Le quartier était enlacé par la nuit qui l'embrassait, tandis que les lampadaires éclairaient les impasses, tel un festival.
C'était la ville de l'amour, et je me demandais bien pourquoi les battements de mon cœur, se retrouvaient à cet endroit. Je me questionnais sur l'authenticité de mes sentiments pour oser déambuler dans les rues qui défilaient.
Moi qui avais pour pire ennemi l'amour et comme fiancé le travail à l'état pur.
On dit souvent que dans la vie, afin de réussir, il faut aimer ce que l'on fait, il faut persévérer et être déterminé.
Eh bien, moi, j'avais troqué l'amour de ce que j'exécutais contre de la passion.
Mes faits et gestes en effet n'étaient effectués que par de brûlants désirs de réussir.
Je me tenais face à Gérald, ce nouvel homme manquant d'affection qui dépensait des millions en échange de ma charmante présence.
En échange de la compagnie de cette jeune femme noire que j'étais. Peut-être pas comme une barre de chocolat, mais sûrement comme le charbon dont on a besoin afin de déclencher un feu.
Je suis noire. Tout en moi l'était d'ailleurs. Ma peau, mon âme, ainsi que mon cœur.
J'avais des yeux qui paraissaient être, eux aussi, ténébreux et une taille de guêpe comme silhouette. De cela, je me servais pour piquer les hommes qui s'approchaient de moi, et je les rendais malades, ivres, ou même encore, fous.
Avec mon venin, tel un serpent, ils étaient mordus, retrouvant, pour leur plus grand bonheur, sporadiquement le chemin de la guérison.
Pendant que moi, de l'autre côté, je ressentais rarement des choses.
Malgré le métier que j'exerçais, j'en riais toujours de ces personnes qui pensaient que les femmes devaient gagner la totalité de leurs argents dans les poches des hommes.
Et vous me direz sûrement que je suis le comble de ma philosophie vue mon train de vie.
Mais détrompez-vous, je rendais juste service, selon moi.
La misère m'avait longtemps prise par le coup alors, je savais comment ces humains désespérés se sentaient.
Et parce que mon temps valait de l'or, je tarifais ces hommes en conséquence.
De toute façon, qui travaillerait à la sueur de son front sans salaire ?
Qui accepterait de vivre dans la pauvreté pendant que ses membres se musclent à engraisser d'autres ventres ?
Pour vous parler plus de ma personne, je n'avais guère de nom de famille, ni autres valeurs apprises. Je n'avais que deux prénoms ; Térésa Cécilia.
Ma mère m'avait abandonné à la naissance et on se privera de prendre des nouvelles de mon père.
Je suppose que vous connaissez déjà les contes de ces jeunes adolescentes naïves, qui se laissent berner par ce qu'elles pensent connaître de l'amour et tombent dans le panneau de ces garçons ignorants.
Ma vision apparaît sèche, mais dites-moi véritablement quel genre d'amour est-ce ? Quel genre d'amour mon père avait envers ma mère pour courir et disparaître après avoir découvert mon existence ?
Mais je suis reconnaissante. En effet, grâce à lui, j'ai appris ce qu'était la prudence. Et à mes dépens aussi.
Plus tard, pendant leurs vacances en Afrique, au Sénégal plus précisément, un couple tomba sous le charme de mon âme.
J'avais un an et demi lorsque je fus adoptée. Cependant, à l'âge de 16 ans, ils m'ont mis à la porte.