Chapitre I

1532 Words
Calypso leva brusquement la tête de son bouquin lorsqu'elle entendit son mari rentrer. Elle jeta un coup d'œil à la pendule qui marquait une heure du matin. Son mari à moitié soul était appuyé contre l'encadrement de la porte à la fixer d'une façon assez désagréable. Elle aurait pu être intimidée mais il y avait longtemps que son attitude ne lui disait plus rien. À force d'avoir encaissé aussi bien physiquement qu'émotionnellement elle avait fini par être immunisée. - p****n ! Tu n'as que ça à faire, émit-il d'une voix qui tenait plus d'un cri. Calypso sursauta et posa un regard sombre sur ce dernier. - Tiens, tu es rentré, finit-elle par dire après avoir inspiré profondément. - Et toi, tu préfères lire ces livres débiles à une heure pareille au lieu d'aller te coucher. Non mais, qu'est-ce que tu attends pour ficher le camp d'ici ? Offusquée, elle quitta son siège sans avoir eu le temps de refermer son livre. - Encore une fois, je vais prendre ce ton comme résultant de l'alcool, articula-t-elle d'une voix qu'elle se voulait calme. Elle alla se réfugier dans sa chambre et prit le soin de fermer la porte à clé. Pendant qu'elle se rhabillait elle passa les doigts sur la blessure de sa hanche et jura que ce serait la dernière fois qu'il oserait porter la main sur elle. La dernière fois... Phineas avait quitté la maison plus tôt que d'habitude. Elle serait plus rassurée le sachant à la quête d'un boulot mais elle était persuadée qu'il avait rejoint son horde dans leur bar habituel. Elle se retrouvait presque chaque soir sur ses genoux priant qu'il ne rentre pas ivre. Et presque chaque fois, elle perdait le pari. Elle enleva la théière du feu et versa le contenu dans une tasse. Elle la porta ensuite à ses lèvres mais fut dépitée du gout de ce café. Son ventre gargouillait, elle avait très faim. Elle se dirigea vers la salle à manger pensant trouver de quoi se faire un petit déjeuner. Cependant le réfrigérateur ne lui proposa rien de satisfaisant. Elle se pinça la lèvre pour s'efforcer de ne pas pleurer puis referma le réfrigérateur. Elle fut contrainte à boire ce café aussi amer que son mari. Elle s'assit sur l'un des canapés du salon serrant très fort son ventre qui criait famine. Elle saisit le seul truc qui pouvait lui faire oublier sa faim. Son livre. L'on pourrait, à la voir lire, être amené à croire qu'elle savourait les romans ; ce qui n'était pas vraiment le cas. Calypso n'aimait guère la lecture. Les multiples tentatives destinées à la faire changer d'avis s'étaient avérées vaines. Cet intérêt pour la littérature naquit au tréfonds de sa solitude. Seule, avec ses déboires, elle n'eut d'autre échappatoire que les livres. Elle apprit très vite à entrer dans l'univers fictif créé par les écrivains. Alors qu'elle prenait de la table le roman policier qu'elle avait entamé la veille, elle fit tomber par mégarde un livre. Tandis qu'elle se penchait pour le remettre à sa place, elle remarqua qu'il s'agissait du livre de maternité qu'avait laissé son amie Blair quelques jours plus tôt. Sa gorge se noua lorsqu'elle vit sur la couverture un bébé au sourire angélique et ses yeux marron d'un éclat vif. Elle voulait tellement un enfant à qui elle pourrait conter des histoires et chanter des berceuses pour qu'il s'endorme. Six ans de mariage sans pour autant avoir conçu. Son inquiétude s'était accrue d'année en année. Et pour en avoir le cœur net, elle s'est rendue chez un docteur pour une consultation. Ses doutes se dissipaient bien vite. Les examens répétés confirmaient qu'elle était saine. Elle pouvait bien porter un enfant. Le plus difficile était de persuader Phin de se faire examiner. Il soutenait qu'il allait bien et qu'il n'avait besoin de consulter un médecin. Elle avait mainte fois essayer de le convaincre de faire ces examens mais ça finissait toujours par une violente dispute. Elle avait donc arrêté d'aborder cette question. Pourtant, elle voulait un enfant. N'avait-elle pas le droit d'en avoir ? Elle se demandait parfois ce que ça faisait d'être appelée' ' maman'' et d'avoir ''sa petite famille''. N'ayant pu recevoir l'amour de ses parents elle tenait tout au moins à en offrir. À force d'espérer, elle avait fini par croire que le destin était contre son épanouissement. Il semblait y avoir un mur invisible qui rendait impossible un pas supplémentaire ! Elle essuya du revers de sa main, les larmes qui glissaient sur sa joue et reposa bruyamment le livre sur la table. Elle n'avait plus envie de lire en songeant au frigo qui restait vide de provisions. Il fallait qu'elle trouve un travail si elle voulait manger à sa faim. Il fallait également payer le loyer et les factures d'eau et d'électricité puisque son mari ne tenait plus le rôle de l'homme de la maison depuis qu'il s'était fait virer de son travail : la cause de son alcoolisme. Dehors, une chaleur ardente couvrait la ville de Boston. Calypso protégeait sa tête avec un chapeau en paille et foulait le trottoir à la recherche d'un emploi. Une odeur♨ de saucisson grillé la faisait saliver. Elle balaya du regard d'où provenait cette odeur et trouva un homme muni d'un tablier à quelque mètres de la rue devant un stand occupé à emballer les saucissons dans un sac en kaki. Son ventre l'interpellait à chaque occasion et d'un geste rapide, elle retira de son sac son portefeuille contenant le reste de ses économies. Elle s'approcha du vendeur et commanda un hot-dog imbibé de sauce tomate qu'elle mordit sans cérémonie. Cela lui faisait du bien d'avaler quelque chose après ce café presque imbuvable qu'elle avait pris ce matin. Elle engloutit le dernier morceau de son hot-dog avant de frapper à la porte vitrée d'une boutique de vêtements. Une femme blonde avec le physique d'un mannequin ouvrit et porta son attention sur la jeune femme. Ces cheveux soigneusement bouclés tombaient en cascade sur ses épaules et sa robe moulante montrait la naissance de ses courbes. - Entrez-donc ! Elle franchit le seuil de la porte et dardait un regard admiratif sur l'intérieur de la boutique. - Avez-vous un goût précis sur vos choix des vêtements, Mademoiselle ? Elle porta son regard à la blonde et lui esquissa un sourire. - Appelez-moi Calypso et non je ne suis pas là pour faire du shopping, répondit-elle même si elle mourait d'envie d'acheter tous ses vêtements de luxe pour refaire sa garde-robe. Elle n'en avait pas les moyens et même s'ils étaient en solde elle ne pourrait pas s'en offrir. Je suis venue concernant l'annonce que vous aviez postée dans le journal, ajouta-t-elle. - Ah d'accord. Avez-vous été une fois vendeuse ? S'enquit-elle cette fois-ci d'un ton sérieux. - Oui, dans ma jeunesse je vendais des sandwiches pour pouvoir payer mes études d'université. La blonde semblait déçue. Elle s'attendait à une femme qui avait au moins eu l'opportunité de vendre des vêtements et non des sandwichs. En plus, elle n'était pas assez bien habillée. Un défaut qui pourrait ternir son image et celle de sa boutique si jamais elle l'embauchait. Au départ, elle pensait qu'elle voulait se relooker en troquant sa robe bohème à petit pois et ses cuissardes qui avaient perdu leurs couleurs contre des vêtements plus raffinés et moins classiques. Calypso se sentait gênée par la façon dont elle la regardait. Qu'est-ce qui lui prenait de la dévisager de cette façon ? En plus, cela n'avait rien de discret. - Désolée mais j'ai déjà donné ce poste à une autre personne, lâcha t-elle. Elle avait l'impression qu'on lui donnait une claque. Elle avait parfaitement compris qu'elle ne voulait pas d'elle et avait préféré mentir. N'était-elle pas faite pour ce poste ? Vendre des vêtements n'a jamais été si compliqué et elle pouvait le faire. Alors pourquoi ne voudrait-elle pas d'elle pour ce poste ? Elle plissait les yeux et s'efforçait de sourire pour masquer sa peine. - D'accord ! Merci et bonne journée à vous. Elle quitta la boutique déçue et s'engagea sur une route sans pour autant savoir où celle-ci la mènerait. Elle sortit de son sac le papier journal et marqua une croix sur le poste qu'on venait de refuser de lui attribuer. Si ça continuait ainsi, son mari et elle risquaient de se retrouver à la rue. Le simple fait d'y penser lui tordait l'estomac. Ils vivaient bien ensemble sans dettes lorsque Phin travaillait. Il n'était pas si froid et détestable et n'avait de problème avec personne. Ils nageaient même presque dans le bonheur. Elle travaillait dans une librairie et apportait son aide sur les factures. Faut croire que la vie s'acharnait sur elle, à lui rendre l'existence impossible. Comme si ça ne lui suffisait pas de lui avoir enlevé ses parents il a fallu qu'elle trouve un moyen de la faire souffrir encore plus. La librairie dans laquelle elle travaillait avait pris feu et elle s'était retrouvée sans emploi le lendemain où son mari s'était fait licencier. > murmura t-elle amèrement alors que son téléphone se mit à sonner. Elle le retira de son sac et décrocha.
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