La porte oublieuseCe sera par un soir d’hiver plein de lumières,Après que quelques mois se seront écoulés,Un soir si froid qu’il met des larmes aux paupièresEt mon pas sonnera sur le trottoir gelé. La maison qui jadis m’était si merveilleuseEntre d’autres maisons pareilles sera là.La fenêtre ordinaire et la porte oublieuseAvec un air joyeux ne m’accueilleront pas. Je gravirai à chaque étage plus timideL’escalier qu’autrefois je montais en courantEt je le trouverai plus solennel, plus vide,Interminable avec ses seuils indifférents. Je sonnerai ; soudain des fentes de la porteViendra le cher parfum de son appartementEt durant un instant les bouquets de fleurs mortesAuront ressuscité miraculeusement. La porte s’ouvrira comme aux jours magnifiquesEt sous cet angle étroit laissant voir le salonEt l’antichambre avec ses plantes exotiques,Le cadre du bonheur semblera plus profond. Les meubles familiers seront aux mêmes places :Je verrai l’abat-jour, les bibelots connus,Je verrai la banquette et la petite glace,Mais le chien que j’aimais ne me connaîtra plus. Il aboiera pour me chasser, lui que naguèreJe comblais d’amitié, de caresses, de soins,Qui léchait près de moi les mains qui m’étaient chèresEt qui dormait la nuit couché sur nos pieds joints. Je sentirai tout près, la présence légère,À d’invisibles frôlements, à presque rien,Au souffle parfumé d’une intime atmosphère.« Madame n’est pas là », dira-t-on. « Merci bien. » Il fera beau dehors. J’irai d’un pas tranquille…Je me rappellerai les premiers rendez-vous…La rue au loin sera longue, infinie, hostile…Et je dirai : « C’est bien… Voilà… » Ce sera tout.