Le lendemain matin, le soleil tapait sur la fenêtre et, malgré le rideau tiré, éclairait la pièce d'une jolie lueur dorée. Ce qui était assez paradoxal était sans doute le fait qu'il faisait froid. Ou du moins frais ! Il était vrai que j'étais habituée au temps chaud, l'hiver ne descendant pas sous la barre des zéros chez moi, mais ici ce n'était pas le cas et même si nous étions techniquement au printemps, le vent restait frais. J'en étais étonnée, car le pays était voisin au mieux, il ne devrait pas y avoir autant de différence ! Bref j'étais nue et j'avais froid !
- Il n'y a pas de chauffage dans cette f****e chambre ?
Il n'était pas dans mes habitudes de jurer, je laissais ça sans peine à mon frère qui le faisait en cachette de ma mère qui aurait toujours été capable de lui laver la bouche avec du savon. Mais j'avais si froid que j'en avais mal aux seins ! Ma flemme de la veille, je l'envoyais aimablement sur les roses ! Je me précipitais sur ma valise, sortant en vrac mes affaires pour y trouver mon bonheur. J'avais eu un sommeil de plomb et le froid n'avait pas réussi à me réveiller. Ma petite obsession de la veille n'était à présent qu'un petit moment de faiblesse sans importance. La fatigue avait réellement joué un rôle important dans ma pseudo panique. Et je n'y songeais plus après un simple revers de la main.
La journée s'annonçait assez jolie et j'avais envie de voir du pays ! Je pris soin de prendre mon manteau et mon sac à main, y glissant ma passe et sorti. Je ne savais pas trop ou, mais j'avais bien l'intention d'aller manger un bon petit déjeuner dehors. Normalement le service était compris dans la location de la chambre, mais j'avais furieusement envie de sortir. Après tout je n'étais pas venu ici pour rester enfermé.
Je descendis donc les étages en empruntant les escaliers, n'étant pas réellement fan des ascenseurs et pénétrait dans le grand hall qui, au contraire de la veille au soir, était plein a craqué et vivant. L'aspect de modernité de l'ensemble je me dirigeais vers la réception et un jeune homme de mon âge me sourit alors. Il lui manquait une dent et pour une raison étrange je n'arrivais pas à détacher mes yeux de cette fameuse manquante.
- Puis je vous aider miss ?
- Oui bonjour, j'occupe la chambre 23, et je me demandais si vous ne pourriez pas me conseiller un endroit sympa ou prendre un bon petit déjeuner.
- Bien sûr, si vous descendez la rue, juste avant de passer par le pont vous avez sur votre euh droite le Bar. Vous devriez y trouver votre bonheur ! sourit-il
Il mimait, mais cela semblait assez facile a trouvé. Je lui souris en retour de courtoisie et le remercie. Je fis mine de ne pas entendre l'invitation qu'il lança pour le midi même et je me sermonnai de ne pas porter de gants. Il était plus facile de cacher mon célibat si je cachais mon annulaire immaculé d'alliance ! Mais je jetais très vite ce petit incident aux oubliettes, rendant service à mon estomac qui criait encore famine. Je n'avais rien mangé de vraiment consistant depuis la veille au matin et je commençais à vraiment m'en montrer plus grognonne que d'ordinaire.
Je suivais les indications que l'on m'avait fournies et trouvais sans peine un petit endroit paradisiaque. Une véritable découverte ! En plein centre de la ville, je n'aurais pas pensé pouvoir tomber sur un tel sanctuaire, mais pourtant c'était le cas. Il y avait effectivement un cours d'eau qui courait, mais il était fin et peu profond. Il y avait cependant un pont qui le traversait, pouvant laisser un véhicule à la passer à la fois, rendant la circulation peu dense. Le long de l'eau, la nature avait pris possession des lieux, grimpant partout où elle avait pu, verdoyant et fleurissant l'ensemble des rambardes du fameux Bar où je m'apprêtais à entrer. J'étais enchanté à l'idée de manger sur la terrasse, certaine que des tables le long de la rivière je pourrais entendre sans mal l'eau couler.
J'entrais donc, ébloui par l'intérieur sobre et chaleureux de l'intérieur. Un gros poêle au centre de la grande pièce réchauffait toute la pièce. Le long comptoir couvrait une grande partie de l'entrée et laissait voir de suite les options du menu du premier coup d'œil ainsi qu'une affiche annonçant une soirée le soir même. Un long néon parcourait les murs café au lait comme ci il souhaiter présenter l'endroit d'un simple coup d'œil. Je remarquais d'ailleurs en le suivant l'estrade sur lequel reposait en silence une batterie. Je venais donc de trouver mon endroit préféré de tout le pays à n'en pas douter !
C'est donc très souriante que je me posais au comptoir pour commander. L'homme derrière discutait avec animation avec deux hommes auxquels je ne prêtais aucune attention. Il les délaissa de toute façon sans mal, s'approchant armé d'une poêle a frire...
- Un vrai petit déjeuner vous avez ? Je serais prête à payer le double !
L'endroit ravivant mon humour le fit éclater de rire. Il était grand et certes très beau, ma mère m'aurait sans doute poussé à le fixer droit dans les yeux avec un espoir qu'elle n'aurait pas caché. Mais rien ! Et puis de toute façon elle n'était pas là.
- Je peux vous servir une double ration de pain grillé avec des œufs brouillés si vous le souhaitez ! Je serais rapide ! ajout a-t-il avec un clin d'œil complice.
C'était un concept nouveau pour moi de manger des œufs si tôt, mais j'avais si faim que j'acquiesçai dans un grand sourire, lui demandant si je pouvais être servie sur la terrasse. Il me répondit positivement et sans demander mon reste j'allais découvrir le dehors du Bar.
C'était parfait ! Certes il faisait vraiment froid pour la petite touriste du Sud que j'étais, mais je me contenterais volontiers de mon manteau si cela me donnait le choix de m'apaiser ici. Je n'avais plus du tout l'impression de me trouver en ville, mais dans un coin à part. Le bruit de l'eau couvrait sans mal le bruit de circulation et l'air était chargé de l'odeur des fleurs qui pointaient le bout de leurs nez par ci et par là. Je choisis la table la plus proche de l'eau et m'installait, me lovant d'autant de chaleur que me proposait mon vêtement et fermais les yeux, regrettant amèrement de ne pas avoir pris mon cahier de notes avec moi. Mais je me promis de ne pas faire l'erreur deux fois ! Le barman revint très rapidement en portant un plateau qu'il déposa devant moi en me souhaitant bon appétit et je sautais sur mon repas. C'était un délice, l'endroit était magnifique, je me sentais bien bref, tout était parfait ! Tout aurait sans doute pu le rester, mais ce n'était apparemment pas dans les plans de Sonora.
Je me relevais, me dirigeant de nouveau vers le comptoir à l'intérieur avec l'intention de payer. Il y avait peu de monde, mais les deux hommes étaient toujours là et l'employé était encore une fois en pleine conversation avec eux. Mais apparemment cette dernière n'était pas des plus calme et mon regard fut alors irrémédiablement attiré vers eux.
Lorsque deux prunelles vertes croisèrent les miennes, le monde disparut autour de moi, me coupant le souffle. Je ne flottais pas, je sombrais ! J'avais tellement l'impression de les reconnaitre sans ne les avoir jamais vus, c'était si déroutant. Je reconnaissais tout de lui en cet instant et son identité m'en brisa les côtes avec une violence inouïe. La longue cicatrice qui barrait son visage était encore plus nette que sur le vieil écran de l'hôtel qui ne lui avait nullement rendu honneur et je ne pouvais pas détacher mon regard du sien. Je sentais bien mes lèvres trembler d'un milieu de sentiment refoulé et mon corps était totalement soumis au jugement de son attention.
Je trouvais une tonne de réponses a mes questions, mais de nouvelles naissaient m'agressant de toute part. Je venais de faire la rencontre la plus inattendue qui soit et quand l'information la plus capitale inonda ma conscience, je réagis enfin.
Tous les sons me revinrent d'un seul coup, brutalement sans me laisser le temps de m'accommoder de tous. Les choses venaient de changer définitivement pour moi et je ne savais pas du tout comment faire pour les appréhender. Je sentais alors mes yeux piquer. Je ne savais pas très bien si c'était parce que je n'avais pas cligné depuis un moment ou si les émotions m'étaient trop fortes pour les contenir, mais le fait de pouvoir rompre notre contact visuel m'aida à reprendre mes esprits. IL m'était absolument interdit de verser une seule larme ici et je jetais alors de quoi payer quatre repas et m'enfuis presque en courant.
Je serais bien incapable de savoir s’il m'avait reconnu, mais il était certain que moi oui. Je venais juste de trouver mon âme sœur et il s'agissait du roi du pays ! Cette phrase tournait en boucle dans ma tête, anesthésiant ma raison qui de toute façon paniquait autant que tout le reste à l'intérieur de moi. Je courrais vers l'hôtel et fonçai comme une furie dans les escaliers sans jeter un regard aux gens autour de moi. J'avais fait le trajet de retour presque machinalement et c'était tant mieux. Je jetai mon sac sur mon lit, le fixant stupidement sans bouger. Je ne l'avais pas fermé durant ma course folle et je devrais sans doute être reconnaissante du fait que je n'avais pas perdu ma portefeuille. Mais je m'en fichais, je ne serais sans doute pas retourné le chercher dans tous les cas.
Je venais de trouver mon âme sœur !
Je me fichais de cette portefeuille, même si était l'un des derniers cadeaux que ma grand-mère avait faits de ses mains. Elle ne m'avait pas laissé beaucoup de choses et mon petit étui était donc a mes yeux un véritable trésor.
Je venais réellement de trouver mon âme sœur.
Quel pourrait-être la réaction de ma mère si je lui annonçais que j'avais perdu la trousse de sa mère ? C'était sans doute moins grave que si je perdais la broche familiale, mais cela l'attristerait sans doute un peu. Ma mère était si proche de sa maman...
Je venais sans l'ombre d'un doute de le trouver lui
Je passais mes mains sur mon visage, remarquant enfin que je n'avais pas fermé la porte de ma chambre en rentrant et tentait alors de reprendre mes esprits. Je voulais faire le tri calmement, s’il m'était encore possible de le faire. Mon cœur qui tambouriner, semblait vouloir venir se joindre a la conversation, semblait ne pas pouvoir se calmer, mais il allait pourtant devoir le faire. Je pris une grande inspiration et repensa un instant a lui, refermant soigneusement la porte.
C'était si fou la manière dont un simple regard avait pu me happait de la sorte, rien que d'y penser je sentais encore ma respiration s'essouffler. C'était pourtant quelque chose que je ressentais comme positif. Comme si je venais de retrouver quelque chose que j'avais perdu depuis très longtemps. J'avais ce sentiment insondable de tout savoir de lui, mais paradoxalement je n'aurais rien sur dire de lui... Je ne savais même pas son prénom.
Cette information m'explosa une côte supplémentaire. Je me jetais vulgairement sur le lit, farfouillant dans mon sac pour trouver mon téléphone. Je devais savoir ! Je lançai l'application de recherche sur le web et tapait rapidement, amorçant une foule de fautes de frappe que mon cellulaire corrigea heureusement automatiquement et appuyer sur "Search". Je regardais la barre de recherche se charger lentement, mourant à petit feu à mesure que la barre de chargement avançait dans sa quête pour finalement presque le faire tomber quand il m'annonça ne pas avoir compris ma recherche et me suggérer une recette de riz de veau. Je relisais la bêtise que j'avais tapée, me maudissant moi-même et pris le temps de refaire la recherche convenablement.
"Aksel De Elksella"
Le prénom revenait de partout et je n'avais pas besoin de lire les articles ou vérifier les dates pour confirmer que li s'agissait bien de lui. J'étais déjà intimement persuadé que c'était le sien. Aksel. Sinora que j'aimais ce prénom...
Je me laissais abrutir dans mes draps, rassemblant les informations que j'avais de lui. C'est comme ça que LE détail qui aurait dû me faire tourner de l'œil me fit presque rendre mon repas. Il était marié ! Je ne comprenais pas trop. M'étais je trompé ? Non impossible, la certitude qui empoisonna mon cœur me prouvait le contraire et je n'avais jamais entendu parler d'un cas ou seulement une des deux personnes s'était liée... Il devait donc s'agir d'un mariage sans amour, quelque chose d'arranger... Voilà bien ma veine ! J'étais donc, si je résumais un peu ma merdique petite vie, condamné a supporter ma charmante belle sœur et regarder mon âme sœur de loin vivre un amour vide de sens avec une femme que j'aimerais brulais vive ?
Je remontais le téléphone jusqu'à mes yeux histoire de prêter attention a la femme aux côtés de mon âme sœur et m'en mordis les lèvres. Cette femme était d'une beauté sans pareil et je ne parlais même pas de sa grâce naturelle. Elle arborait un sourire doux qui devait sans doute emportait l'unanimité. Parfaite...
Mon portable traversa la pièce seul, je ne voulais pas en voir plus ! Même son nom me serait en ce moment insupportable de vérité. Je m'allongeais sur mon lit, réfléchissant à vive allure, attrapant les informations au vol avant de les mettre de côté. Qu'importe la manière dont je voyais les choses, je n'étais rien d'autre que du compliqué dans la vie de mon beau roux. Et c'était bien là les quatre lettres les plus dures de toute ma vie. RIEN.
Je me retournais en boudant, étouffant un cri de rage dans mon oreiller. Il fallait que je fasse quelque chose. Je ne savais pas encore très bien quoi, mais je devais agir ! Ou du moins, prendre une décision. L'espace d'un instant, j'envisageais de rentrer chez moi et reprendre ma petite vie telle que je l'avais laissé et ne plus jamais repensé a lui. Ou du moins essayé ! C'était peut être pas plus mal au final que je sache qui m'était normalement destiné, ainsi je pourrais faire ma vie sans attendre quelque chose de plus ! Ma famille comprendrait...
Appeler ma mère fut aussi une option ! Mais je ne voyais pas trop ce que je pourrais lui dire, enfin je pourrais très bien être honnête avec elle et elle m'aiderait a s'en arracher la peau, mais avais je réellement besoin de gérer les émotions et le mode lionne de mats mère en ce moment ? J'en doutais ! Je repensais alors au cadeau exceptionnel qu'ils m'avaient fait et me demandait vaguement si justement je ne devrais pas poursuivre comme pour utiliser ce temps la pour clore ce chapitre et puis reprendre mon train-train quotidien. Cherry me manquait... Tous mes bébés me manquaient !
Je soupirais, rétrogradant mon besoin de pleurer bien loin derrière dans mes options et repensa alors furtivement a Marthe et sa prédiction. Les pièces d'un puzzle dont je m'étais moqué la veille se mettaient en place et je trouvais l'ironie bien cruelle. La Seule, d'un seul. Oui de mon côté d'accord, mais ce n'était apparemment pas le cas du sien ! Et je n'allais certainement pas être le deuxième je ne sais quoi ! Une maitresse, c'était un rôle bien trop dégradant pour moi. Mais bon de toute façon je n'envisageais même pas de le revoir. Je convenais que croiser le roi du pays dans un Bar devait être quelque chose de très surprenant et d'exceptionnel, il s'agissait juste la d'un mauvais coup du destin. Maintenant que je savais, il m'était enlevé. À moi de faire avec.
Sans que je ne le veuille réellement, le sommeil emporta une bataille que je n'avais pas conscience de mener. Et la journée passa en un clin d'oeil. Mon aventure allait prendre une tournure bien étrange si je passais mon temps à dormir ! Mais bon je me sentais un peu mieux et moins déprimée.