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2007 Words
Je ne garde pas une bonne expérience de mon baptême de l'air. Je me demande comment les personnes qui passent leurs vies entre deux avions font. C'est tout bonnement insupportable. Avais-je le mal de l'air ? Je l'ignore mais je fus prise de douleurs au cœur durant tout le trajet. Chapelet à la main, je ne faisais que prier pour que l'on arrive rapidement à destination. Je n'ai même pas osé aller aux toilettes. Dès que le pilote annonça que nous allions enfin atterrir, je dis tout bas : MOI : ALHAMDOULILAH. Je pris mes bagages calmement en laissant les gens se bousculaient avant de descendre à mon tour. Dans le bus, il y avait pleins de personnes qui ne cessaient de me toiser. Avaient-ils deviné que c'était la toute première fois que je prenais l’avion? Était-ce si flagrant ? Mon école m'avait envoyée un email pour me donner le nom de la personne qui viendrait me récupérer. C'était le chauffeur de l'école. Il se prénommait Maxime Pelletier. Il tenait une pancarte où mon prénom était très mal écrit. Mais je compris qu'il s'agissait de moi. Il sourit quand il vit que je lui fis signe de la main. Il prit mes bagages, les mit dans un chariot, puis me tendit la main pour me saluer. Je fis une moue afin de lui faire comprendre que je ne pouvais la lui donner. Gêné, il me demanda poliment : -MAXIME : Avez-vous fait bon voyage Mme ? -MOI (timidement) : Oui, merci beaucoup. -MAXIME : Il fait très froid, hein. Vous ne devez pas être habitué à ce climat. Vous êtes originaire de quel pays d'Afrique? Il était bavard. Je venais de faire des heures de vol. J'étais lessivée et en plus, je suis extrêmement timide et sortir beaucoup de mots à la fois de ma bouche, est tout simplement une t*****e. -MOI : Je suis sénégalaise. -MAXIME : Ah ok, je vois. Parait-il que c'est un très beau pays et qu'il y a du soleil pratiquement toute l'année. -MOI : Oui c'est vrai. Je fis mine de commencer à somnoler. Je fermai les yeux et avais hâte d'arriver à la résidence de l'école, ranger mes affaires et prendre un bon bain chaud. Une fois devant l'établissement, je fus charmée. L'architecture date du XVIème siècle. Il y a un énorme jardin avec des bancs, des tables en bois pour déguster son repas à l'extérieur, une cantine, un terrain de foot, un terrain de basket, et d'handball. Le chauffeur me fit une visite rapide des lieux avant qu'il ne me montre enfin ma chambre. Elle était grande, avec deux lits, deux armoires, deux tables pour étudier, un balcon, un coin kitchenette et une salle de bain. Ma coloc n'était apparemment pas encore là. D'après les informations que j'avais pu obtenir, c'était une Ivoirienne. Je rangeai mes affaires tranquillement avant d'aller prendre une bonne douche. Après m'être habillée, je me mis au balcon histoire de voir ce qui se passait à l'extérieur. Ils avaient l'air de tous se connaitre. Alors que je les espionnai, j'entendis une voix criait : -LA VOIX : Regardez, il y a une nouvelle. Ils se retournèrent tous et regardèrent en haut. Affolée, je fermai les volets et courut m'asseoir sur mon lit. Je n'avais pas encore de numéro téléphone mais heureusement que le code du WIFI avait été marqué sur une feuille de papier avec le règlement intérieur de la résidence, que je pris le temps de bien lire. Je téléphonai alors à mes parents : -MOI : Maman, c'est moi. Je suis bien arrivée. -MA MERE : Alhamdoulilah. Nous commencions à nous faire du souci, ton père et moi. -MOI : Comment vont les filles ? -MA MÈRE : Elles sont tristes mais elles s'en remettront. Ce sont de grandes filles. -MOI : Ok, je te laisse maman. Bien des choses à papa. -MA MÈRE : Ok ma fille. Dieu te garde. Alors que j'étais allongée sur mon lit, j'entendis quelqu'un ouvrir ma porte. C'était ma coloc. Elle me regarda avec un grand sourire puis me dit : -NELLY : Ah ça c'est ma nouvelle sœur. Je suis ravie de te connaitre. Je m'appelle Nelly Diokri et je suis ivoirienne. Comment tu t'appelles ? -MOI (timidement) : Je m'appelle Zainab Tall et je suis Sénégalaise. Ma coloc avait l'air d'être une personne super agitée et dynamique. Alors que je m'allongeai à nouveau afin de dormir, Nelly souleva ma couette puis me dit : -NELLY : Mais qu'est-ce que tu fais ? Ne me dis pas que tu dors ? Il y a une grande soirée de bienvenu ce soir alors pas question de dormir. Il faut que l'on regarde quoi mettre. Je me mis à la fixer. Elle était sérieuse là ? Moi en soirée ? -MOI : Je n'ai jamais mis les pieds en soirée. Ce sera sans moi. Mon voile ne me le permet pas en plus. Maintenant c'est elle qui me regardait bizarrement puis me dit avec son accent : -NELLY: Pardon, tu ne sais pas ce que tu rates. Nous avons tous hâte de cette soirée chaque année. Tu peux venir sans danser hein. Comme ça au moins tu sauras comment ça se passe. -MOI : Non je ne peux pas. Tu me raconteras ok ? -NELLY : D'accord, je ne vais pas trop insister car façon dont tu parles là, je sens que tu es sérieuse. Alors dis-moi, as-tu un petit ami ? Moi oui, il est à l'université. Nous sortons ensemble depuis bientôt deux ans. Je suis folle de lui. -MOI : Non je ne suis jamais sortie avec quelqu'un. Par contre, j'ai un fiancé. -Nelly: Ah la discussion commence à être intéressante. Donc toi tu as directement sauté le cap de petit copain pour te fiancer, je ne te suis plus là. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sentais en confiance avec Nelly. Je suis de nature méfiante mais avec elle, j'avais envie de baisser ma garde. Je lui racontai alors tout. Elle fut choquée. Elle était persuadée que les histoires de mariage forcé ou arrangé étaient révolues. Afin de changer de sujet, je lui posai des questions sur sa relation amoureuse : -MOI : Parles-moi de ton copain. -Nelly : Il s'appelle Roger. C'est le grand frère de ma meilleure amie. Nous sortons ensemble depuis deux ans, il est adorable. Il viendra ce soir donc je te le présenterai. Tu sais quoi ? Enfile ton manteau qu'on aille faire un tour dehors. Ça te fera du bien. Elle avait raison. Marcher et sortir me feraient du bien mais encore, je voudrai avoir une idée du regard que les gens porteront sur moi avec mon voile. Je mis mon manteau et remis mon hijab avant de suivre Nelly qui elle, connaissait l'école par cœur. Contrairement à moi, elle avait intégré cet établissement depuis la sixième secondaire. D'après ce que j'avais cru comprendre, la mère de Nelly est mariée à un canadien plein aux as, raison pour laquelle elle avait intégré cette école de gosse de riche. Son beau-père est plus âgé que sa mère de 20 ans. Ce mariage avait suscité beaucoup de polémiques, surtout au niveau de la bourgeoisie canadienne. La différence étant énorme, tout le monde disait qu'Yvette, la mère de Nelly s'était mariée uniquement par intérêt. Son mari était quelqu'un qui avait fait fortune dans le monde de l'immobilier depuis les années 80. Aujourd'hui sa société possède et gère un parc immobilier de près de 20 millions de pieds carrés et plus de 250 propriétés à travers le Canada et les États-Unis. Maintenant qu'il est devenu vieux, ce sont ses enfants nés d'un premier mariage qui ont repris le flambeau... Malgré le froid, les élèves étaient très nombreux dans le jardin. Ils s'étaient assis par groupe et discutaient bruyamment. Nelly saluait presque tout le monde au passage. Tout le monde me jetait des regards indiscrets. Elle m'expliqua que c'est parce que c'était la toute première fois qu'une élève de cette école portait le hijab. Cela me mit très mal à l'aise car je n'étais pas habituée à être le centre d'attention de tout le monde, et pas dans le bon sens cette fois-ci. J'étais plus comme un sujet de curiosité. -MOI : Nelly, je vais retourner dans la chambre. Je n'aime que tous les regards soient braqués sur moi de la sorte, c'est gênant. -Nelly : Tu verras que demain ils seront passés à autre chose. C'est le début. Ne fais pas attention. Je m'avançai rapidement laissant Nelly derrière afin de retourner au sein de la résidence. Je marchais tête baissée afin de fuir les regards ; Et c'est là qu'un ballon de basket déboula de nulle part et toucha mon épaule. J'entendais des gens rire autour de moi ; Deux garçons bien blancs vinrent vers moi. Le premier me dit : -MARTIN : Vous auriez pu éviter de vous prendre la balle, si vous aviez levé la tête en marchant ! -ADAMS : Martin arrête de faire le c*n. Ce qu'il voulait dire c'est qu'il est désolé. Il a oublié ses bonnes manières. Je m'appelle Adams, Adams Roy. Il me tendit la main mais je la déclinai poliment. Ma colloc qui discutait avec une de ses amies vint vers nous. Elle expliqua à cet Adams que je n'avais pas le droit de donner la main aux hommes. Martin s'étouffa de rire; Adams lui s'excusa, reprit sa balle et alla reprendre son match de basket. Nelly me tira rapidement par la main et, une fois arrivées dans notre chambre elle se mit à crier : -NELLY: Mais ma chérie, tu as frappé fort. Dès le premier jour tu fais la connaissance d'Adams. Je suis bluffée. J'étais perdue. Je ne comprenais pas en quoi le fait de faire la connaissance de ce garçon était si important. -MOI : En quoi est-ce si extraordinaire ? -NELLY : Tu rigoles ou quoi ? Non seulement c'est l'un des dignes héritiers de la famille Roy de Roy Technologie, mais en plus, c'est le mec avec qui tout le monde veut sortir. -MOI : Ah ok, je vois. Je le dis d'une voix tremblante car, même si je ne l'avais pas avoué à Nelly, j'avais apprécié la manière dont il s'était comporté avec moi. Il commençait à faire tard. Alors que Nelly se préparait pour la soirée de bienvenu, moi je lisais tranquillement un livre après avoir prié. Je ne sais pas comment ils feraient tous pour aller en soirée alors que les cours sont censés débuter demain matin. Etais-je la seule personne réfléchie dans cette école ? Je ne pouvais me permettre aucun écart. Contrairement à toutes ces personnes, je n'étais pas la fille d'un milliardaire. J'avais atterri ici uniquement à cause de mes brillants résultats scolaires et de la volonté divine. On frappa doucement à la porte. Nelly alla ouvrir, c'était Roger, son petit ami. Il lui fit un bisou sur la bouche et s'en firent d'autre avant d'entrer. Mes parents m'auraient renvoyé directement au Sénégal, s'ils avaient pu imaginer un seul instant la scène qui venait de se passer en ce moment. Nelly me présenta Roger qui était également Ivoirien, mais né au Canada. Il fut étonné de savoir que je ne serai pas de la partie. Nelly me fit un câlin avant de s'en aller. Je fermai la porte à double tour et me remit à lire tranquillement. La lecture m'apaisait et m'aidait à m'évaser. C'est fou ce que les éducations peuvent différer d'une famille à une autre. Nelly et moi avions le même âge, elle va en soirée, a un petit copain et flirte même avec ; Pendant ce temps-là, ma famille m'a inculquée que le seul homme qu'une femme doit embrasser ou fréquenter, c'est son mari. Je n'ose même pas regarder un homme dans les yeux. Pendant que toute l'école fait la fête, moi je lis. Monotone et pathétique hein ? C'est mon quotidien. Bon, il commence à faire tard. Je vais baisser les stores et dormir. Demain est autre jour.
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