Chapitre 6

1250 Words
Point de vue de Winter   Je ne sais pas combien de choses, je peux encore supporter. Chaque jour, c'est la même histoire ennuyeuse, la même routine banale, et les bleus qui ne semblent jamais complètement guérir avant d'être remplacés par de nouveaux, que ce soit par mon frère ou par mon père, sans parler des enfants à l'école. Je suis actuellement sous la douche, essayant frénétiquement de me laver les cheveux à cause du soda qu'ils ont pris plus tôt dans la journée. C'est si collant et horrible, ça sent même légèrement mauvais et je plisse le nez de dégoût. À ce rythme, il me faudra peut-être prendre une autre douche plus tard pour enlever complètement tout ça de mes cheveux. Ou je devrai les couper, ce que je refuse catégoriquement de faire, peu importe le temps que ça prendra pour enlever cette fichue saleté.  Enfin, j'ai fait ce que je pouvais pour enlever les résidus collants et je sors, m'arrêtant net en voyant nul autre que mon frère Damien assis sur mon lit, l'air amusé de ma terreur. Il a un large sourire sur le visage et je suis instantanément tendue en le voyant. Il me tend un livre et je sens mon cœur sombrer. J'ai déjà tellement de devoirs et il allait en rajouter. Je respire silencieusement et compte jusqu'à dix. S'il te plaît, ne me frappe pas, me dis-je, j'ai encore mal à cause de ce qui s'est passé tout à l'heure. Peut-être qu'il me laisserait tranquille ? Peut-être qu'il voulait autre chose, mais j'en doute fortement. “Calme-toi”, dit Damien, d'un air impatient, même si je me crispe en attendant la gifle ou le coup inévitable qui suit habituellement. À ma grande surprise, il n'y en a pas eu. Je commence à me détendre même si je sais qu'il est possible qu'il me frappe quand même. “Je veux juste te donner mes devoirs”, dit-il et il jette le livre. Je le rattrape maladroitement et il observe ma main, les doigts ayant été pliés en arrière, mais si douloureux que c'est tout ce que je peux faire est de ne pas crier de douleur. Il a vu ça et ses yeux se sont légèrement rétrécis pendant un instant. Pendant un moment, il y a eu le silence et j'ai vu quelque chose briller dans les yeux de mon frère. J'ai cligné des yeux, étonnée. Avais-je vu de l'inquiétude dans son regard pendant un instanton étais-je en train d'halluciner ? Depuis quand montre-t-il ne serait-ce qu'une once d'inquiétude à mon égard ? C'est assez pour me choquer. Il se mord la lèvre en se levant et se dirige vers la porte. Je reste immobile, m'attendant à ce qu'il parte simplement ou me frappe, mais encore une fois, il me prend par surprise. “Un avertissement", murmure-t-il entre ses dents, mes oreilles tendues alors que j'entends ses paroles. "Père est en bas et il est en train de boire à nouveau", Il respire, presque comme s'il essayait de me prévenir et je sens mon cœur battre la chamade. Génial, c'est la dernière chose dont j'ai besoin de m'occuper aujourd'hui, même si je m'y suis habituée maintenant. Puis, comme ça, il est parti. Je suis étonnée par son inquiétude, mais c'est éphémère, car je sens la peur monter en moi. Il n'y a qu'une seule raison pour que père rentre à la maison aussi tôt, c'est parce qu'il a soit quitté le travail plus tôt, soit, une fois de plus, il a perdu son emploi. Je soupçonnais la deuxième option. Bordel. J'ai envie de crier de frustration, de donner des coups contre la porte et de laisser sortir les sentiments que je cache en moi, mais au lieu de ça, je me mords les lèvres, si fort que je peux goûter le sang avant de descendre pour préparer le dîner. J'essaie d'être aussi silencieuse que possible pour ne pas attirer l'attention sur moi. Si j'ai de la chance, il sera peut-être complètement assoupi. Je prie même qu'il le soit en marchant vers la cuisine.   Quand Damien a dit que père avait bu, il ne plaisantait pas. À mi-chemin dans les escaliers, je pouvais sentir la puanteur de l'alcool mélangée à sa transpiration, son odeur corporelle dégoûtante due à son manque d'hygiène. En fait, c'est un miracle que cela ait pris aussi longtemps pour qu'il perde son emploi actuel. Son hygiène est dégoûtante. L'odeur est dégoûtante et je frissonne en essayant de descendre les marches sur la pointe des pieds. Dans des moments comme ceux-ci, quand il boit plus que d'habitude, il est préférable d'être aussi silencieux que possible, invisible si on peut le faire. Mais il m'a entendu et s'est retourné depuis le canapé. Je l'ai regardé se lever, titubant, une bouteille de bière à la main, ses yeux perçants et gonflés, rouges de son alcoolisme, l'odeur de son corps non lavé qui me parvient. Il a un petit sourire tordu sur son visage quand il s'approche, son haleine sentant le ciel et j'essaie de ne pas avoir de haut-le-cœur. J'attends, j'ai mal au ventre, et instinctivement, je recule légèrement, sachant que ce qui va se passer ne sera pas bon. Il me fixe trop intensément pour que je puisse espérer que ce ne soit que mon imagination. Puis encore une fois, quand est-ce que ça a été quelque chose de gentil, je pense avec amertume. Je songe à m'enfuir par la porte, mais cela ne ferait que retarder l'inévitable et je devrais rentrer à la maison tôt ou tard, affronter la musique, et à ce moment-là, Damien se joindrait très probablement à ma punition. Je me ressaisis et j'espère que ce qui va arriver sera vite terminé pour que je puisse préparer le dîner, mon estomac grondant de faim. Peut-être qu'il ne me lancera que des insultes s'il est trop ivre pour me frapper avec précision. “Eh bien, eh bien, eh bien, si ce n'est pas la petite meurtrière”, dit-il d'une voix pâteuse et je sursaute instinctivement alors qu'il éclate d'un rire dérisoire. Il est clairement ivre, tant de bouteilles de bière éparpillées par terre que même moi, je suis étonnée. C'est beaucoup plus que d'habitude. Combien de temps a-t-il bu pendant que j'étais à l'étage ? Je ne dis rien, sachant qu'il était préférable de ne pas le provoquer davantage. Cela ne ferait que le mettre encore plus en colère qu'il ne l'est déjà. Il agite la bouteille de bière d'un air menaçant devant mon visage et je recule d'un pas hésitant. Elle est encore à moitié pleine de liquide et lourde dans sa main, bien qu'il ne semble pas le remarquer, trop absorbé à m'examiner avec une haine pure dans les yeux. Je ne suis pas une meurtrière, je me répète silencieusement, mais c'est si silencieux que je commence à croire que je le suis, on m'a dit ça tellement de fois. Je suis tellement habituée à sa haine et à son mépris que je n'y réagis même plus. Puis il lève la main bien haut dans les airs et j'essaie de bouger, de courir, mais il m'attrape par les cheveux et tire jusqu'à ce que je reste immobile, les yeux fermés, les larmes coulant sur mes joues. Je ne ressens rien d'autre qu'une douleur aiguë au sommet de ma tête avant que tout ne devienne sombre et que je ne sache plus si je suis morte ou vivante. À l'heure actuelle, être morte serait considéré comme une bénédiction.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD