Les jours étaient passés sans aucune nouvelle de Baal.
Nous avions pris l'habitude qu'à la tombée de la nuit, X me rejoigne dans mon lit.
Un mois,
Un mois que Baal n'avait plus donné signe de vie, personne ne savait ce qu'il se passait.
Cela me rendait complètement indifférente, je ne voulais que la compagnie rassurante de X.
Nos journées étaient rythmées par nos entraînements et nos nuits étaient guidées par l’intime.
Il m'était impossible de lui mentir, je le chérissais profondément, et je ne pouvais pas le cacher, lui non plus, alors nous devions nous montrer indifférents en public.
Les autres démons du palais ne me regardaient pas, telle était la domination de Baal sur eux, ils avaient bien trop peur de le défier.
Mais, au plus profond de moi, je sentais que l'empuse faiblissait.
Je n'en avais pas parlé à X, je ne voulais pas rompre ce cercle intime entre nous, je ne voulais pas le perdre, mais moi même je ne savais plus quoi faire.
Fuir ?
Restée pour X ?
Et lorsque Baal reviendra ?
Combien de temps avant qu'il ne se rende compte ? s'il il ne l'était pas déjà à cause du lien qui nous unissait.
J’étais sans cesse en plein questionnement, comment pouvais-je pouvais me donner à X ? comment je le pouvais, délibérément.
J’avais beau réfléchir, je crois que j’avais simplement décidé de lâcher prise, de vivre au jour le jour, et puis d’aviser par la suite.
Je chassais ces pensées de ma tête, ce n’était pas le moment de penser à ça, ce matin, j’avais quartier libre.
J'avais acquis la confiance de mes geôliers pour me promener dans le palais en toute quiétude, aucune créature ne m’adressait la parole, mieux encore personne ne venait me parler ou me déranger.
J’étais dans les jardins du palais qui ressemblaient en tout point à nos jardins dans notre monde.
De la verdure à perte de vue, des arbres dont la cime m’était invisible tant ils étaient longs, cela devait faire des millénaires qu’ils avaient été plantés.
Le jardin ne semblait intéresser personne d’autre que les humains.
Régulièrement je retrouvais ici d'autres humains qui résidaient dans le palais avec les ultras.
Elles étaient heureuses, toutes sans exception.
J’étais la seule à régulièrement évoquer le sujet de notre ancienne vie
-Rim s’il te plaît arrête de nous rabâcher les mêmes histoires, tu ne te rappelles pas comment notre vie là bas était si dure ? travailler dès les lueurs du jour jusqu’au coucher du soleil? Devoir nous rationner ? Ne pas pouvoir mettre d'enfant au monde ? Perdre des proches chaque jour… oh Rim, on a de la chance, tellement de chance!
Celle qui était en train de me parler était Katia, une jeune fille qui avait très probablement raison, finalement notre vie était peut être mieux ici ?
Et cela ne te dérange pas de devoir enfanter avec une créature ?
Pas le moins du monde Rim, j’ai appris à aimer mon démon, il est plus doux et plus gentil que n’importe quel homme que j’ai pu connaître dans ma vie.
Katia était en train de se caresser le ventre machinalement, enceinte de 7 mois, elle était bientôt au terme de sa grossesse.
Elle était magnifique, et semblait épanouie, son ventre arrondi la rendait plus que désirable, de long cheveux bouclés lui tombait sur le ventre, elle me souriait avec ses jolies fossettes sur ses joues potelées.
Si tu es heureuse comme tu le prétends je ne peux qu’être contente pour toi Katia avais-je dit sincèrement, après tout je ne voulais que le bonheur de mes semblables et je ne voulais forcer personne à se battre.
Sur ces paroles elle m’avait remercié et elle s’était levé aussi difficilement qu’une femme enceinte de sept mois pour rejoindre les autres filles abritée sous une tonnelle qui les protégeaient du soleil, elles étaient en train de boire le thé et elles mangeaient des pâtisseries.
C’est vrai, la vie était belle ici pensais-je en regardant le ciel toujours aussi similaire au nôtre, il n’était que dix heures du matin mais le soleil était déjà haut et chaud dans le ciel.
Je le sentais réchauffer ma tête, c’était agréable et les rayons du soleil m'avaient fait prendre une teinte de peau plus foncée que d’habitude, j’allais me lever pour les rejoindre avant de devenir noire de bronzage quand un cri perçant avait retenti dans le brouhaha des filles, j’avais tourné la tête vers le bruit, Katia s’était effondrée dans l’herbe sur le ventre.
Elle saignait abondamment, j’avais couru dans sa direction comme toutes les filles.
Avant même que je puisse voir son état, Katia s’était recroquevillée, son corps ondulait au rythme des spasmes que subissait son corps, sa belle robe jaune pâle s’était déchirée dans le dos, laissant entrevoir une fourrure dorsale, ses mains, autrefois potelées par la grossesse avaient laissée place à des griffes elles aussi recouvertes de pelage.
L’EMPUSE!
L’ENFANT REJETTE L’EMPUSE avait hurlé un démon chargé de veiller à nos besoins.
La seconde d’après Katia avait disparu sous nos cris, seul restait un tas de cendres.
Son bébé, le fruit de l’amour entre une humaine et un démon avait rejeté la transformation qui pourtant avait eu lieu quelque temps auparavant.
Il me restait tant de choses à apprendre, à comprendre, comment pouvait-elle me parler et être en vie et la seconde d’après mourir sous nos yeux ébahis.
Si la mort devait se produire à cet instant, s' il fallait absolument qu’une personne meure en ce jour, j’aurais donné ma vie pour elle, sans aucune hésitation.
Ébahie, choqué et genoux à terre, je pleurais à n’en plus finir tant le choc et l’incompréhension avait été virulent et immédiat.
Nous avons été très vite rassemblées dans une salle du palais entourée de démon.
Pour quelles raisons avaient-ils choisi de nous confiner ?
Ils voulaient éviter une révolte ?
Ils voulaient mieux nous contrôler ?
Un démon se trouvait au centre de la salle, depuis de longues minutes, il essayait de nous expliquer le pourquoi du comment, Katia avait succombé.
Oui,
Voilà,
Je comprends mieux ce sentiment à présent, ils faisaient attention à nous, ils prenaient soin de nous.
Dans quel but ? simplement pour avoir une descendance ?
Alors que mes pensées fusaient à la vitesse de l’éclair dans ma tête, une seule, plus forte que les autres, une seule pensée a pris le dessus :
Dans le monde des humains nous n’étions que de la viande, sans valeur pour eux, mais ici, au plus profond de leur système, ils nous chérissaient.
Que s’est-il passé pour qu’ils puissent opérer un tel changement ?
Est-ce vraiment une question de descendance ?
C’était fou de voir à quel point ils nous estimaient, au point de nous réunir pour essayer de nous apporter des réponses, à nous, semblables à une grande famille endeuillée.
J’étais proche d’une fenêtre, j'avais vu sur les cendres de Katia, un démon était à terre, cela devait être son démon.
Au sol les mains jointes vers le ciel, l’amoureux malheureux pleurait lui aussi la mort de sa promise, il était aussi blanc que de la neige et il s’arrachait le visage de ses griffes avant qu’un autre démon ne vienne le consoler.
Il semblait anéanti, je crois que c’est à cet instant que j’ai compris que peu importait la race, peu importait les conditions de la rencontre, peu importait finalement le contexte, ces deux-là s’aimaient profondément.
C'est à cet instant qu’a choisi Mia pour venir me parler discrètement.
il faut partir, on doit s’évader et retourner dans notre monde, immédiatement.
J’avais tourné la tête vers la droite pour regarder Mia.
Elle avait toujours été discrète dans le groupe de jeune femme ici, à tel point qu’elle était invisible.
Je savais simplement son prénom, et j’étais parti du postulat qu’elle aussi avait l’air heureuse ici, je n’aurais jamais crû qu’elle voulait fuir, elle aussi.
Qu'a-t-elle du vivre, elle aussi, pour vouloir fuir cet endroit ?