tort de répondre à une fausse amie qui vint déplorer son isolement : – J’aime mieux mon écuelle vide que rien dedans ! Cette phrase produisit des effets terribles dans Sancerre, et fut, plus tard, cruellement retournée contre la Sapho de Saint-Satur, quand, en la voyant sans enfants après cinq ans de mariage, on se moqua du petit La Baudraye. Pour faire comprendre cette plaisanterie de province, il est nécessaire de rappeler au souvenir de ceux qui l’ont connu, le Bailli de Ferrette, de qui l’on disait qu’il était l’homme le plus courageux de l’Europe parce qu’il osait marcher sur ses deux jambes, et qu’on accusait aussi de mettre du plomb dans ses souliers, pour ne pas être emporté par le vent. Monsieur de La Baudraye, petit homme jaune et quasi diaphane, eût été pris par le Bailli de Ferrette pour premier gentilhomme de sa chambre, si ce diplomate eût été quelque peu Grand-Duc de Bade au lieu d’en être l’envoyé. Monsieur de La Baudraye dont les jambes étaient si grêles qu’il mettait par décence de faux mollets, dont les cuisses ressemblaient au bras d’un homme bien constitué, dont le torse figurait assez bien le corps d’un hanneton, eut été pour le bailli de Ferrette une flatterie perpétuelle. En marchant, le petit vigneron retournait souvent ses mollets sur le tibia, tant il en faisait peu mystère, et remerciait ceux qui l’avertissaient de ce léger contresens. Il conserva les culottes courtes, les bas de soie noirs et le gilet blanc jusqu’en 1824. Après son mariage, il porta des pantalons bleus et des bottes à talons, ce qui fit dire à tout Sancerre qu’il s’était donné deux pouces pour atteindre au menton de sa femme. On lui vit pendant dix ans la même petite redingote vert-bouteille à grands boutons de métal blancs, et une cravate noire qui faisait ressortir sa figure froide et chafouine, éclairée par des yeux d’un gris bien, fins et calmes comme des yeux de chat. Doux comme tous les gens qui suivent un plan de conduite, il paraissait rendre sa femme très heureuse en ayant l’air de ne jamais la contrarier, il lui laissait la parole, et se contentait d’agir avec la lenteur, mais avec la ténacité d’un insecte. Adorée pour sa beauté sans rivale, admirée pour son esprit par les hommes les plus comme il faut de Sancerre, Dinah entretint cette admiration par des conversations auxquelles, dit-on plus tard, elle se préparait. En se voyant écoutée avec extase, elle s’habitua par degrés à s’écouter aussi, prit plaisir à pérorer, et finit par regarder ses amis comme autant de confidents de tragédie destinés à lui donner la réplique. Elle se procura d’ailleurs une fort belle collection de phrases et d’idées, soit par ses lectures, soit en s’assimilant les pensées de ses habitués, et devint ainsi une espèce de serinette dont les airs partaient dès qu’un accident de la conversation en accrochait la détente. Altérée de savoir, rendons-lui cette justice, Dinah lut tout jusqu’à des livres de médecine, de statistique, de science, de jurisprudence ; car elle ne savait à quoi employer ses matinées, après avoir passé ses fleurs en revue et donné ses ordres au jardinier. Douée d’une belle mémoire, et de ce talent avec lequel certaines femmes se servent du mot propre, elle pouvait parler sur toute chose avec la lucidité d’un style étudié. Aussi, de Cosne, de La Charité, de Nevers sur la rive droite, et de Léré, de Vailly, d’Argent, de Blancafort, d’Aubigny sur la rive gauche, venait-on se faire présenter à madame de La Baudraye, comme en Suisse on se faisait présenter à madame de Staël. Ceux qui n’entendaient qu’une seule fois les airs de cette tabatière suisse, s’en allaient étourdis et disaient de Dinah des choses merveilleuses qui rendirent les femmes jalouses à dix lieues à la ronde. Il existe dans l’admiration qu’on inspire, ou dans l’action d’un rôle joué je ne sais quelle griserie morale qui ne permet pas à la critique d’arriver à l’idole. Une atmosphère produite peut-être par une constante dilatation nerveuse fait comme un nimbe à travers lequel on voit le monde au-dessous de soi. Comment expliquer autrement la perpétuelle bonne foi qui préside à tant de nouvelles représentations des mêmes effets, et la continuelle méconnaissance du conseil que donnent ou les enfants, si terribles pour leurs parents, ou les maris si familiarisés avec les innocentes roueries de leurs, femmes ! Monsieur de La Baudraye avait la candeur d’un homme qui déploie un parapluie aux premières gouttes tombées : quand sa femme entamait la question de la traite des nègres, où l’amélioration du sort des forçats, il prenait sa petite casquette bleue et s’évadait sans bruit avec la certitude de pouvoir aller à Saint-Thibault surveiller une livraison de poinçons, et revenir une heure après en retrouvant la discussion à peu près mûrie. S’il n’avait rien à faire, il allait se promener sur le Mail d’où se découvre l’admirable panorama de la vallée de la Loire, et prenait un bain d’air pendant que sa femme exécutait une sonate de paroles et des duos de dialectique. Une fois posée en femme supérieure, Dinah voulut donner des gages visibles de son amour pour les créations les plus remarquables de l’Art ; car elle s’associa vivement aux idées de l’école romantique en comprenant dans l’Art, la poésie et la peinture, la page et la statue, le meuble et l’opéra. Aussi devint-elle moyen-âgiste. Elle s’enquit des curiosités qui pouvaient dater de la Renaissance, et fit de ses fidèles autant de commissionnaires dévoués. Elle acquit ainsi, dans les premiers jours de son mariage, le mobilier des Rouget à Issoudun, lors de la vente qui eut lieu vers le commencement de 1824. Elle acheta de fort belles choses en Nivernais et dans la Haute-Loire. Aux étrennes, ou le jour de sa fête, ses amis ne manquaient jamais à lui offrir quelques raretés. Ces fantaisies trouvèrent grâce aux yeux de monsieur de La Baudraye, il eut l’air de sacrifier quelques écus au goût de sa femme, mais, en réalité, l’homme aux terres songeait à son château d’Anzy. Ces antiquités coûtaient alors beaucoup moins que des meubles modernes. Au bout de cinq ou six ans, l’antichambre, la salle à manger, les deux salons et le boudoir que Dinah s’était arrangés au rez-de-chaussée de La Baudraye, tout, jusqu’à la cage de l’escalier, regorgea de chefs-d’œuvre triés dans les quatre départements environnants. Cet entourage, qualifié d’étrange dans le pays, fut en harmonie avec Dinah. Ces merveilles sur le point de revenir à la mode frappaient l’imagination des gens présentés, ils s’attendaient à des conceptions bizarres et ils trouvaient leur attente surpassée en voyant à travers un monde de fleurs ces catacombes de vieilleries disposées comme chez feu du Sommerard, cet Old Mortality des meubles ! Ces trouvailles étaient d’ailleurs autant de ressorts qui, sur une question, faisaient jaillir des tirades sur Jean Goujon, sur Michel Columb, sur Germain Pilon, sur Boulle, sur Van Huysium, sur Boucher, ce grand peintre berrichon ; sur Clodion le sculpteur en bois, sur les placages vénitiens, sur Brustolone, ténor italien, le Michel-Ange des cadres ; sur les treizième, quatorzième, quinzième, seizième et dix-septième siècles, sur les émaux de Bernard de Palissy, sur ceux de Petitot, sur les gravures d’Albrecht Durer (elle prononçait Dur), sur les vélins enluminés, sur le gothique fleuri, flamboyant, orné, pur à renverser les vieillards et à enthousiasmer les jeunes gens.
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