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Histoires insolites

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Extrait : "Maintenant que sœur Euphrasie, cette enfant divine, s'est enfuie dans la Lumière, pourquoi garder encore le mot terrestre du « miracle » dont elle fut l'éblouie ? Certes, la noble sainte – qui vient de s'endormir, à vingt-huit ans, supérieure d'un ordre de Petites-Sœurs des pauvres, fondée par elle, en Provence – n'eût pas été scandalisée d'apprendre le secret physique de sa soudaine vocation..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

● Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.

● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Les plagiaires de la foudre
Les plagiaires de la foudre À monsieur Léon Dierx PROLOGUE « Divers animaux australiens, entre autres le singe rouge et certains grands aras, imitent, d’une manière des plus surprenantes, le bruit du tonnerre. » (Bulletins scientifiques de septembre 1887.) En ces temps-là s’étendait magnifiquement, au sein d’idéals océans, une Île d’aspect enchanté. C’était une prodigieuse forêt fleurie qu’un Pacifique éventait de ses salines et vivifiantes brises, – et, dominant la clairière centrale, sur des couches rocheuses aux puissants échos, s’y dressait un colossal eucalyptus. Depuis près d’un siècle, entre ses ombrages superposés, se multipliait une race de perroquets énormes et versicolores : le grand arbre en rutilait dans les nuées. Naturellement attentifs aux bruits et aux voix que leur propre est d’imiter, ces perroquets, se trouvant, par hasard, si haut placés qu’ils n’entendaient guère que les orages, en avaient étudié, au fond d’un spécial silence, les vibrations profondes. Si bien qu’aujourd’hui, tous, avec un ensemble, – que le terroir sonore et l’irradiation plongeante des sons rendaient inquiétant, – contrefaisaient, à s’y méprendre, le fracas de l’électricité dans l’étendue, la plainte des longues rafales, les ruissellements de l’averse au travers des feuillées. Au grondement de cet interminable orage qui, dès l’aurore, commençait à rouler au-dessus de leurs têtes, les infortunés animaux qui peuplaient l’Île se retiraient, courbés, dolents et pleins d’effroi, chacun dans sa retraite, – en se secouant, même, s’imaginant être pénétrés jusqu’aux os par les pluies torrentielles que, positivement, ils entendaient. Quant à la vertu même de l’orage, à ce qui en anime la réalité, – quant à l’éclair, enfin, – les perroquets, par dédain sans doute, ne le reproduisaient pas. Ce détail leur paraissait une sorte de superfétation, dont leur art, plus sobre que son modèle, ne devait en rien se préoccuper. Oiseux leur semblait l’éclair, bien qu’ils n’eussent pas, au fond, d’opinion très précise à son égard : ils s’en passaient, voilà tout. Histoire de simplifier. – Bref, de la tempête ils ne daignaient démarquer que le vacarme et, satisfaits de leur tourmente postiche, ils eussent, à la rigueur, pu prétendre qu’ils égalaient les réelles, puisque, obtenant des « effets » pour ainsi dire analogues, leur tapage avait sur l’autre l’étourdissante supériorité de la permanence. Tels, donc, ils florissaient, tempétueux, tonitruants et prospères. Qu’importait le marasme où leur bon plaisir plongeait l’Île ! N’étaient-ils pas LIBRES, après tout, de dire, eux aussi… ce qui leur démangeait la langue ? En bonne justice, nul, au nom d’aucune loi dûment égalitaire, n’eût su le leur contester. De sorte que tout le reste des bêtes naïves de ce séjour dépérissait. Réduites, en effet, à ne sortir que de nuit pour vaquer à leur nourriture, pendant le sommeil des despotiques oiseaux, elles devenaient d’une anémie croissante : car manger tard ne profite guère, et rien n’est mauvais comme de faire de la nuit le jour. Au résumé, toutefois, les perroquets, – dont on ne doit pas oublier la relative inconscience foncière, – n’étaient que fort peu coupables des résultats moroses que causait, autour d’eux, leur passe-temps favori. Car, ce n’était pas exprès qu’ils avaient choisi ce bruit-là ! L’apogée où des circonstances les avaient portés – et qu’ils occupaient pour ainsi dire mordicus, – les rendait maubénins… d’emblée ! – Involontaires porphyrogénètes, ils répétaient, gravement, d’une voix forte, ce que leur position élevée leur conférait d’entendre. Encore étaient-ils plutôt juchés qu’élevés. Placés à hauteur convenable et selon l’éparpillement normal, ne sont-ce pas de fort intéressants volatiles, dont le plumage, surtout, par ses chatoiements, est fait pour séduire ?… Par un chaotique hasard, ceux-ci n’étaient pas, comme on dit, à leur place, voilà tout. Et, comme il entre en toute nature déplacée de devenir désagréable, parfois même criminelle, ils étaient devenus, naturellement, désagréables, et quelque peu criminels, – par simple ricochet : – ce dont ils se lavaient indifféremment les pattes, les jours de pluie et autres, en leur liberté impunie, en leur maligne irresponsabilité. De plus, le genre de bruit qu’ils proféraient ayant fini par les aguerrir, ils se piquaient, de temps en temps, entre les plumes, les uns les autres, comme si des lions ou des aigles se fussent vaguement rappelés en eux. – Pour conclure, changeant, à la longue, leur natal éden en un lieu d’ennui, d’horreur et de tristesse pour les autres, ils avaient fini par rendre l’Île inhabitable, sous le très spécieux prétexte qu’ils avaient « DU TALENT ». À ce céleste charivari se limitaient, d’ailleurs, les ressources de leur savoir-faire. – Une fois, en effet, un grand aigle avait effleuré, de son aile terrible, le sommet de leur habitacle : incident qui les avait comblés d’une telle épouvante qu’ils en gardèrent le silence durant deux heures. L’aigle, familier des rumeurs fulgurales, s’était approché, surpris des insolites éclats de leur tempête ; puis, les ayant entrevus, avait poussé un cri dédaigneux et s’était enfoncé dans l’espace. Or, ce cri, les perroquets l’avaient remarqué, l’avaient médité ! Il n’était pas tombé en des oreilles de sourds !… Et, quelque temps après, ils avaient essayé, à leur tour, de pousser de terrifiants cris d’aigles planant sur des proies. – Ah ! ce fut un beau jour, celui-là, pour les hôtes de cette Île singulière ! Quel jubilé ! Une trêve sembla conclue avec le ciel jusqu’alors inclément. C’est que, si les animaux peuvent être assez facilement abusés sur les bruits de la nature, en revanche ils discernent à merveille, entre eux, l’en-dedans de leurs voix, en reconnaissent le timbre intime : comment donc, cette fois, eussent-ils été dupes une seconde ? En la candeur de leur instinct, ils s’étaient dit, tout bonnement, en langue obscure : – Tiens, les perroquets sont dehors : il fera beau, cejourd’hui ! Aussi, toute la journée, pendant que nos emplumés sycophantes s’épuisaient à contrefaire les clameurs d’imminents aigles aux serres ouvertes se précipitant, farouches, sur toutes les têtes, l’on s’était, – sans même s’apercevoir du sujet de ces exercices, – enivré de soleil, d’herbées, de rosée et de fleurs. Une autre fois, les perroquets avaient voulu se faire les échos du rugissement, monté jusqu’à leur olympe, d’un sauvage lion des lointains, qui gourmandait sans doute le tonnerre de gronder de si saugrenue façon. Notre aréopage, hélas ! avait constaté, en cette nouvelle tentative, un insuccès égal, pour le moins, au précédent. Les affamés et féroces rugissements que les gosiers des plus hargneux kakatoès et des plus monstrueux aras s’efforçaient de produire, rassuraient, au contraire, délicieusement, comme simples pronostics de beau fixe, les plus pusillanimes d’entre les autres animaux. Il eût fallu voir ceux-ci s’ébattre encore, paisiblement, sous les ramures, en cette heureuse matinée, – mêlant leurs jeux et leurs amours ! L’on paissait à loisir ; la vie semblait charmante ; c’était une résurrection. Les perroquets, donc, en étaient revenus bien vite à leur orage, dont ils étaient plus sûrs et qu’ils falsifiaient en virtuoses, ayant eu le temps de le mieux étudier que le cri de l’aigle et le rugissement du lion, lesquels, – après tout, – n’intéressaient personne. L’on s’en tint là !… De temps à autre, l’on risquait bien quelque petit ressouvenir, – mais de si brève durée que les bêtes n’en ressentaient qu’en sursauts déçus les effets bienfaisants. L’Île fut donc replongée dans la désolation. Il semblait que le ciel ne décolérât pas. On gémissait des imaginaires intempéries que suggéraient sans trêve les talentueux jacquots, plagiaires et travestisseurs-jurés de la foudre. Une morne résignation pesait sur les organismes. Les perroquets, en étant même arrivés à ce degré de perfection de se démarquer les uns les autres, l’effet d’ensemble, dans l’imitation générale, était littéralement sans défaut. C’était l’ÉGALITÉ même. De plus, leur stagnance empestait la région. L’Île n’était plus tenable. Plusieurs d’entre les plus jeunes des bêtes se réfugiaient dans le suicide, ce qui ne s’était jamais vu. Mais, à la longue, cette déité aux yeux distraits et sagaces, qu’on nomme la Force des choses, résolut, au fond des hasards de sa vague pensée, de confronter les perroquets avec leur bruit quand même sacrilège, en les y ensevelissant. Elle trouva, comme toujours, son moment, pour purger ce lieu de lumière de leur écœurant fléau. Par un soir de feu, de trombe et de ténèbres, un soudain cyclone enserra l’Île. Flamboyant, sous ses ailes pluvieuses, il la fit d’abord sonner à coups de tonnerre ; puis, se ruant à travers la forêt, qu’effondrèrent ses rafales, la franchit, accrochant, de toutes parts, aux branches fracassées, mille crins de sa chevelure d’éclairs. Vu l’imprudente hauteur de l’arbre, un entrecroisement de foudres se concentra sur l’eucalyptus. Le lendemain, dès l’aube brillante, – dont le vaste de l’azur lavé s’éblouissait, – les animaux, rassérénés par l’accalmie, se répandirent, comme naguère, sous les frondaisons lourdes encore de la nuit diluviale, – et quelques-uns, en passant au pied du tronc foudroyé qui fumait dans la clairière, aperçurent de tous côtés, gisantes sur les gazons, plusieurs centaines de pattes carbonisées, vestiges tôt disparus des terrorisants rabat-joie. L’enveloppement d’un même trépas avait donc été, pour ceux-ci, l’unique témoignage qu’ils se fussent jamais donné de leur FRATERNITÉ, – encore que sans le vouloir et à leur insu. Cette fois, l’éclair ne leur avait même pas laissé le temps de le mépriser. Le tonnerre avait grondé pour de vrai. À dater de ce jour, ce fut un ravissement de vivre, une délivrance, un éden récupéré, dans ce désirable endroit. Les perroquets ultérieurs qui vinrent au jour dans l’Île, se trouvant moins dangereusement placés, pour eux et pour le prochain, que leurs honorables prédécesseurs, furent des plus aimables, ne gênèrent plus personne, – et, ne traduisant plus que de raisonnables murmures, furent écoutés avec plaisir, – avec le plus grand plaisir. Pour couper court à tout souvenir des ci-devant narrés tyrans de perchoir, désormais légendaires, que servirait, d’ores en avant, de reconnaître de quel mésentendu l’on fut victime ? – Leur nullité sereine, qui, si longtemps, de son néfaste et maléfique ramage, consterna, ne frappe-t-elle pas de tant d’insignifiance leur mémoire… QUE CELLE-CI NE VAUT PAS MIEUX D’ÊTRE MAUDITE QUE PARDONNÉE ?

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