CHAPITRE VI Winston écrivait dans son journal : Il y a de cela trois ans. C’était par un sombre après-midi, dans une étroite rue de traverse, près de l’une des grandes gares de chemin de fer. Elle était debout près d’un porche, sous un réverbère qui éclairait à peine. Elle avait un visage jeune, recouvert d’une épaisse couche de fard. C’est en réalité le fard qui m’attire, sa blancheur analogue à celle d’un masque, et le rouge éclatant des lèvres. Les femmes du Parti ne fardent jamais leur visage. Il n’y avait personne d’autre dans la rue, pas de télécran. Elle dit deux dollars. Je… Il était pour l’instant trop difficile de continuer. Winston ferma les yeux et les pressa de ses doigts, pour essayer d’en expurger le tableau qui s’obstinait à revenir. Il sentait le désir, presque irrésist