Nous étions assis sur le canapé : nous babillions, car Mme Dinville était grande babillarde. Suzon était à sa droite, j’étais à sa gauche, Suzon regardait dans le jardin et Mme Dinville me regardait ; elle s’amusait à me défriser, à me pincer la joue, à me donner de petits soufflets ; moi, je m’amusais à la regarder, à lui mettre la main, d’abord en tremblant, sur le col ; ses manières aisées, me donnaient beau jeu ; j’étais effronté ; la dame ne disait mot, me regardait, riait, et me laissait faire. Ma main, timide dans les commencements, mais devenue plus hardie par la facilité qu’elle trouvait à se satisfaire, descendait insensiblement du col à la gorge, et s’appesantissait avec délices sur un sein dont la fermeté élastique la faisait tant soit peu rebondir. Mon cœur nageait dans la joie ; déjà je tenais dans la main une de ces boules charmantes que je maniais à souhait. J’allais y mettre la bouche ; en avançant on arrive au but. J’aurais, je crois, poussé ma bonne fortune jusqu’où elle pouvait aller, quand un maudit importun, le bailli du village, vieux singe envoyé par un démon jaloux de mon bonheur, se fît entendre dans l’antichambre. Mme Dinville, réveillée par le bruit que fit cet original en arrivant, me dit : Que faites-vous donc, petit fripon ? Je retirai la main précipitamment ; mon effronterie ne tint pas contre un pareil reproche ; je rougis, je me croyais perdu. Mme Dinville, qui voyait mon embarras, me fit sentir, par un petit soufflet qu’elle accompagna d’un sourire charmant, que sa colère n’était que pour la forme, et ses regards me confirmèrent que ma hardiesse lui déplaisait moins que l’arrivée de ce vilain bailli.
Il entra : l’ennuyeux personnage ! Après avoir toussé, craché, éternué, mouché, il fit sa harangue, plus ennuyeuse encore que sa figure. Si nous en eussions été quittes pour cela, ce n’aurait été que demi-mal ; mais il semblait que le maraud eût donné le mot à tous les importuns du village, qui vinrent tour à tour faire un salamalec. J’enrageais. Quand Mme Dinville eut répondu à bien des sots complimenteurs, elle se tourna de notre côté et nous dit : Ah ça ! mes chers enfants, vous reviendrez demain dîner avec moi : nous serons seuls. Il me sembla qu’elle affectait de jeter sur moi les yeux en disant ces derniers mots. Mon cœur trouvait son compte dans cette assurance, et je sentis que, sans faire tort à mon penchant, mon petit amour propre ne laissait pas d’être flatté. – Vous viendrez, entendez-vous, Suzon ? continua Mme Dinville, et vous amènerez Saturnin ; c’était le nom que portait alors votre serviteur. Adieu, Saturnin, me dit-elle en m’embrassant. Pour le coup, je ne fus en reste de rien avec elle. Nous sortîmes.
Je me sentais dans une disposition qui assurément m’aurait fait honneur auprès de Mme Dinville, sans la visite imprévue de ces ennuyeux complimenteurs ; mais ce que je sentais pour elle n’était pas de l’amour, ce n’était qu’un désir v*****t de faire avec une femme la même chose que j’avais vu faire au père Polycarpe avec Toinette. Le délai d’un jour que Mme Dinville m’avait donné me paraissait immense. J’essayai, chemin faisant, de remettre Suzon sur les voies, en lui rappelant l’aventure de la veille. – Que tu es simple, Suzon ! lui dis-je. Tu crois donc que je voulais te faire du mal hier ? – Que voulais-tu donc me faire ? répondit-elle. – Bien du plaisir. – Quoi ! reprit-elle avec une apparence de surprise, en me mettant la main sous la jupe tu m’aurais fait bien du plaisir ? – Assurément ; si tu veux que je t’en donne la preuve, lui dis-je, viens avec moi dans quelque endroit écarté. Je l’examinais avec inquiétude ; je cherchais sur son visage quelques marques des effets que devait produire ce que je lui disais : je n’y voyais pas plus de vivacité qu’à l’ordinaire. Le veux-tu bien ? dis, ma chère Suzon, continuais-je en la caressant, – Mais, encore, reprit-elle sans faire semblant d’entendre la proposition que je lui faisais, qu’est-ce donc que ce plaisir dont tu me fais tant d’éloges ? – C’est, lui répondis-je, l’union d’un homme avec une femme qui s’embrassent, qui se serrent bien fort et qui se pâment en se tenant étroitement serrés de cette façon. Les yeux toujours fixés sur le visage de ma sœur, je ne laissais échapper aucun des mouvements qui l’agitaient ; j’y voyais la gradation insensible de ses désirs, sa gorge bondissait. – Mais, me dit-elle avec une naïveté curieuse qui me paraissait de bonne augure, mon père m’a quelquefois tenu comme tu le dis, sans sentir cependant ce plaisir que tu me promets. – C’est, repartis-je, qu’il ne te faisait pas ce que je voudrais te faire. – Et que voudrais-tu donc me faire ? me demanda-t-elle d’une voix tremblante. – Je te mettrais, lui répondis-je effrontément, quelque chose entre les cuisses qu’il n’osait pas te mettre. Elle rougit, et me laissa, par son trouble, la liberté de continuer en ces termes : Vois-tu, Suzon, tu as un petit trou ici, lui dis-je en lui montrant l’endroit où j’avais vu la fente de Toinette. – Eh ! qui t’a dit cela ? me demanda-t-elle sans lever les yeux sur moi. – Qui me l’a dit, repris-je assez embarrassé de sa question, c’est q… c’est que toutes les femmes en ont autant. – Et les hommes ? poursuivit-elle. – Les hommes, lui répondis-je, ont une machine à l’endroit où vous avez une fente. Cette machine se met dans cette fente, et c’est là ce qui fait le plaisir qu’une femme prend avec un homme. Veux-tu que je te fasse voir la mienne ? mais à la condition que tu me laisseras toucher à ta petite fente : nous nous chatouillerons, et nous serons bien aises.
Suzon était toute rouge. Les discours que je lui tenais paraissaient la surprendre ; il semblait qu’elle eût peine à m’en croire ; elle n’osait me laisser mettre la main sous sa jupe, dans la crainte, disait-elle, que je ne voulusse la tromper et que je n’allasse tout déclarer. Je l’assurai que rien au monde ne serait capable de m’en arracher l’aveu, et, pour la convaincre de cette différence que je lui disais se trouver entre nous deux, je voulus lui prendre la main ; elle la retira, et nous continuâmes notre entretien jusqu’à la maison.
Je voyais bien que la petite friponne prenait goût à mes leçons, et que si je la trouvais encore une fois cueillant des fleurs, il ne me serait pas difficile de l’empêcher de crier. Je brûlais d’envie de mettre la dernière main à mes instructions et d’y joindre l’expérience.
À peine étions nous entrés dans la maison que nous vîmes entrer le père Polycarpe ; je démêlai le motif de sa visite : je n’en doutai plus quand sa révérence eut déclaré d’un air aisé qu’elle venait prendre le dîner de famille. On croyait Ambroise bien loin ; il est vrai qu’il ne les gênait guère, mais on est toujours bien aise d’être débarrassé de la présence d’un mari, quelque commode qu’il soit. C’est toujours un animal de mauvais augure. Je ne doutai pas que je n’eusse après-midi le même spectacle que j’avais eu la veille, et sur le champ je formai le dessein d’en faire part à Suzon. Je pensais, avec raison, qu’une pareille vue serait un excellent moyen pour avancer mes petites affaires avec elle ; je ne lui en parlai pas. Je remis cette épreuve à l’après-dînée, bien résolu à n’employer ce moyen qu’à l’extrémité, comme un corps de réserve décisif pour une action.
Le moine et Toinette ne se gênaient pas en notre présence : ils nous croyaient des témoins peu dangereux. Je voyais la main gauche du père se glisser mystérieusement sous la table et agiter les jupes de Toinette, qui lui souriait et me paraissait écarter les cuisses pour laisser apparemment le passage plus libres aux doigts libertins du paillard moine.
Toinette avait de son côté une main sur la table, mais l’autre était dessous et rendait vraisemblablement au père ce que le père lui prêtait. J’étais au fait. Les plus petites choses frappent un esprit prévenu. Le révérend père chopinait de bonne grâce ; Toinette lui répondait sur le même ton ; ses désirs parvinrent bientôt au point d’être gênés par notre présence : elle nous le fît connaître en nous conseillant, à ma sœur et à moi, d’aller faire un tour dans le jardin ; j’entendis ce qu’elle voulait nous dire. Nous nous levâmes aussitôt, et leur laissâmes, par notre départ, la liberté de faire autre chose que glisser les mains sous la table. Jaloux du bonheur que notre départ allait les mettre en état de goûter, je voulus encore essayer de venir à bout de Suzon sans le secours du tableau que je devais offrir à ses regards. Je la conduisis vers une allée d’arbres dont l’épais feuillage faisait une obscurité qui promettait beaucoup d’assurances à mes désirs. Elle s’aperçut de mon dessein, et ne voulut pas m’y suivre.
– Tiens, Saturnin, me dit-elle, ingénument, je vois que tu veux encore m’entretenir de cela ; et bien, parlons-en. – Je te fais donc plaisir, répondis-je, quand j’en parle ? Elle me l’avoua. Juge, lui dis-je, ma chère Suzon par celui que mes discours te donnent, de celui que tu aurais… Je ne lui en dis pas davantage : je la regardais, je tenais sa main, que je pressais contre mon sein. – Mais, Saturnin, me dit-elle, si… cela allait faire du mal ?
– Quel mal veux-tu que cela fasse ? lui répondis-je, charmé de n’avoir plus qu’un aussi faible obstacle à détruire ; aucun, ma chère petite ; au contraire. – Aucun, reprit-elle en rougissant et en baissant la vue, et si j’allais devenir grosse ? Cette objection me surprit étrangement. Je ne croyais pas Suzon si savante, et j’avoue que je n’étais pas en état de lui donner une réponse satisfaisante. – Comment donc, grosse ? lui dis-je ? est-ce que c’est comme cela que les femmes deviennent grosses, Suzon ? – Sans doute, me répondit-elle, d’un ton d’assurance qui m’effraya. – Et où l’as-tu donc appris ? lui demandais-je, car je sentais bien que c’était à son tour à me donner des leçons. Elle me répondit qu’elle voulait bien me le dire, mais à condition que je n’en parlerais de ma vie. – Je te crois discret, Saturnin, ajouta-t-elle, et si tu étais capable d’ouvrir jamais la bouche sur ce que je vais te dire, je te haïrais à la mort. Je lui jurai que jamais je n’en parlerais. Asseyons-nous ici, poursuivit-elle en me montrant un gazon où l’on n’était à l’aise que pour causer sans être entendus. J’aurais bien mieux aimé l’allée ; nous n’y aurions pas été vus ni entendus. Je la proposai de nouveau, elle n’y voulu pas venir.
Nous nous assîmes sur le gazon, à mon grand regret ; pour comble de malheur, je vis arriver Ambroise. N’ayant plus d’espérance pour cette fois, je pris mon parti. L’agitation où me mit le désir d’apprendre ce que devait me dire Suzon fit diversion à mon chagrin.
Avant de commencer, Suzon exigea encore de nouvelles assurances de ma part : je les lui donnai avec serment. Elle hésitait, elle n’osait encore ; je la pressai si fort qu’elle se détermina. – Voilà qui est fait, me dit-elle, je t’en crois, Saturnin ; écoute, tu vas être étonné de ma science, je t’en avertis. Tu croyais m’apprendre quelque chose tantôt, j’en sais plus que toi : tu vas le voir ; mais ne crois pas pour cela que j’aie moins pris de plaisir à ce que tu m’as dit : on aime toujours à entendre parler de ce qui flatte. – Comment donc ! tu parles comme un oracle ; on voit bien que tu as été au couvent. Que cela façonne une fille ! – Oh ! vraiment, me répondit-elle, si je n’y avais jamais été, j’ignorerais bien des choses que je sais. – Eh ! dis-le-moi donc ce que tu sais, repris-je vivement ; je meurs d’envie de l’apprendre.
Il n’y a pas longtemps, continua Suzon, que, pendant une nuit fort obscure, je dormais d’un profond sommeil ; je fus réveillée en sentant un corps tout nu qui se glissait dans mon lit ; je voulus crier, mais on me mit la main sur la bouche, en me disant : Tais-toi ; je ne veux pas te faire de mal ; est-ce que tu ne reconnais pas la sœur Monique ? Cette sœur venait, depuis peu, de prendre le voile de novice ; c’était ma meilleure amie. – Jésus, lui dis-je, ma bonne, pourquoi donc venir me surprendre dans le lit ? – C’est que je t’aime ! me répondit-elle en m’embrassant. – Et pourquoi êtes-vous toute nue ? – C’est qu’il fait si chaud que ma chemise même est trop pesante ; il tombe une pluie terrible ; j’ai entendu le tonnerre qui grondait : j’en ai bien peur ; ne l’entends-tu pas aussi ? Quel bruit il fait ! Ah ! serre-moi bien fort, mon petit cœur ; mets le drap par-dessus notre tête pour ne pas voir ces vilains éclairs. Là, bon ! Ah ! ma chère Suzon, que j’ai peur ! Moi, qui ne crains pas le tonnerre, je tâchais de rassurer la sœur, qui, pendant ce temps-là, me passait sa cuisse droite entre les miennes et sa gauche par-dessous, et, dans cette posture, elle se frottait contre ma cuisse droite, en me mettant la langue dans la bouche et me donnant de petits coups sur la fesse avec la main. Après qu’elle se fut un peu remuée de cette façon-là, je crus sentir qu’elle me mouillait la cuisse. Elle poussait des soupirs : je m’imaginais que c’était la peur du tonnerre qui faisait cela. Je la plaignais ; mais bientôt elle reprit sa posture naturelle. Je croyais qu’elle allait s’endormir, et je me préparais à en faire autant, quand elle me dit : Tu dors donc, Suzon ? Je lui répondis que non, mais que j’allais bientôt le faire. – Tu veux donc, reprit-elle, me laisser mourir de frayeur ? Oui, je mourrai si tu te rendors ; donne-moi la main, ma chère petite : donne. Je me laissai prendre la main, qu’elle porta aussitôt à sa fente, en me disant de la chatouiller avec mon doigt dans le haut de cet endroit. Je le fis par amitié pour elle. J’attendais qu’elle me dît de finir, mais elle ne disait mot, écartait seulement les jambes et respirait un peu plus vite qu’à l’ordinaire, en jetant de temps en temps quelques soupirs et en remuant le derrière. Je crus qu’elle se trouvait mal, et je cessai de faire aller le doigt. – Ah ! Suzon, me dit-elle d’une voix entrecoupée, achève ! Je continuai. Ah ! s’écria-t-elle en s’agitant bien fort et en m’embrassant étroitement, dépêche, ma petite reine, dépêche ! Ah ! ah ! vite, ah !… je me meurs ! Au moment qu’elle disait cela, tout son corps se roidit et je me sentis de nouveau la main mouillée ; enfin, elle poussa un grand soupir et resta sans mouvement. Je t’assure, Saturnin, que j’étais bien étonnée de tout ce qu’elle me faisait faire. – Et tu n’étais pas émue ? lui dis-je. – Oh ! que si, me répondit-elle ; je voyais bien que tout ce que je venais de lui faire lui avait donné beaucoup de plaisir, et que si elle voulait m’en faire autant j’en aurais beaucoup aussi ; mais je n’osais le lui proposer. Elle m’avait cependant mise dans un état bien embarrassant. Je désirais et je n’osais lui dire ce que je désirais : je remettais avec plaisir la main sur sa fente ; je prenais la sienne, que je portais, que je faisais reposer sur différents endroits de mon corps, sans oser pourtant la mettre sur le seul où je sentais que j’en avais besoin. La sœur, qui savait aussi bien que moi ce que je lui demandais, et qui avait la malice de me laisser faire, eut à la fin pitié de mon embarras et me dit en m’embrassant : Je vois bien, petite coquine, ce que tu veux. Aussitôt elle se couche sur moi, je la reçois dans mes bras. – Ouvre un peu les cuisses, me dit-elle. Je lui obéis. Elle me coule le doigt où le mien venait de lui faire tant de plaisir : elle répétait elle-même les leçons qu’elle m’avait données. Je sentais le plaisir monter par degré et s’accroître à chaque coup de doigt qu’elle donnait. Je lui rendais en même temps le même service. Elle avait les mains jointes sous mes fesses ; elle m’avait avertie de remuer un peu le derrière, à mesure qu’elle pousserait. Ah ! qu’elle semait de délices dans ce charmant badinage ! Mais elles n’étaient que le prélude de celles qui devraient suivre. Le ravissement me fit perdre toute connaissance ; je demeurai pâmée dans les bras de ma chère Monique. Elle était dans le même état : nous étions immobiles. Je revins ensuite de mon extase. Je me trouvai aussi mouillée que la sœur, et ne sachant à quoi attribuer un pareil prodige, j’avais la simplicité de croire que c’était du sang que je venais de verser ; mais je n’en étais pas effrayée, au contraire ; il semblait que le prodige que je venais de goûter m’eût mise en fureur, tant je me sentais envie de recommencer. Je le dis à Monique ; elle me répondit qu’elle était lasse et qu’il fallait attendre un peu. Je n’en eus pas la patience et je me mis sur elle, comme elle venait de se mettre sur moi. J’entrelaçai mes cuisses dans ses cuisses, et me frottant comme elle l’avait fait, je retombais en extase. – Eh bien, me dit la sœur chargée des témoignages que je lui donnais du plaisir que je ressentais, es-tu fâchée, Suzon, que je sois venue dans ton lit ? Oui, je gage que tu me veux du mal d’être venue te réveiller. – Ah ! lui répondis-je, que vous savez bien le contraire ! Que pourrais-je vous donner pour une nuit aussi charmante ? – Petite coquine, reprit-elle en me baisant, va, je ne te demande rien : n’ai-je pas eu autant de plaisir que toi ? Ah ! que tu viens de m’en faire goûter ! Dis-moi, ma chère Suzon, poursuivit-elle, ne me cache rien : n’avais-tu jamais pensé à ce que nous venons de faire ? Je lui dis que non. Quoi ! reprit-elle, tu ne t’étais jamais mis le doigt dans ton petit conin ? Je l’interrompis pour lui demander ce qu’elle entendait par ce mot. Eh ! c’est cette fente, me répondit-elle, où nous venons de nous chatouiller. Quoi ! tu ne savais pas encore cela ? Ah ! Suzon, à ton âge, j’en savais plus que toi. – Vraiment, lui répondis-je, je n’avais garde de goûter de ce plaisir. Vous connaissez le père Jérôme, notre confesseur : c’est lui qui m’en a toujours empêchée. Il me fait trembler quand je me confesse ; il ne manque pas de me demander exactement si je ne fais pas d’impuretés avec mes compagnes, et il me défend surtout d’en faire sur moi-même. J’ai toujours eu la simplicité de l’en croire ; mais je sais à présent à quoi m’en tenir sur ses défenses. – Et comment, me dit Monique, t’explique-t-il ces impuretés qu’il te défend de faire sur toi-même ? – Mais, lui répondis-je, il me dit, par exemple, que c’est quand on se met le doigt où vous savez, quand on se regarde les cuisses, la gorge. Il me demande si je ne me sers pas de miroir pour m’examiner autre chose que le visage. Il me fait mille autres questions semblables. – Ah ! le vieux coquin ! s’écria Monique ; je gage qu’il ne cesse de t’entretenir de cela. – Vous me faites, dis-je à la sœur, prendre garde à certaines actions qu’il fait pendant que je suis dans son confessionnal et que j’ai toujours prises sottement pour des marques d’amitié. Le vieux scélérat ! J’en connais à présent le motif. – Eh ! quelles actions donc ? me demanda vivement la sœur. – Ces actions, lui répondis-je, c’est de me b****r à la bouche, en me disant de m’approcher pour qu’il entende mieux, de me considérer attentivement la gorge pendant que je lui parle, de m’y mettre la main dessus, et de me défendre de la montrer, sous prétexte que c’est un acte de coquetterie ; et malgré ses sermons il ne tire pas sa main, qu’il avance de plus en plus sur mon sein, et pousse même quelquefois jusqu’à mes tétons. Quand il l’ôte, c’est pour la porter aussitôt sous sa robe, qu’il remue avec de petites secousses. Il me presse alors entre ses genoux ; il m’approche avec sa main gauche, il soupire, ses yeux s’égarent ; il me b***e plus fort qu’à l’ordinaire, ses paroles sont sans suite ; il me dit des douceurs et me fait des remontrances en même temps. Je me souviens qu’un jour, en retirant la main de dessous sa robe pour me donner l’absolution, il me couvrit toute la gorge de quelque chose de chaud qui se répandit par petites gouttes. Je l’essuyai au plus vite avec mon mouchoir, dont je n’ai pas pu me servir depuis. Le père, tout interdit, me dit que c’était de la sueur qui coulait de ses doigts. Qu’en pensez-vous, ma chère Monique ? dis-je à la sœur. – Je te dirai tout à l’heure ce que c’était, me répondit-elle. Ah ! le vieux pécheur ! Mais sais-tu bien, Suzon, continua-t-elle, que tu viens de me conter ce qui m’est arrivé avec lui ? – Comment donc, lui dis-je, vous ferait-il aussi quelque chose à vous ? – Non, assurément, me répondit-elle, car je le hais à la mort, et je ne vais plus à lui depuis que je suis devenue plus savante. – Et comment avez-vous donc appris, lui demandais-je, à connaître ce qu’il vous faisait ? – Je consens à te le dire, me répondit la sœur ; mais sois discrète, car tu me perdrais, ma chère Suzon.