CHAPITRE SIX

1422 Words
CHAPITRE SIX Thor poussa Mycoples, de plus en plus vite, comme ils filaient à travers les nuages, en direction de la Tour du Refuge. Thor sentait dans toutes les fibres de son être que Gwendolyn était en danger. C’était comme une vibration au bout de ses doigts, qui remontait le long de son corps et lui murmurait : plus vite, plus vite… Plus vite. — Plus vite ! cria-t-il à Mycoples. Mycoples ronronna doucement en guise de réponse et battit ses ailes gigantesques. En vérité, Thor n’avait pas eu besoin de prononcer ces mots : Mycoples percevait la moindre de ses pensées. Il l’avait dit pourtant, pour soulager la tension qui l’habitait. Il sentait démuni, impuissant. Quelque chose n’allait pas et chaque seconde comptait. Ils émergèrent enfin des nuages et Thor aperçut avec soulagement la Tour du Refuge au loin. Une bâtisse millénaire, parfaitement cylindrique, en pierre noire et brillante, qui s’élevait vers le ciel comme une flèche. Même d’ici, Thor sentit son pouvoir. Comme ils s’approchaient, il repéra soudain une silhouette au sommet. Une personne qui se tenait tout au bord, les bras en croix. Ses yeux étaient fermés et elle tanguait entre les brises. Thor sut immédiatement qui elle était. Gwendolyn. Son cœur battit à tout rompre. Il savait ce qu’elle pensait. Et il savait pourquoi. Elle pensait que Thor l’avait abandonnée. Il ne put s’empêcher de se sentir coupable. — PLUS VITE ! cria-t-il. Mycoples battit des ailes plus vite encore, si vite que Thor en eut le souffle coupé. Comme ils approchaient, Thor vit Gwen faire un pas en arrière pour retrouver la sécurité et son cœur se gonfla de soulagement. Même sans le voir, elle avait changé d’avis. Elle avait renoncé à sauter. Mycoples poussa un rugissement et Gwen, en levant les yeux, aperçut Thor pour la première fois. Leurs regards se trouvèrent, même à cette distance, et il lut le choc sur son visage. Mycoples atterrit et Thor sauta à terre, avant de courir vers Gwendolyn. Pétrifiée, elle le fixa du regard comme on dévisage un fantôme. Thor se précipita vers elle, le cœur battant, et ouvrit les bras. Ils s’étreignirent et se serrèrent l’un contre l’autre. Thor la souleva dans les airs et la fit tournoyer, encore et encore et encore. Il l’entendit pleurer contre son oreille, sentit des larmes chaudes couler dans son cou. Il pouvait à peine y croire : elle se trouvait enfin dans ses bras. Tout était réel. Le rêve qu’il avait fait, jour après jour, nuit après nuit, tout au long de son voyage, quand il avait été certain de ne plus jamais la revoir. Elle se trouvait à présent dans ses bras. Ils avaient été séparés si longtemps que tout semblait nouveau et parfait. Il se promit de ne plus jamais la prendre pour acquise. — Gwendolyn, murmura-t-il. — Thorgrin. Impossible de dire combien de temps ils restèrent ainsi enlacés. Lentement, ils s’éloignèrent, pour mieux s’embrasser. Un b****r passionné. — Tu es vivant, dit-elle. Tu es là. Je ne peux y croire. Mycoples poussa un reniflement sonore et les yeux de Gwendolyn, en apercevant le dragon par-dessus l’épaule de Thor, s’agrandirent d’effroi. — N’aie pas peur, dit Thor. Elle s’appelle Mycoples. C’est mon amie. Ce sera la tienne aussi. Viens. Thor prit la main de Gwen et la guida sur le chemin de ronde. Il pouvait sentir les peurs de Gwen comme ils approchaient. Il comprenait : après tout, c’était là un vrai dragon et Gwen n’en avait jamais vu d’aussi près. Mycoples plongea son regard immense et rougeoyant dans celui de Gwen, en battant doucement ses ailes immenses. Thor sentit quelque chose comme de la jalousie… Ou peut-être de la curiosité. — Mycoples, voici Gwen. Mycoples détourna la tête d’un air orgueilleux. Mais sa réticence fut brève : elle se tourna à nouveau brusquement et plongea son regard dans celui de Gwen, comme pour la sonder, avant de s’approcher tout près, si près qu’elle la toucha presque. Gwen poussa un petit cri de surprise et d’émerveillement, et peut-être d’effroi. Elle tendit une main tremblante et la posa sur le museau de Mycoples, pour caresser les écailles violettes. Au bout de quelques secondes tendues, Mycoples cligna des yeux et frotta son nez contre le ventre de Gwen, en signe d’affection. Thor ne comprit pas pourquoi. Brusquement, Mycoples se détourna à nouveau. — Elle est belle, murmura Gwen. Elle se tourna vers Thor. — J’avais perdu espoir… Je croyais que tu ne reviendrais plus. — Moi non plus, répondit-il. Penser à toi me faisait tenir. C’était ma raison de vivre et de revenir. Ils s’étreignirent à nouveau, caressés par les brises, avant de s’éloigner. Gwen baissa les yeux et remarqua l’Épée de Destinée à la hanche de Thor. Ses yeux s’agrandirent de surprise. Elle poussa un petit cri. — Tu as ramené l’Épée, dit-elle. Elle lui jeta un regard stupéfait. — C’est toi qui as pu la manier ? Thor hocha la tête. — Mais comment ? bafouilla-t-elle. Elle était visiblement bouleversée. — Je ne sais pas, dit Thor. J’ai juste réussi. Un éclair d’espoir traversa soudain ses yeux : — Cela signifie que le Bouclier nous protège à nouveau ! Thor hocha la tête d’un air solennel. — Andronicus est pris au piège, dit-il. Nous avons déjà libéré la Cour du Roi et Silesia. Le visage de Gwendolyn s’éclaira. — C’était toi, dit-elle. Tu as libéré nos cités. Thor haussa les épaules, modeste. — C’était surtout Mycoples. Et l’Épée. Je me suis contenté de les suivre. Gwen lui adressa un sourire éclatant. — Et notre peuple ? Ils sont en vie ? Ils ont survécu ? Thor hocha la tête. — Presque tous sont en vie et ils vont bien. Souriante et soulagée, Gwen semblait soudain beaucoup plus jeune. — Kendrick t’attends à Silesia, dit Thor, tout comme Godfrey, Reece, Srog et bien d’autres. Ils vont bien et la cité est libre. Gwen se précipita dans ses bras et le serra fort. Il sentit son soulagement et sa joie. — Je pensais que tout était fini, dit-elle en pleurant doucement. Perdu pour toujours. Thor secoua la tête. — L’Anneau a survécu, dit-il. Andronicus est en fuite. Nous finirons par le chasser définitivement, puis nous reconstruirons. Gwen lui tourna soudain le dos et détourna le regard, en chassant une larme. Elle s’enroula dans sa cape et il lut la peur dans ses yeux. — Je ne sais pas si je peux revenir, dit-elle d’une voix hésitante. Quelque chose m’est arrivé. Pendant que tu étais parti. Thor la prit doucement par les épaules. — Je sais ce qui t’est arrivé, dit-il. Ta mère me l’a dit. Tu n’as pas à avoir honte. Gwendolyn leva vers lui un regard empli de surprise et d’émerveillement. — Tu sais ? répéta-t-elle, stupéfaite Thor hocha la tête. — Ça ne veut rien dire. Je t’aime autant qu’avant, peut-être même plus. Notre amour, c’est tout ce qui compte. Un amour invincible. Je te vengerai. Je tuerai Andronicus de mes mains. Et notre amour sera immortel. Gwen se précipita dans ses bras et le serra fort, comme les larmes coulaient le long de son cou. Il sentit combien elle était soulagée. — Je t’aime, dit-elle contre son oreille. — Je t’aime aussi, murmura-t-il. Comme il la tenait contre lui, son cœur battit à tout rompre. Il voulut lui demander, là, tout de suite. Lui demander sa main. Mais il devait d’abord lui avouer son secret, lui dire qui était son père. L’idée seule le rendait malade de honte et d’humiliation. Il venait juste de lui promettre de tuer l’homme qu’ils haïssaient tous les deux. Comment lui annoncer alors que cet homme, Andronicus, était en fait son père ? Il eut soudain la certitude que Gwen le haïrait pour toujours. Il ne pouvait prendre le risque de la perdre. Pas après ce qui s’était passé. Il l’aimait trop. Au lieu de cela, il plongea une main tremblante sous sa chemise et en retira le collier qu’il avait ramassé parmi les trésors des dragons : un pendentif en forme de cœur, orné de diamants et de rubis, attaché à une chaîne d’or. Il le fit miroiter sous la lumière du soleil et Gwen poussa un petit cri d’émerveillement. Thor le lui attacha autour du cou. — Une petite preuve de mon amour et de mon affection, dit-il. Le bijou se mit à resplendir sur sa gorge. L’anneau de Thor brûlait au fond de sa poche et il se promit de le lui donner quand le moment serait venu. Quand il aurait le courage de lui dire la vérité. Ce n’était pas encore l’heure… — Tu vois, tu peux revenir, dit Thor en caressant la joue de Gwen. Tu dois revenir. Ton peuple a besoin de toi. Ils ont besoin d’un chef. L’Anneau n’est rien sans sa souveraine. Tu dois les guider. Andronicus rôde toujours. Nos cites doivent être reconstruites. Il plongea son regard dans le sien et la sentit réfléchir. — Dis oui, la pressa-t-il. Reviens avec moi. Cette Tour n’est pas un endroit pour une jeune femme. L’Anneau a besoin de toi. Moi, j’ai besoin de toi. Thor tendit la main et attendit. Gwendolyn hésita. Enfin, elle prit sa main dans la sienne et son regard s’éclaira, s’éclaira, s’éclaira, illuminé par l’amour et la joie. Sous ses yeux, elle redevenait lentement la Gwendolyn qu’il avait connue, si pleine de vie, d’amour et de joie. On aurait dit une fleur qui s’ouvrait. — Oui, dit-elle doucement. Ils s’étreignirent et Thor se promit de ne plus jamais s’éloigner d’elle.
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