Chapitre 1 : Ombres sur le passé
Elise
Je marchais lentement dans les rues désertes de la ville, mes pas presque inaudibles sur les pavés humides. La nuit était tombée depuis quelques heures déjà, une brume légère enveloppant les bâtiments comme un voile spectral. Mes pensées se mêlaient à l’obscurité qui m’entourait. L’air était frais, presque glacial, mais je ne ressentais pas le froid. Cela faisait trop longtemps que j’errais sans but, que ce soit dans la ville ou dans mon propre esprit.
Je m’arrêtai devant une vieille librairie, les lettres en métal de l’enseigne presque effacées par le temps. L'endroit avait un charme discret, un peu moribond, comme si les années l'avaient lentement englouti, mais cela ne me dérangeait pas. Je venais souvent ici, trouvant la solitude dont j'avais besoin. J'ouvris la porte avec un bruit sinistre et entrai dans l'obscurité de l'intérieur. L'odeur du papier ancien et du bois poussiéreux m'envahit. Les rayonnages étaient remplis de livres délaissés, de volumes rares et épais qui semblaient n'avoir jamais été touchés. C'était là, parmi ces pages oubliées, que je me sentais le plus vivante.
Je me dirigeai vers mon rayon préféré, les romans classiques, quand mes yeux tombèrent sur un livre que je n'avais jamais remarqué auparavant. Un petit volume noir, presque trop simple pour attirer l'attention, mais son titre, Ombres sur le passé, me fit l'effet d'un électrochoc. Je l'attrapai presque instinctivement, mes doigts tremblants caressant la couverture.
Il y avait quelque chose d'intrigant, de sinistre dans ce titre, quelque chose qui semblait résonner avec les ténèbres enfouies au fond de mon propre cœur. Je l'ouvris sans hésiter et me perdis dans les premières lignes, me plongeant dans un monde de mots qui, étrangement, me touchaient plus profondément que je n'aurais pu le penser. Le narrateur de ce livre semblait savoir exactement ce que je ressentais, ce vide intérieur, ce poids de l'âme. Chaque phrase semblait écrite pour moi. Chaque mot me renvoyait à mes propres démons.
Au moment où je fermai le livre, comme un réflexe, je sentis une présence derrière moi. Un léger frisson parcourut mon dos, un malaise que je ne pouvais pas expliquer. Je me retournai lentement, mes yeux se verrouillant sur une silhouette debout à l'entrée de la librairie. Un homme, grand, au regard perçant, habillé d’un costume sombre qui contrastait avec l’atmosphère intime du lieu. Il n’avait rien d’inhabituel, mais quelque chose dans son regard, une intensité que je ne pouvais décrire, me fit me sentir… observée.
Il s'avança vers moi, un léger sourire en coin, comme s’il savait déjà tout de moi. "Ce livre… vous semble-t-il familier ?"
Surprise qu'il sache même quel livre je tenais entre mes mains, je clignai des yeux et hochai lentement la tête. "Je... je ne sais pas. Il m’a attirée."
L’homme fit un geste vague, comme s'il n'accordait pas beaucoup d’importance à la question. "Parfois, les livres nous trouvent avant même que nous ne les cherchions. Ils nous dévoilent des vérités sur nous-mêmes que nous ignorions."
Ses mots, lourds de significations non dites, me perturbèrent. Je me sentais inexplicablement liée à lui, comme si une force invisible nous avait connectés, l’un à l’autre, à cet instant précis. Mais qui était cet homme ? Comment pouvait-il savoir que ce livre avait attiré mon attention avant même que je le sache ?
"Je m'appelle Damien," dit-il, sa voix grave et calme. "Et vous êtes... Élise, n'est-ce pas ?"
Je sursautai légèrement. Comment pouvait-il connaître mon nom ? "Oui," répondis-je, la méfiance croissante dans ma voix. "Mais... comment... vous savez mon nom ?"
Damien ne répondit pas tout de suite. Il s'approcha d'un pas, comme s'il mesurait chaque mouvement qu’il faisait, chaque mot qu’il prononçait. "Je crois que nous avons beaucoup à discuter. Ce livre, ce que vous ressentez... ce n'est pas une coïncidence."
Je sentis mon cœur s'emballer dans ma poitrine. Chaque fibre de mon être me criait de fuir, mais quelque chose dans la profondeur de son regard me retenait. "Je... je ne comprends pas."
Il s'arrêta juste devant moi, ses yeux plongés dans les miens. "Vous comprendrez bientôt, Élise. Tous les deux, nous avons un passé que nous préférerions oublier, mais les ombres... les ombres finissent toujours par nous rattraper."
Une tension insupportable se tissait autour de nous, et malgré la simplicité apparente de la rencontre, je savais que ce moment marquait un tournant. Un point de non-retour dans ma vie. Mais pour l'instant, je ne pouvais qu'acquiescer et le suivre. Mon instinct me disait que je n'avais pas le choix.
"Je vous attendrai à la galerie," ajouta Damien avant de se détourner, son pas léger mais déterminé. "Vous viendrez, n'est-ce pas ?"
Je n'eus même pas le temps de répondre, qu'il avait disparu dans l'ombre de la rue. Je restai là, figée, le livre toujours dans mes mains, le regard plongé dans la page qui semblait soudainement plus inquiétante. Les mots résonnaient dans ma tête comme un avertissement.
Je savais déjà ce que j'allais faire. Je le suivrais.
Je n’avais pas le choix.