Chapitre 2

1936 Words
Jake J'ai du mal à me sortir du sommeil tant ma première nuit au presbytère a été catastrophique! Le matelas de ce lit est bien trop moue et dès que j'ose bouger, les ressorts grinces me coupant irrémédiablement le sommeil. Je me rassure comme je peux, en me disant que c'est moins pire qu'à l'Abbaye! Au moins ici j'ai mon endroit à moi, je ne partage pas un dortoir.  Hormis ce soucis de matelas, la chambre est spacieuse, la salle de bain à tous le confort nécessaire et la cuisine est gigantesque. Malgré mon épuisement, je suis assez satisfait que l'on m'est affecté ici. Les gens semblent charmants et bien que mon premier prêche ait été lamentable, ils ne m'en n'ont pas tenu rigueur.  Les Thalis ont tout fait pour que je sois à mon aise dans cette grande maison qui m'est pour l'instant inconnue... et cette fille... leur fille, Nora! Je ne m'attendais vraiment pas à avoir un tel comité d'accueil! Elle n'a pas froid aux yeux, elle est même assez audacieuse. J'ai sentie la défiance qu'elle pouvait avoir à mon égard. Sa façon de sans cesse remettre en question ce qu'elle trouve injuste... étrangement, j'ai aimé ça.  Et ses yeux... me remémorais-je, avec nostalgie. Ses grands yeux bleues qui vous fixe comme pour mieux vous sonder. Je secoue la tête pour arrêter d'y penser et saute de mon lit, décidé à prendre ma douche avant de me rendre au magasin des Thalis. Je refuse de vivre un jour de plus sans musique parce-qu'un vieux grincheux hypocrite à décider de bannir ce qui rend l'existence plus supportable! Après m'être rasé soigneusement, c'est donc avec une certaine délectation que je prends ma première douche chaude depuis des mois! À la pension où j'étais, elle était si froide que je devais faire une prière avant de me mettre sous les jets! Je n'ai pas choisi cette vie pour le confort certes, mais un peu de luxe de temps en temps, ça ne fait pas de mal!  Après m'être longuement savonné de la tête au pied, je reste exagérément sous le pommeau de douche, appréciant la vapeur qui s'en dégage. Ces petits moments de plénitude, je les chéris car je sais qu'il ne dure pas longtemps.  Paré de ma serviette autour de mes haches, je quitte à contre coeur cet endroit de félicité. Alors que je sors sur le palier, je percute de plein fouet le corps solide d'un jeune homme blond.  - Hé! Dit-il avec surprise.  - Pardon! répondis-je aussi surpris que lui.  Je l'observe, étonné de sa présence. Il le remarque et me fait un sourire.  - Jake Wallace? William Danton, je suis le vicaire suppléant.  - Oh! Dis-je embarrassé.  Nous nous serrons la main avec enthousiasme. - Je vois que vous avez trouvé vos marques... dit-il amusé par ma tenue.  - Oui, j'ai pris une douche... -Vous avez bien fait, c'est à ça que sert les salles de bain. Ajoute-t-il sur le même ton détaché. Je vais vous laisser vous préparer et ensuite vous me rejoindrez dans la cuisine pour prendre un petit- déjeuner? me propose-t-il. - Euh... oui, bien sûr.  Il part, sa valise à la main en direction de la chambre opposé à la mienne.  ... Assis à la table de la cuisine, William et moi faisons connaissance. De ce que je sais pour l'instant, il est à peine plus âgé que moi. Il a 28 ans et vit ici depuis plus de deux ans. Il ne s'entendait pas du tout avec mon prédécesseur le révérend Grant et a été soulagé de son départ.  Décidément, ce Grant a laissé une empreinte indélébile dans cette ville... - Vu son ancienneté, je ne m'attendais pas à ce que la paroisse se débarrasse aussi facilement de ce vieux fossile, mais je n'ai pas caché ma joie quand j'ai su qu'on le remplaçait! Je suis cependant surpris qu'ils ai décidé de mettre un homme avec peu d'expérience, sans vous offenser.  - Vous ne m'offensez pas. Moi aussi, j'ai été surpris de mon affectation ici, je pensais devoir attendre encore une année avant de savoir où j'irai, mais je ne regrette pas.  - Ne criez pas victoire trop vite! Dit-il d'un ton badin. Il faut que les habitant du coin vous adoptent d'abord! En général, ça ne prend pas bien longtemps. C'est une ville plus grande qu'il n'y parait et à la différence des petites bourgades, l'église n'est pas vraiment le centre de leur préoccupation.  - Vous avez déjà officié ailleurs? Demandais-je.  - Oui, dans le Kent. Un village de trois cents habitants. C'était horrible, chaque décision à propos de l'église était discuté lors d'un conseil! On ne pouvait même pas changer le papier pour imprimer les chants dominicaux sans leur permission... un enfer! Je souris en l'entendant me parler aussi librement de ses expériences. Je suis ravie d'avoir quelqu'un de la même génération à qui parler. J'avais peur d'être encore une fois la seule personne de moins de quarante ans dans la pièce.  Je jette un oeil à l'horloge sur le mur et décide qu'il est temps de prendre congés de mon hôte. Je me lève donc et débarrasse avec lui. Une fois fini, je passe ma veste dans l'entrée et prends mon casque. - Où allez-vous? Me demande-t-il, intrigué.  - Au magasin des Thalis. J'ai un tourne-disque à acheter.  - Vraiment? Dit-il plein d'espoir. Décidément, vous faites tout pour que je vous apprécie! Vous verrez, ils sont très sympathiques. - Je les ai déjà rencontrés, c'est eux qui m'ont ouvert la maison.  - Vous les saluerez de ma part? - Je n'y manquerai pas! Une fois dans la cours, je mets mon casque et enfourche ma moto, direction: le centre ville.  ... Je me gare sur le trottoir, en face de l'adresse que Mitchell Thalis m'a donné. Sur une enseigne aux lettes noires sur fond blanc est inscrit: Electric Store. Alors que j'enlève mon casque, j'observe discrètement à l'intérieur. Il n'y a personne, hormis Nora debout au comptoir. Elle a la tête baissé, concentrée sur ce qu'elle est en train d'écrire.  Je me dirige vers l'entrée et pénètre à l'intérieur. Elle ne m'a toujours pas remarqué. C'est seulement quand je me tiens en face d'elle, le buste penché en avant afin d'atteindre sa hauteur, qu'elle relève la tête et me regarde encore de ses grands yeux bleus que je commence à vraiment beaucoup apprécier.  - Bonjour Nora. Dis-je poliment. Je ne vous dérange pas j'espère?  - Non... euh... Non pas du tout! bredouille-t-elle, comme-ci je l'avais prise sur le fait.  - Je suis venu pour le tourne-disque, vous vous souvenez?  - Oui bien sûr.  Elle lâche le cahier devant elle et contourne le comptoir. Je la suit et elle me m'emmène à la section où se trouve tous les objets dédié à la musique. Il y a des radios de tailles différentes, de celle que l'on peut emporter partout, à d'autre qui ne pourraient que trôner fièrement dans un salon cossu. Les tournes-disques se trouvent juste à côté, tout près des vinyles. Une collection impressionnante même, pour un tel endroit qui n'est censé vendre que des objets pour les écouter.  - Vous avez une idée particulière de ce que vous recherchez? me demande-t-elle.  - Lequel avez-vous chez vous? Demandais-je simplement. - Vous voulez savoir quel tourne-disque j'ai chez moi? Répète-t-elle surprise. - C'est bien ce que je viens de demander, en effet.  - Et bien... celui-ci. Me dit-elle en montrant un tourne disque de taille moyenne qui s'emporte comme une petite valise. On peut l'emmener partout et le son qui en sort est absolument phénoménal. On a l'impression que le groupe joue dans votre chambre... Elle se tût immédiatement, devenant livide, comme-ci elle avait dit quelque chose d'inconvenant.  - Je le prend alors. Dis-je poliment. Vous m'avez convaincu quand vous avez dit qu'on pouvait l'emmener partout.  Elle se rembrunit instantanément et prend une boite en dessous du modèle d'exposition.  - Je prendrais aussi quelque vinyles... Vous avez des arrivages des États-Unis?  - Tous ce que nous avons se trouve ici. Vous souhaiter quoi en particulier?  - J'aimerais L.A. Woman des Doors, j'ai perdu mon exemplaire lorsque j'ai quitté Manchester.  Elle écarquille les yeux d'incompréhension. Elle analyse ce que je viens de dire et j'ai l'impression de parler une langue étrangère.  - L.A. Woman? Des Doors? dit-elle comme-ci elle se parlait à elle-même.  - Oui... vous ne connaissez pas les Doors... - Si! Je connais très bien les Doors, mais vous est-ce-que vous les connaissez? Demande-t-elle avec perplexité.  Je ne saisi pas bien le sens de sa question. - Je viens de vous demandez un de leur album, il me semble. - Non, je veux dire... est-ce-que vous comprenez la signification de leur nom: les Doors?  Elle me prend vraiment pour une grenouille de bénitier, on dirait... Bon... et bien... Wallace, il est temps de lui montrer comment tu t'appelles... - Le nom des Doors a été trouvé par Jim Morrison lui-même, après la lecture d'un roman parlant des portes de la perception (Doors en anglais). Porte que l'on ouvre grâce à la consommation de d****e, notamment le LSD si j'ai bien compris. Selon lui, il faut le voir comme un rite de passage chamanique entre deux mondes, où notre perception est agrandit et que l'on peut enfin comprendre ce qu'est le monde.  Elle m'observe, soufflée par mon petit résumé succinct. Je souris silencieusement, appréciant le choc que je viens de lui susciter.  - Alors? Ai-je passé l'examen qui permet d'obtenir un exemplaire de cette album ou dois-je encore apporter plus de précision?  Elle ne répond pas et part dans une autre pièce. Je continue de regarder autour de moi, mais je suis malgré moi attiré par le cahier sur lequel elle écrivait plus tôt. Il est ouvert et je ne résiste pas au fait d'y jeter un coup d'oeil.  C'est un texte... un poème, je crois, car c'est écrit en strophes. " Lisse et doré, c'est de ma peau velouté, que se trouve toute volupté. Mais toi..." Je n'ai pas le temps de finir ma lecture que j'entends déjà des pas et je me remets là où j'étais.  - Le voilà. Dit-elle pour seul réponse en s'avançant vers moi. Je le prend et me dirige à la caisse avec mes achats. Je sors mon portefeuille pour la payer mais elle revient à la charge.  - Comment diable savez-vous tous ça?! Dit-elle abasourdi.  Je rie presque en l'entendant jurer avec autant de faciliter.  - Je l'ai lu dans le Rolling Stones Magazine du mois de février 1969, si mes souvenirs son bons. - Vous écoutez du rock? Psychadélique qui plus est? Demande-t-elle, éberluée.  - Je ne mettrais pas les Doors dans la catégorie psyché, mais j'écoute du rock, oui. De la soul aussi, beaucoup même! J'adore la Motown: Diana Ross, Stevie Wonder... Oh! Et Marvin Gaye... C'est le meilleur! Elle a la bouche grande ouverte quand je lui fait part de mon amour démesuré pour la musique contemporaine.  - Si je n'étais pas allée à l'office dimanche matin et que je ne vous avez pas vu en habit, j'aurais du mal à croire que vous êtes vicaire et encore moins si nous avons eu cette discussion. Excusez ma franchise mais... pourquoi? Pourquoi avez-vous choisi un tel métier? Dit-elle avide de comprendre.  Je prends mes achats sur le comptoir et lui sourit chaleureusement.  - Vous voulez vraiment le savoir?  Elle hoche la tête pour me répondre.  - Alors venez au presbytère. Demain. 17h. À l'heure du thé. Je répondrais à toutes vos questions. Bonne journée Nora. Répondis-je avant de prendre congé, satisfait de l'intérêt suscité.
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