Lina Daniels regarda entre les ouvertures étroites de la grille du mur près du sol crasseux. Dès l’instant où elle avait entendu deux hommes au marché parler d’un Trivator, elle s’était mise à la recherche du guerrier extraterrestre. Elle avait mis une journée à découvrir où ils le retenaient, et ensuite une semaine à trouver un moyen d’entrer et de sortir du bâtiment. La dernière chose qu’elle voulait était soit de se retrouver dans une cellule avec lui ou en tant que plat de résistance sur la table à manger des bâtards extraterrestres qui le retenaient prisonnier.
Le petit trou à rat qu’était cette cellule avait été la dernière sur sa liste de la journée. Sa fouille des autres cellules avait été infructueuse et celle-là aussi avait été vide. Elle était sur le point d’abandonner et avait même commencé à battre en retraite dans le conduit d’évacuation des eaux quand elle avait entendu un bruit de pas s’approchant et avait reconnu la voix de l’un des hommes du marché.
Elle avait retenu sa respiration et avait attendu de voir ce qu’ils allaient faire. Sa patience avait été récompensée lorsque la porte s’était ouverte. L’homme qu’elle cherchait était en train d’être traîné par les bras par deux gardes. Elle les avait regardés le laisser tomber sur le sol avec un mélange de satisfaction et de dégoût.
L’homme était sans aucun doute un Trivator ! Elle l’avait étudié en silence pendant que les gardes parlaient. Personnellement, elle n’en avait rien à faire de ce que son espèce ou le gouvernement de la Terre avaient dit à propos des extraterrestres répondant aux transmissions que sa planète avait envoyées dans l’espace. En ce qui la concernait, les Trivators et l’Alliance avaient envahi la Terre.
Les répercussions avaient été dévastatrices pour les Humains. Sa vie et celles de millions d’autres étaient devenues un enfer en seulement quelques heures. Elle avait passé la dernière décennie depuis ce jour inoubliable à lutter pour libérer ses camarades humains des extraterrestres ainsi que d’autres Humains.
Cela ne l’aida pas quand les souvenirs d’avoir été vendue par un membre de sa propre espèce lui laissèrent un goût amer dans la bouche. Elle voulait retourner sur Terre pour pouvoir tuer Colbert Allen. Qui diable en avait quelque chose à faire que la vengeance soit une mauvaise idée ? Elle avait eu des tas de mauvaises idées dans sa vie et elle ferait face aux conséquences de la même façon qu’elle avait toujours fait : en se battant.
Lina serra les dents pour empêcher le juron de franchir ses lèvres. Elle voulait dire aux trois gardes d’en finir avec leur plaisir sadique et de sortir. Maintenant qu’elle avait trouvé ce qu’elle cherchait, elle avait du pain sur la planche.
Il était temps, pensa-t-elle sauvagement lorsque la porte se ferma enfin derrière le trio sadique.
Redirigeant son attention sur l’homme dans la cellule, elle le regarda rouler jusqu’à se retrouver face au mur ; et à elle, bien qu’il ne s’en soit pas aperçu. La sombre satisfaction qui la traversa face au succès de sa mission fut rapidement remplacée par un coup de poing dans l’estomac lorsqu’elle le reconnut soudainement. Des souvenirs sombres et douloureux menacèrent de l’étouffer. Du sang, de la douleur et du désespoir la submergèrent alors qu’une image de lui se tenant au-dessus d’un corps sans vie la projeta dans le passé.
Profondément secouée, elle ferma les yeux un instant et prit une profonde inspiration. Les sentiments personnels n’avaient pas leur place dans ce qu’elle allait faire. Que cela lui plaise ou non, elle avait besoin de cet homme, peu importe qui il était ou les souvenirs douloureux qu’il éveillait en elle.
Ravalant la bile qui lui était montée dans la gorge, elle se concentra sur sa mission. Cela ne concernait pas qu’elle. Si cela avait été le cas, elle aurait été tentée d’aider le Waxian à tuer le Trivator.
Au moins, raisonna-t-elle, je serais un bourreau plus clément. Cela finira peut-être quand même de cette façon s’il ne sait pas piloter un vaisseau spatial, pensa-t-elle.
— Tuez-moi, Déesse, murmura-t-il.
Lina se figea lorsqu’elle entendit son murmure presque inaudible. Une rage surprenante la traversa comme jamais elle n’en avait ressenti auparavant ; enfin, presque jamais. Elle réservait cette petite dose de rage accablante à Colbert Allen. Et pourtant, ces paroles avaient été pour elle comme du kérosène sur une flamme. Elle ignora complètement le fait qu’elle avait pensé à le tuer moins d’une seconde plus tôt.
— Certainement pas. Tu ne peux pas mourir maintenant que je t’ai trouvé, Trivator. J’ai besoin de toi vivant, siffla Lina.
Il faisait si sombre qu’elle put à peine voir son corps se raidir de surprise. Marmonnant une série de jurons entre ses dents, Lina se palpa à la recherche de la poche de son pantalon. Elle y glissa une main, en sortit une petite lampe rouge et l’alluma. La faisant passer entre les barreaux de la grille, elle put pour la première fois réellement voir le visage du Trivator.
Elle prit une inspiration profonde et irrégulière alors que le passé et le présent se heurtèrent à nouveau dans son esprit. Deux choses avaient immédiatement attiré et retenu son attention. La première était qu’il était dans un piteux état. La deuxième était la surprenante vague de compassion qu’elle avait ressentie en voyant ses traits marqués par la douleur.
— Tu étais sur Terre, déclara-t-elle, ne sachant pas vraiment quoi dire d’autre.
— Oui, fut sa réponse rauque.
— Est-ce que tu sais piloter l’un de ces vaisseaux spatiaux qu’ils ont ici ? demanda-t-elle, le forçant à se concentrer sur elle quand sa tête commença à retomber en arrière.
— Oui, répondit-il.
Les lèvres de Lina se tordirent et ses doigts agrippèrent fermement la lampe. Elle prit une profonde inspiration et regretta ne pas pouvoir tout simplement le laisser là, mais son aveu avait scellé son destin en ce qui la concernait. Il savait où se trouvait la Terre et il savait piloter. Elle avait besoin de lui vivant.
— Je vais revenir. T’as pas intérêt à crever ou à te faire tuer avant que je revienne, ordonna-t-elle.
Lina recula ; elle savait qu’elle n’avait pas beaucoup de temps. Elle allait aussi avoir besoin d’aide. Bien qu’elle déteste mettre en danger les autres femmes qui s’étaient échappées avec elle, elle n’avait pas vraiment le choix. Elle ne pouvait pas traîner ce gars hors d’ici seule, et il ne semblait pas en état de marcher, et encore moins de courir.
Elle suivit prudemment le chemin qu’elle avait pris en arrivant, ajustant mentalement ses plans pour faire sortir le guerrier du bâtiment. Bien que cela soit un casse-tête compliqué, ce qui l’inquiétait le plus était ce qu’elle devrait faire une fois qu’elle l’aurait fait sortir. Il y avait bien trop de variables à l’extérieur au milieu du reste des habitants du spatioport, et il n’y avait pas beaucoup d’endroits où se cacher sur un petit rocher dans l’espace.