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Histoire d'une Grecque moderne

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Extrait : "Nous étions dans la plus belle saison de l'année. Mon jardin réunissant tout ce qu'on peut s'imaginer d'agréable dans une campagne, je proposai à Théophé d'y prendre l'air après souper. Nous fîmes quelques tours dans les plus belles allées. L'obscurité n'était pas si profonde que je ne crusse avoir aperçu dans divers enfoncements la figure d'un homme."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.

• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Deuxième partie-1
Deuxième partieNous étions dans la plus belle saison de l’année. Mon jardin réunissant tout ce qu’on peut s’imaginer d’agréable dans une campagne, je proposai à Théophé d’y prendre l’air après souper. Nous fîmes quelques tours dans les plus belles allées. L’obscurité n’était pas si profonde que je ne crusse avoir aperçu dans divers enfoncements la figure d’un homme. Je me figurai que c’était mon ombre, ou quelqu’un de mes domestiques. Dans un autre endroit, j’entendis le mouvement de quelque feuillage, et, mon esprit ne se tournant point à la défiance, je m’imaginai que c’était le vent. Il s’était refroidi tout d’un coup. Le mouvement que j’avais entendu me parut un signe d’orage, et je pressai Théophé de s’avancer vers un cabinet de verdure où nous pouvions nous mettre à couvert. Bema nous suivait avec une autre esclave de son s**e. Nous nous assîmes quelques moments, et je crus entendre le bruit d’une marche lente à peu de distance du cabinet. J’appelai Bema, à qui je fis une question indifférente, pour m’assurer seulement de l’éloignement où elle était de moi. Elle n’était pas du côté où j’avais entendu marcher. Je commençai alors à soupçonner que nous étions écoutés, et, ne voulant point causer de frayeur à Théophé, je me levai sous quelque prétexte, pour découvrir qui était capable de cette indiscrétion. Il ne me tomba point encore dans l’esprit que ce pût être un autre qu’un de mes domestiques. Mais n’ayant aperçu personne, je rejoignis tranquillement Théophé. La nuit commençait à s’avancer. Nous retournâmes à son appartement sans avoir fait d’autre rencontre. Cependant, comme je ne pouvais m’ôter de l’imagination que j’avais entendue quelqu’un autour de nous, et qu’il me paraissait important de punir cette hardiesse dans mes domestiques, je résolus, en quittant Théophé, de m’arrêter quelque temps à la porte du jardin, qui n’était pas éloignée de son appartement. Ma pensée était d’y surprendre moi-même le curieux qui nous avait suivis, lorsqu’il lui prendrait envie de se retirer. Cette porte était une grille de fer, par laquelle il fallait passer nécessairement. Je n’y fus pas longtemps sans distinguer dans les ténèbres, un homme qui venait vers moi ; mais il m’aperçut aussi, quoiqu’il fût impossible de me reconnaître, et, retournant sur ses pas, il ne pensa qu’à regagner le bois d’où il sortait. Mon impatience me fit marcher sur ses traces. Je levai même la voix, pour lui faire entendre qui j’étais, et je lui ordonnai d’arrêter. Mon ordre ne fut point écouté. Le ressentiment que j’en eus fut si vif, que, prenant un autre parti pour m’éclaircir sur-le-champ, je rentrai chez moi, et je donnai ordre qu’on appelât tout ce que j’avais de domestiques à Oru. Le nombre n’en était pas infini. J’en avais sept, qui parurent au même moment. Ma confusion augmenta jusqu’à me faire cacher le motif qui m’avait porté à les assembler, et le Sélictar me revenant à l’esprit avec tous les soupçons qui pouvaient accompagner cette idée, je fus indigné d’une trahison dont je ne crus pas qu’il me fût permis de douter. Il me parut clair qu’il s’était logé dans quelque maison du voisinage, d’où il se flattait de s’introduire chez moi pendant la nuit. Mais était-ce de l’aveu de Théophé ? Ce doute qui s’éleva aussitôt dans mon esprit me jeta dans une mortelle amertume. J’aurais donné ordre à tous mes gens de descendre au jardin, si je n’eusse été retenu par une autre pensée, qui me fit prendre une résolution toute différente. Il me parut beaucoup plus important d’approfondir les intentions du Sélictar que de l’arrêter. Ce fut à moi-même que je réservai ce soin. Je renvoyai tous mes gens, sans en excepter mon valet de chambre, et, retournant à la porte du jardin, je m’y cachai avec plus de soin que je n’avais fait la première fois, dans l’espérance d’y voir revenir le Sélictar avant la fin de la nuit. Mais j’eus encore le chagrin de m’être fatigué inutilement. Il était rentré pendant que je faisais assembler mes gens. Bema, qui l’avait conduit elle-même au jardin, s’était défiée de mes soupçons, et, quittant sa maîtresse sous quelque prétexte, elle l’avait rappelé assez promptement pour le dérober à mes recherches. Je passai tout le jour suivant dans un chagrin que je ne pus déguiser. Je ne vis pas même Théophé, et l’inquiétude qu’elle me fit marquer le soir pour ma santé me parut une perfidie dont je cherchais déjà le moyen de me venger. Pour augmenter mon trouble, je reçus avis à la fin du jour que la vie du Bacha Chériber était dans le dernier danger, et que ses amis qui savaient déjà la démarche que j’avais faite en sa faveur, me conjuraient de revoir le Grand Vizir pour renouveler mes sollicitations. Quel contretemps, à l’entrée d’une nuit où j’étais résolu de recommencer ma garde à la porte de mon jardin, et où je me repaissais déjà de la confusion du Sélictar ! Cependant, il n’y avait point à balancer entre l’intérêt d’une passion et celui du devoir. Le seul tempérament qui pouvait se concilier avec l’un et l’autre était de faire assez promptement le voyage de Constantinople pour être de retour avant que la nuit fût trop avancée. Mais en pesant l’emploi de tous les moments, ma plus grande diligence ne pouvait me rendre chez moi avant minuit ; et qui me répondait qu’on n’abuserait point de mon absence ? J’en vins ainsi par degrés à me faire un reproche d’avoir rejeté les conseils de Bema ; et dans l’extrémité pressante où j’étais, je ne vis point d’autre ressource que d’y recourir du moins dans cette occasion. Je la fis appeler. « Bema, lui dis-je, des affaires indispensables m’appellent à Constantinople. Je ne puis abandonner Théophé à elle-même, et je sens la nécessité d’avoir près d’elle une gouvernante aussi fidèle que vous. Prenez-en, sinon le titre, du moins l’autorité jusqu’à mon retour. Je vous confie le soin de sa santé et de sa conduite. » Jamais on ne s’est livré si follement à la perfidie. Cependant, cette misérable m’a confessé, dans un moment où les circonstances la forçaient d’être sincère, que si je n’eusse point borné sa commission, et qu’au lieu de lui en faire envisager la fin à mon retour, je lui eusse donné l’espérance de conserver toute sa vie le même ascendant dans ma maison, elle aurait rompu tous ses engagements avec le Sélictar pour me servir fidèlement. Je partis extrêmement soulagé ; mais mon voyage fut inutile à mes deux amis. J’appris en arrivant chez moi que le Grand Vizir y avait envoyé deux fois un des principaux officiers, qui avait marqué beaucoup de regret de ne pas me rencontrer, et quelques bruits qui avaient commencé à se répandre sourdement me firent mal augurer des deux Bachas. Cette nouvelle, jointe à ce qu’on m’apprenait du Grand Vizir, ne me permit pas de prendre un moment de repos. Je me rendis chez ce Ministre, quoiqu’il ne fût pas moins de dix heures, et prenant pour prétexte l’impatience que j’avais de savoir ce qu’il désirait de moi, je le fis presser, au sérail même où je m’étais fait assurer qu’il était, de m’accorder un moment d’entretien. Il ne me le fit pas trop attendre ; mais il abrégea ma visite et mes plaintes par le soin qu’il eut de prévenir mon discours. « Je n’ai pas voulu, me dit-il, que vous puissiez m’accuser d’avoir manqué d’égard pour votre recommandation ; et si mon officier vous eût trouvé chez vous, il était chargé de vous apprendre que le Grand Seigneur n’a pu se dispenser d’exercer sa justice sur les deux Bachas. Ils étaient coupables. » Quelque intérêt que j’eusse pris à leur justification, il ne me restait rien à opposer contre une déclaration si formelle. Mais en confessant que les crimes d’État ne méritent point d’indulgence, je demandai au Grand Vizir si celui de Chériber et d’Azet était un mystère que je ne dusse pas pénétrer. Il me répondit que leur crime et leur supplice seraient publiés le lendemain, et que c’était m’accorder une faveur légère que de me les apprendre quelques heures plus tôt. Aurifan Muley, Aga des Janissaires, irrité depuis longtemps contre la Cour, qui avait entrepris de diminuer son autorité, s’était proposé de mettre sur le trône le prince Ahmet, second frère du Sultan, qu’il avait élevé dans son enfance, et qui s’était fait renfermer depuis quelques mois dans une étroite prison, pour quelques railleries auxquelles il s’était échappé contre son frère. Il avait fallu s’assurer des dispositions de ce Prince, et former des intelligences avec lui dans sa prison. L’Aga y était parvenu avec une adresse dont les ressorts n’étaient pas encore connus, et c’était le seul embarras qui restait au Ministre. En cédant à la force des tourments qui lui avaient arraché la confession de son crime, il avait gardé une fidélité inviolable à ses amis, et le Vizir m’avoua lui-même qu’il ne pouvait lui refuser son admiration ; mais ses étroites liaisons avec Chériber et Dely Azet, qui avaient été successivement les deux derniers Bachas d’Égypte, avaient fait prendre au Divan le parti de les arrêter. Ils possédaient tous deux d’immenses richesses, et leur crédit était encore si puissant dans l’Égypte, qu’on n’avait pas douté qu’ils ne fussent les principaux fondements de l’entreprise de l’Aga. En effet, la crainte d’une cruelle t*****e, dont ils n’avaient pu soutenir l’approche à leur âge, les avait forcés d’avouer qu’ils étaient entrés dans la conspiration, et que le projet formé entre les conjurés était de passer en Égypte avec Ahmet, si l’on ne réussissait point à l’établir tout d’un coup sur le trône. Cet aveu n’avait point empêché qu’on ne leur eût fait souffrir divers tourments, pour tirer d’eux le nom de tous leurs complices, et pour s’assurer particulièrement si le Bostangi Bafio et le Sélictar étaient coupables. Mais soit qu’ils ignorassent en effet, soit qu’ils se fussent piqués de la même constance que l’Aga, ils avaient persisté jusqu’à la mort à ne les charger d’aucune trahison. « Quatre heures plus tôt, me dit le Grand Vizir, vous les auriez trouvés étendus dans mon antichambre, car c’est avec moi qu’ils ont eu le dernier entretien, et l’ordre du Grand Seigneur était qu’ils fussent exécutés en me quittant. » Quelque saisissement que je ressentisse d’une catastrophe si récente, un reste d’amitié pour le Sélictar me fit demander au Grand Vizir s’il était assez justifié pour se montrer sans crainte. « Écoutez, me dit-il, je l’aime et je suis fort éloigné de le chagriner mal à propos ; mais comme sa fuite a fait naître de fâcheuses préventions au Conseil, je souhaite qu’il ne reparaisse point sans avoir fait répandre quelque bruit qui explique le mystère de son absence. Et puisqu’il a pris le parti de se retirer chez vous, gardez-le, ajouta-t-il jusqu’à ce que je vous fasse avertir. » La confiance du Vizir me parut une nouvelle faveur dont je le remerciai, mais ignorant en effet que le Sélictar fût chez moi, je me crus intéressé à lui perdre l’opinion où il était, et je lui protestai si naturellement que ne faisant que d’arriver d’Oru, où j’avais passé la nuit précédente et tout le jour, j’étais sûr qu’on n’y avait pas vu le Sélictar, qu’il aima mieux croire que ses espions l’avaient trompé, que de douter un moment de ma bonne foi. Mon voyage se trouvant fort abrégé par un si malheureux dénouement, j’eus une joie sensible de pouvoir regagner Oru avant la fin de la nuit, et je comptais d’y être assez tôt pour surprendre le Sélictar dans mon jardin. Je roulais déjà les moyens de ne le pas manquer. Mais étant retourné à ma maison de Constantinople, j’y trouvai mon valet de chambre qui m’attendait avec la dernière impatience, et qui me pria de l’écouter aussitôt à l’écart. « J’arrive, me dit-il, avec des nouvelles qui vous causeront autant d’étonnement que de chagrin. Synèse est mourant d’une blessure qu’il a reçue du Sélictar. Théophé est réduite au même état par la frayeur. Bema est une misérable, que je crois la source de tout le trouble, et que j’ai fait renfermer par précaution jusqu’à votre arrivée. Je crois votre présence nécessaire à Oru, continua-t-il, ne fût-ce que pour prévenir le dessein du Sélictar, qui ne peut être éloigné de votre maison, et qui est capable d’y revenir avec assez de force pour s’y rendre le maître. Les regrets qu’il a marqués de sa violence me paraissent fort suspects. Seul comme il était, je l’aurais fait arrêter lui-même, si je n’avais appréhendé de vous déplaire. Cependant, ajouta mon valet, le soin que j’ai eu de mettre le reste de vos gens en état de défense, doit vous rendre tranquille contre ses entreprises. » Un ordre si imprévu ne me permettant guère de l’être, je partis sur-le-champ, avec la précaution de me faire accompagner de quatre domestiques bien armés. Le trouble où je trouvai encore ceux d’Oru me rendit témoignage qu’on ne m’avait rien exagéré. Ils faisaient la garde à ma porte avec une douzaine de fusils qui me servaient à la chasse. Je leur demandai des nouvelles de Théophé et de Synèse, dont je ne comprenais pas encore l’aventure. Ils ignoraient comme moi qu’il n’eût pas quitté ma maison, et personne ne sachant comment le Sélictar s’y était introduit, cette scène devenait plaisante par les précautions qu’ils prenaient pour l’empêcher d’y rentrer pendant qu’il n’en était pas sorti. Cependant m’en étant fait expliquer plus soigneusement les circonstances, j’appris d’eux tout ce qu’ils en avaient pu découvrir. Les cris de Synèse les avaient attirés dans l’appartement de Théophé, où ils avaient trouvé ce jeune homme aux prises avec le Sélictar, et déjà blessé d’un coup de poignard qui mettait sa vie en danger. Bema semblait prendre parti contre lui, et pressait le Sélictar de le punir. Ils les avaient séparés. Le Sélictar s’était dérobé avec beaucoup d’adresse, et Synèse était demeuré baigné de son sang, tandis que Théophé conjurait mes domestiques de ne pas perdre un moment pour me faire avertir. Ce soin qu’elle avait eu de penser à moi me toucha jusqu’à me faire passer aussitôt dans son appartement. Je fus encore plus rassuré par les marques de joie qu’elle fit éclater en me voyant paraître. Je m’approchai de son lit. Elle saisit ma main, qu’elle serra dans les siennes. « Ciel ! me dit-elle, avec le mouvement d’un cœur qui paraissait soulagé, de quelles horreurs ai-je été témoin pendant votre absence ! Vous m’auriez trouvée morte d’effroi, si vous aviez tardé plus longtemps. » Le ton dont ces quatre mots furent prononcés me parut si naturel et si tendre, que sentant évanouir non seulement tous mes soupçons, mais jusqu’à l’attention que je devais aux circonstances, je fus tenté de me livrer à la première douceur qui eût encore flatté ma tendresse. Cependant je renfermai toute ma joie dans mon cœur, et, me contentant de b****r les mains de Théophé : « Apprenez-moi donc, lui dis-je avec un transport dont je ne pus empêcher qu’il ne se communiquât quelque chose à mes expressions, ce que je dois penser des horreurs dont vous vous plaignez ? Apprenez-moi comment vous pouvez vous en plaindre, lorsqu’elles se sont passées dans votre chambre ? Que faisait ici le Sélictar ? Qu’y faisait Synèse ? Tous mes gens l’ignorent. Serez-vous sincère à me faire ce récit ? – Voilà les craintes, me dit-elle, qui m’ont le plus effrayée. J’ai prévu, ne trouvant que de l’obscurité dans ce que vous apprendriez ici, que vous auriez peine à m’exempter de quelques soupçons ; mais j’atteste le Ciel que je ne vois pas plus clair que vous dans ce qui vient d’arriver. À peine étiez-vous parti, continua-t-elle, que n’ayant pensé qu’à me retirer, Bema m’est venue tenir de longs discours auxquels j’ai prêté peu d’attention. Elle m’a raillée du goût que j’ai pour la lecture et pour les autres exercices qui font mon occupation. Elle m’a parlé de tendresse et de la douceur qu’on trouve à mon âge dans les douceurs de l’amour. Cent histoires de galanterie qu’elle m’avait racontées, m’ont paru comme autant de reproches qu’elle me faisait de ne pas suivre de si agréables exemples. Elle a sondé mes sentiments par diverses questions ; et cet empressement que je ne lui avais jamais vu, commençant à me devenir importun, j’ai d’autant plus souffert de la nécessité où j’étais de l’écouter, qu’elle m’avait fait entendre que vous lui aviez donné quelque empire sur moi et qu’elle ne prétendait qu’à l’employer à me rendre heureuse. Enfin, m’ayant quittée, après m’avoir mise au lit, il s’était passé à peine un instant lorsque j’ai entendu doucement frapper à ma porte. J’ai reconnu Synèse à la lumière de ma bougie. Sa vue m’a causé plus de surprise que de frayeur ; cependant, tout ce que vous m’avez raconté étant revenu à ma mémoire, j’aurais témoigné de l’inquiétude, s’il ne m’était tombé dans l’esprit pour expliquer sa visite, que vous aviez pu lui pardonner en arrivant à Constantinople, et que vous me l’aviez peut-être renvoyé avec quelques ordres dont vous l’aviez chargé pour moi. J’ai souffert qu’il se soit approché. Il m’a commencé un discours qui ne contenait que des plaintes de son sort, et que j’ai interrompu lorsqu’il m’a paru certain qu’il n’était point ici de votre part. Entre mille témoignages de douleur, il s’est jeté à genoux devant mon lit avec beaucoup d’agitation. C’est dans ce moment que Bema est entrée avec le Sélictar ; ne me demandez plus ce que l’augmentation de mon trouble ne m’a pas permis de remarquer distinctement. J’ai entendu les cris de Bema qui reprochait sa témérité à Synèse, et qui excitait le Sélictar à l’en punir. Ils avaient tous deux des armes ; Synèse menacé s’est mis en état de se défendre. Mais, ayant été blessé par le Sélictar, il l’a saisi au corps, et je voyais les deux poignards briller en l’air dans les efforts qu’ils faisaient tous deux pour se porter des coups et pour les repousser. Le bruit de leur combat, plutôt que mes cris, car ma frayeur les rendait trop faibles pour se faire entendre, a fait venir vos domestiques ; et tout ce que j’en ai pu recueillir depuis ce moment, est qu’on était parti, à ma prière, pour aller presser votre retour. » Son innocence était si claire dans ce récit, que, regrettant de l’avoir soupçonnée, je m’efforçai au contraire de la délivrer d’un reste de frayeur qui paraissait encore dans ses yeux. Et peut-être qu’au milieu de mes vives protestations d’attachement, dont je crus remarquer qu’elle s’attendrissait, j’aurais emporté insensiblement ce que j’avais renoncé à lui demander, si mes propres résolutions ne m’eussent soutenu contre l’émotion de mes sens. Mais mon système était formé, et je crois que dans les sentiments auxquels j’étais revenu pour elle, j’aurais été fâché de lui trouver une facilité qui aurait diminué quelque chose de mon estime. Cependant, ne laissant rien échapper de ce qui était capable de flatter mon cœur, je tirai assez de satisfaction de cette rencontre pour regarder les obscurités qui me restaient encore à pénétrer, comme des évènements qui commençaient à me toucher moins, et que j’allais examiner avec un esprit plus libre. « Souvenez-vous, dis-je à Théophé, pour lui faire connaître une partie de mes espérances, que vous m’avez laissé entrevoir aujourd’hui ce que je me flatte de découvrir quelque jour plus parfaitement. » Elle parut incertaine du sens de ce discours. « Je m’explique assez, » repris-je. Et je me persuadai, en effet, en la quittant, qu’elle avait feint de ne pas m’entendre. Je me fis amener aussitôt Bema. Cette artificieuse esclave espéra pendant quelques moments de me tromper par des impostures. Elle entreprit de me persuader que c’était le hasard qui avait amené chez moi le Sélictar, à l’entrée de la nuit, et que s’étant aperçue au moment qu’elle l’avait rencontré, que Synèse était dans l’appartement de Théophé, son zèle pour l’honneur de ma maison l’avait portée à prier ce seigneur de punir l’insulte que je recevais de ce jeune téméraire. L’ayant vu disparaître avant qu’elle eût été arrêtée, elle se flattait encore que si elle n’avait pas quitté tout à fait ma maison, il aurait regagné secrètement son asile, et que dans l’une ou l’autre supposition, elle aurait le temps de le prévenir sur ce qu’elle inventait pour sa défense. Mais je n’avais pas été si longtemps en Turquie sans savoir les droits qu’un maître a sur ses esclaves, et ne voyant aucune apparence que le Sélictar se fût retiré furtivement s’il était venu dans ma maison avec des vues innocentes, je résolus d’employer les voies les plus rigoureuses pour éclaircir la vérité. Les raisons que mon valet de chambre avait eues d’arrêter Bema, devaient faire sur moi autant d’impression du moins que sur lui. En un mot, je parlai de supplices à mon esclave, et le ton qu’elle me vit prendre lui faisant croire cette menace sérieuse, elle me confessa en tremblant le fond de son intrigue.

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