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Le Talon de fer

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Extrait : "La brise d'été agite les pins géants, et les rides de la Wild-Water clapotent sur ses pierres moussues. Des papillons dansent au soleil, et de toutes parts frémit le bourdonnement berceur des abeilles. Seule au sein d'une paix si profonde, je suis assise, pensive et inquiète. L'excès même de cette sérénité me trouble et la rend irréelle."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.

• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Préface
Préface Le TALON DE FER, c’est le terme énergique par lequel Jack London désigne la ploutocratie. Le livre qui, dans son œuvre, porte ce titre, fut publié en 1907. Il retrace la lutte qui éclatera un jour entre la ploutocratie et le peuple, si les destins, dans leur colère, le permettent. Hélas ! Jack London avait le génie qui voit ce qui est caché à la foule des hommes et possédait une science qui lui permettait d’anticiper sur les temps. Il a prévu l’ensemble des évènements qui se déroulent à notre époque. L’épouvantable drame auquel il nous fait assister en esprit dans Le Talon de Fer n’est pas encore devenu une réalité, et nous ne savons pas où et quand s’accomplira la prophétie de l’Américain disciple de Marx. Jack London était socialiste et même socialiste révolutionnaire. L’homme qui, dans son livre, distingue la vérité et prévoit l’avenir, le sage, le fort, le bon, se nomme Ernest Everhard. Comme l’auteur, il fut ouvrier et travailla de ses mains. Car vous savez que celui qui fit cinquante volumes prodigieux de vie et d’intelligence et mourut jeune, était le fils d’un ouvrier et commença son illustre existence dans une usine. Ernest Everhard est plein de courage et de sagesse, plein de force et de douceur, tous traits qui sont communs à lui et à l’écrivain qui l’a créé. Et pour achever la ressemblance qui existe entre eux, l’auteur suppose, à celui qu’il réalisa, une femme d’une grande âme et d’un esprit fort, dont son mari fait une socialiste. Et nous savons d’autre part que Mrs. Charmian quitta, avec son mari Jack, le Labour-Party dès que cette association donna des signes de modérantisme. Les deux insurrections qui font la matière du livre que je présente au lecteur français sont si sanguinaires, elles présentent dans le plan de ceux qui les provoquent une telle perfidie et dans l’exécution tant de férocité, qu’on se demande si elles seraient possibles en Amérique, en Europe, si elles seraient possibles en France. Je ne le croirais pas si je n’avais l’exemple des journées de juin et la répression de la Commune de 1870, qui me rappellent que tout est permis contre les pauvres. Tous les prolétaires d’Europe ont senti, comme ceux d’Amérique, le TALON DE FER. Pour le moment le socialisme en France, de même qu’en Italie et en Espagne, est trop faible pour avoir rien à craindre du TALON DE FER, car l’extrême faiblesse est l’unique salut des faibles. Nul TALON DE FER ne marchera sur cette poussière de parti. Quelle est la cause de sa diminution ? Il faut peu de chose pour l’abattre en France où le chiffre des prolétaires est faible. Pour diverses raisons, la guerre qui se montra cruelle au petit bourgeois qu’elle dépouilla sans le faire crier, car c’est un animal muet, la guerre ne fut pas trop inclémente à l’ouvrier de la grande industrie qui trouva à vivre en tournant des obus et dont le salaire, assez maigre après la guerre, ne tomba pourtant jamais trop bas. Les maîtres de l’heure y veillaient et ce salaire n’était après tout que du papier que les gros patrons, voisins du pouvoir, n’avaient pas trop de peine à se procurer. Tant bien que mal l’ouvrier vécut. Il avait entendu tant de mensonges qu’il ne s’étonnait plus de rien. C’est ce temps-là que les socialistes choisirent pour s’émietter et se réduire en poussière. Cela aussi est, sans morts ou blessés, une belle défaite du socialisme. Comment arriva-t-elle ? Et comment toutes les forces d’un grand parti tombèrent-elles en sommeil ? Les raisons que je viens de donner ne sont pas suffisantes pour l’expliquer. La guerre y doit être pour quelque chose, la guerre qui tue les esprits comme les corps. Mais un jour la lutte du travail et du capital recommencera. Alors verra-t-on des jours semblables aux révoltes de San-Francisco et de Chicago dont Jack London nous montre, par anticipation, l’horreur indicible. Il n’y a aucune raison pourtant de croire que ce jour-là (ou proche ou lointain), le socialisme sera encore broyé sous le TALON DE FER et noyé dans le sang. On avait crié en 1907, à Jack London : « Vous êtes un affreux pessimiste. » Des socialistes sincères l’accusaient de jeter l’épouvante dans le parti. Ils avaient tort. Il faut que ceux qui ont le don précieux et rare de prévoir, publient les dangers qu’ils pressentent. Je me souviens d’avoir entendu dire plusieurs fois au grand Jaurès : « On ne connaît pas assez parmi nous la force des classes contre lesquelles nous avons à lutter. Elles ont la force et on leur prête la vertu ; les prêtres ont quitté la morale de l’église pour prendre celle de l’usine ; et la société tout entière, dès, qu’ils seront menacés, accourra pour les défendre. » Il avait raison, comme London a raison de nous tendre le miroir prophétique de nos fautes et de nos imprudences. Ne compromettons pas l’avenir ; il est à nous. La ploutocratie périra. Dans sa puissance on distingue déjà les signes de sa ruine. Elle périra parce que tout régime de castes est voué à la mort ; le salariat périra parce qu’il est injuste. Il périra gonflé d’orgueil en pleine puissance, comme ont péri l’esclavage et le servage. Et déjà, en l’observant attentivement, on s’aperçoit qu’il est caduc. Cette guerre, que la grande, industrie de tous les pays du monde a voulue, cette guerre qui était sa guerre, cette guerre en qui elle mettait une espérance de richesses nouvelles, a causé tant de destructions et si profondes, que l’oligarchie internationale en est elle-même ébranlée et que le jour approche où elle s’écroulera sur une Europe ruinée. Je ne puis vous annoncer qu’elle périra d’un coup, et sans luttes. Elle luttera. Sa dernière guerre sera peut-être longue et aura des fortunes diverses. Ô vous, héritiers des prolétaires, ô générations futures, enfants des nouveaux jours, vous lutterez, et quand de cruels revers vous feront douter du succès de votre cause, vous reprendrez confiance et vous direz avec le noble Everhard : « Perdue pour cette fois, mais pas pour toujours. Nous avons appris bien des choses. Demain la cause se relèvera, plus forte en sagesse et en discipline. » ANATOLE FRANCE.

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