CHAPITRE II

2948 Words
UNE RENCONTRE, UN DESTIN CHAPITRE II -MOI : Ayant reçu une éducation puritaine avec pour socle les canons de la chrétienté, Daddy notre père s’était fait le devoir de la transmettre à sa progéniture que nous sommes. Pour lui, la foi en Dieu, l’abandon à la miséricorde infinie de la providence était la voie royale pour une vie réussie, le catalyseur d’une vie familiale harmonieuse, fondamentalement ancrée dans les valeurs sacro-saintes d’amour, de don de soi, de tolérance, de compréhension et de partage. Nous devions faire de la recherche du paradis notre cheval de bataille et de Dieu notre refuge de tous les instants, pour qu’en toutes circonstances, sa grâce nous soit fidèle. Que nous bénéficions tous les jours de nos vies de sa protection et de son assistance, en somme, que ses innombrables faveurs soient notre partage. A cet égard, l’articulation première de nos journées était la prière, il fallait se lever de bonne heure pour sacrifier à cette obligation, pour laquelle le chef de famille ne faisait aucune concession. Il s’était d’ailleurs fait le devoir de faire le tour des chambres quotidiennement pour nous réveiller et nous convier à cet exercice matinal, qui était devenu une institution. Nous y prenions part de bonne grâce. Il me souvient qu’un matin, faisant comme à l’accoutumée sa ronde matinale pour les besoins de la cause, par une période d’abondantes pluies donc de froid saisissant, qui coïncidait par ailleurs avec la session intensive (période d’examens scolaires) dans l’établissement de mes aînés, qui en plus d’être frigorifiés, d’ailleurs comme toute la maisonnée, étaient sur les rotules pour avoir révisé tard, Daddy avait dû se mettre en quatre pour que nous déférions à cette sollicitation journalière traditionnelle qu’il avait érigée en règle et en norme de gestion de la famille : le cœur à cœur profond avec notre Créateur. -ERIC LEVERTUEUX : Debout tout le monde (…silence radio…) -MOI : Il avait dû se reprendre par quatre fois, pour avoir un premier écho. -Gabrielle-Ange : Oui Daddy. -ERIC LEVERTUEUX : Je ne voudrais plus avoir à me reprendre, réveille tes frères et rendez-vous devant l’autel, on commence exactement dans 15 minutes. Mettez ce laps de temps à contribution pour chasser complètement la léthargie et être d’aplomb, pour qu’à l’unisson, nous élevions nos voix vers le Seigneur. Faites preuve de délicatesse en réveillant MARC-AURELE, pour qu’il ne se répande pas comme à son habitude, en pleurs à n’en point finir et perturbe la prière. Magnez-vous, plus tôt on commencera, plus tôt vous vous libérerez pour vous apprêter pour l’école. -MOI : Maman qui était une habituée de la pratique de la prière, ‘’son abreuvoir, la nourriture de la vie éternelle’’ comme elle la qualifiait elle-même était toujours la première à investir l’autel pour la grande rencontre matinale. Ce jour-là, elle y était depuis un moment, adepte de longues prières notamment le rosaire, elle anticipait toujours sur l’heure commune de prière pour avancer suffisamment dans ce pilier de la foi chrétienne catholique. Celui-ci n’était mis en veilleuse (lorsqu’elle n’avait pas réussi à ‘’l’éprouver’’ de tout son long), que lorsque débutait la prière divinatoire matinale de groupe. L’oraison au demeurant, était un moment privilégié pour elle, des instants de pur bonheur, elle s’en délectait tout particulièrement. -Gabrielle-Ange : Nous sommes prêts Daddy, en dehors bien entendu de MARC-AURELE. Comme toujours, ce matin encore, il fait des siennes. Malgré mes nombreux appels et tentatives pour le réveiller, il n’a pas bougé d’une semelle, il a à peine ouvert un œil pour bredouiller qu’il est fatigué et que je le laisse dormir. -ERIC LEVERTUEUX : ça va, je m’en occupe. Debout MARC-AURELE. -MOI : Connaissant bien l’attachement de Daddy à la prière, l’énergie qu’il y mettait et la hargne dont-il faisait preuve pour faire sauter les goulots d’étranglement, pesanteurs et autres obstacles à sa pratique, le son de sa voix rauque m’avait sorti de ma léthargie de suite. Tel un robot, j’avais rejoint la famille devant l’autel. Je redoutais en effet la bastonnade matinale, ce qu’il appelait ‘’fessée nationale souveraine’. Mon père appréciait très modérément des incartades de cette nature, c’était quasiment un casus belli pour lui, que de ne pas répondre spontanément à l’appel pour la prière. Il ne faisait aucune concession relativement à l’heure arrêtée pour cette pratique de toute importance. Il fallait la respecter de manière stricte, sans autre forme de procès. En effet, mon père était très tatillon sur la ponctualité, il tenait cette qualité de son passage au séminaire où tout était synchronisé. Ce qui était prévu, devait être fait, avec soin et en son temps. Aucune dérogation n’était possible. Il était véritablement dirigiste à cet égard. Il faut relever ici que pour mon père, il était établi que le Seigneur ne s’installait dans ta demeure que si tu l’y invitais. Il fallait lui aménager un espace dans ton cadre de vie, un coin à lui, un sanctuaire où tous les jours, la famille devait se réunir pour un moment d’échange avec lui. C’est ainsi qu’on renforçait ses liens, sa relation avec lui. Il fallait nourrir cette relation hautement importante, la réchauffer quotidiennement pour qu’elle demeure flamboyante. La voie consacrée pour ce faire, c’était la rencontre quotidienne avec son Dieu. Le Seigneur avait sa place dans les demeures construites par mon père en milieu rural tout comme en milieu urbain. Un autel l’y était aménagé, meublé d’un crucifix, de livres de prière et autres sacramentaux pour la pratique de la prière, conformément aux usages de la foi chrétienne catholique. La prière pouvait commencer. ERIC LEVERTUEUX : Notre secours est dans le nom du Seigneur. Nous : Qui a fait le ciel et la terre. ERIC LEVERTUEUX : Seigneur exauce notre prière. Nous : Et que nos cris parviennent jusqu’à toi. ERIC LEVERTUEUX : lecture d’un passage de la bible savamment choisi en fonction du thème préalablement arrêté pour la méditation. Prêche et méditation. Enfin oraison. Eternel Notre Père, Notre Dieu, Dieu saint, Dieu d’amour et de miséricorde, Seigneur Père très aimant, ma famille et moi-même te bénissons et te sanctifions, car tu es un Dieu fidèle, un Dieu infiniment bon et infiniment aimable, lent à la colère, riche en miséricorde, tu fais briller le soleil sur les bons et les méchants. Merci pour le souffle de vie que tu renouvelles en nous ce matin, merci pour cette aube nouvelle que tu nous offres, alors que nous n’avons aucun mérite, parce que fondamentalement englués dans le péché. Nombreux de nos semblables sont couchés dans les hôpitaux, d’autres encore dans les maisons de glace, mais tu nous fais grâce d’expérimenter encore ta sainte face ce matin, jouissant de la plénitude de nos moyens. Nous te demandons pardon pour nos péchés, pardon pour nos égarements et errements, pardon pour ton amour que nous n’avons pas su partager. Prends le total contrôle de nos vies, guide nos pas, veille sur nous, sur nos proches, sur toutes les personnes qui nous sont chères. Puisse ta volonté s’accomplir toujours au sein de notre famille, toi qui vis et règne d’éternité en éternité. Amen. Très bonne journée à tous, soyez bénis. Soyez appliqués à l’école les enfants, nous attendons de bonnes notes. MOI : c’était à peu près notre quotidien. Une fois ce chapitre d’importance clos (prière), nous nous activions aux petites tâches ménagères, après quoi, il fallait rapidement prendre son bain et s’apprêter pour les classes (on devait se rassurer que les effets scolaires qui allaient nous servir étaient dans le cartable en fonction du planning des cours du jour). Très souvent, mon frère et ma sœur effectuaient les tâches ménagères qui leur étaient dévolues la veille, pour mettre l’après-prière à contribution, pour l’ultime révision avant le départ au lycée. Exceptionnellement, en période d’examens, nous étions dispensés des tâches ménagères matinales. Maman seule s’en occupait. Pendant que nous nous affairions dans nos manuels scolaires ou alors aux petits travaux ménagers, maman s’activait au fourneau pour apprêter le petit déjeuner. Papa, prenait généralement sa tasse de thé et à 6 heures au plus tard, il était parti. C’était d’ailleurs son unique repas de la matinée, il ne s’était jamais accommodé aux repas proposés dans les restaurants et autres gargotes. Ne manger qu’à son domicile était un principe pour lui et il rentrait toujours pour le repas de midi sauf urgence au bureau. Nous autres par contre, prenions l’en-cas autour de 6H30 et à 6H50 dans le pire des cas, nous étions en route pour le lycée et moi pour l’école. Lesdits établissements étaient situés à peu près à 25 minutes de la maison. Il fallait y être avant 7H24, heure de retentissement de la première sonnerie, celle qui demandait aux élèves de regagner les salles de classe. Le début des cours proprement dits étant prévu à 7H30. Naturellement, au sortir de la maison, nous souhaitions bonne journée à maman, non sans lui avoir fait un câlin. Nous : Bye maman. MARIE ANTOINETTE : Bye les enfants. Travaillez bien à l’école. Je sors mon étal dans la cour, y expose ma marchandise et vaque à mes activités ménagères. A 8h tout est propre, je me rends tout de suite au marché, il faudrait que le repas soit prêt pour le retour de mon époux à midi. Je demande à ma voisine de veiller sur ma marchandise pendant que je suis au marché et la renseigne sur les prix des produits proposés au cas où il y aurait des clients pendant mon absence. Elle m’avait toujours suppléée de bonne grâce dans cet office. Il faut reconnaître que nous entretenions des rapports privilégiés. VOISINE : ça ne me pose aucun problème ma sœur, je connais d’ailleurs les prix. Tu peux aller faire ton marché le cœur léger. J’assure tes arrières. MARIE ANTOINETTE : Merci ma sœur, je te sais gré de ta gentillesse. VOISINE : Je t’en prie MA’A. MARIE ANTOINETTE : Je fais le marché au pas de course pour être de retour à la maison dans les délais les plus raccourcis et apprêter le repas de midi, mon époux rentre dîner avec son collègue, m’a-t-il dit en quittant la maison le matin. 35 minutes après, je suis de retour, je passe chez la voisine pour l’informer de mon retour, séance tenante, elle me fait le bilan des ventes effectuées et m’en remet le fruit. Je la remercie et regagne mon domicile pour faire étalage de mes immenses talents au fourneau. Je concocte du bouillon de jarret de bœuf aujourd’hui avec de la banane-plantain vapeur pour le repas de midi, mon époux en raffole, son invité et lui vont se régaler, j’en suis convaincue. En effet, il apprécie beaucoup mes talents de cuisinière et ne tarit pas d’éloges à mon endroit, pour lui je suis la meilleure dans le domaine culinaire, un cordon bleu au doigté incomparable. Mes petits plats font son bonheur et celui de mes enfants. 90 minutes ont suffi pour que le repas soit prêt. J’ai tout de dressé la salle à manger et suis allée prendre mon bain pour attendre l’arrivée de mon époux et son hôte. A 12H 15 pétantes, ils étaient là. ERIC LEVERTUEUX : Coucou chérie, nous sommes là, comme je te l’indiquais ce matin, je suis avec mon collègue que voici, il se nomme Henri, nous travaillons dans le même service et nous entendons comme larrons en foire. Il sait pouvoir compter sur moi et c’est réciproque. J’ai tenu à ce qu’il vienne dîner avec nous ce midi d’abord pour qu’il sache où j’habite, mais surtout pour qu’il découvre les délices de cette maison en matière culinaire. Peut-être comprendra-t-il enfin, pourquoi je rechigne à m’alimenter en dehors de mon domicile. Manger à la maison est un moment incomparable, un pur régal, tout mon bonheur est là. Henri, voici Marie Antoinette, mon épouse. Henri : Bonjour Madame, je suis très heureux de faire votre connaissance, votre époux nous a souvent parlé de vous, merci de m’accueillir chez vous. MARIE ANTOINETTE : je réponds à la fleur à moi faite par mon époux de même qu’aux salutations à moi adressées avec un large sourire et y répond avec effusion. Bonjour chéri, bonjour monsieur, le plaisir est partagé, soyez les bienvenus. Dans la foulée, j’apporte à manger, ils se régalent sous mon regard attentif et prennent congé non sans m’avoir remerciée. Henri : Infiniment merci Madame, le repas était des plus succulents, je repars avec une sensation de revenez-y, votre époux est loin d’être excessif lorsqu’il vante vos talents culinaires, je suis subjugué, conquis. A très bientôt. ERIC LEVERTUEUX : Merci chéri, à ce soir. MARIE ANTOINETTE : Bon retour et bon boulot. MOI : A partir de 14h, nous rentrions tour à tour des classes, j’étais toujours le premier à arriver à la maison parce que le plus jeune, forcément celui qui se libérait plus tôt. Mes frère et sœur rentraient un peu plus tard, généralement autour de 17H. L’usage de la maison, qui fait partie intégrante de l’éducation reçue de nos parents, était que du retour des classes, nous devions prioritairement prendre notre bain quelle que soit l’acuité ou la gravité de la dalle qu’on pouvait avoir avant de prétendre à quelconque repas. Après avoir embrassé ma mère ce jour, je pris d’assaut la salle de bain pour sacrifier au rituel. J’avais particulièrement faim. Cela fait, je me rendis à la cuisine pour chercher mon plat de nourriture que ma mère avait déjà apprêté. C’était le même traitement pour tout le monde. Dès 19H, nous investissions l’espace réservé à l’étude pour les besoins de la cause. Avant d’aller au pieu, il fallait faire sa prière. Et le lendemain, c’était la même recette. Les jours en semaine se suivaient et se rassemblaient. Seuls les débuts de week-ends et les week-ends proprement dits avaient une autre coloration. Vendredi soir déjà, c’était quartier libre, nous passions le clair de la soirée devant le petit écran : films, commentaires et autres épopées de la semaine étaient au menu, sous un chahut indescriptible et des rires à tout rompre. Exceptionnellement ce jour, les parents n’étaient pas regardants, ils faisaient preuve de compréhension, de magnanimité. Seulement à 23 heures tout le monde devait être au lit pour l’activité dédiée au Samedi, elle était inscrite en lettres d’or dans l’agenda de cette journée. ERIC LEVERTUEUX : (Samedi matin après la prière), mettez rapidement vos combinaisons pour le champ. Il faudrait qu’à 6 heures au plus tard nous soyons à pied d’œuvre pour en découdre avant que le soleil ne soit cuisant. MARC-ANTOINE : Papa, j’ai travaux pratiques au lycée aujourd’hui. Gabrielle-Ange : Moi-même j’ai des travaux dirigés papa, et puis le compte à rebours est plus que jamais lancé, nous avons amorcé la pente irréversible qui mène au baccalauréat. Plus que jamais je dois redoubler d’ardeur au travail, la concentration doit être de mise. D’ailleurs, nous avons prévu, avec les camarades, après les travaux dirigés, de corriger les anciens sujets. Mon objectif constant et réitéré comme tu le sais Daddy, est d’avoir mon examen avec panache. Je vise la mention bien. ERIC LEVERTUEUX : Je vous dispense donc des travaux champêtres, mais sachez tout de même que la pratique de cette activité est nécessaire, de même celle du sport pour aérer l’esprit et disposer le cerveau à une meilleure captation et assimilation des connaissances nouvelles. L’harmonie, mieux, l’équilibre corps et esprit doit être de mise pour une préparation optimale de vos examens. Moi : Nous avions travaillé ce jour jusqu’à 12 heures en raison de la clémence du temps et avions tout de suite repris le chemin de la maison. Mon père n’avait jamais été favorable au travail sous la canicule. Nous n’avions même pas eu le temps de récupérer que quelqu’un frappait déjà à la porte. Il venait s’attacher les services de plombier sanitaire de Daddy, c’était l’une de ses bricoles (activité secondaire) à ses heures perdues. ERIC LEVERTUEUX : Entrez Monsieur! Asseyez-vous ! Que puis-je faire pour vous. LE MONSIEUR : Merci bien, ce n’est pas nécessaire, je n’en ai pas pour longtemps, j’ai une fuite d’eau à la maison, je souhaiterais que vous veniez voir. ERIC LEVERTUEUX : Donnez-moi une minute, je prends mes outils. Votre domicile est loin d’ici ? LE MONSIEUR : Non, nous sommes voisins. ERIC LEVERTUEUX : Eh bien, allons-y. MARC-AURELE, tu fais quoi assis, porte le sac d’outils, on va chez le monsieur. MOI : Papa m’avait initié à cette bricole, tout comme mon frère aîné. Pour lui, un homme devait toucher à tout, il ne devait avoir aucun mystère, aucune barrière, aucun métier n’était réservé, rien n’était tabou. Pour lui, la polyvalence était fondamentale. MARIE ANTOINETTE : Je profite de leur virée ‘’professionnelle’’ pour réchauffer les reliefs du repas de la veille avant de faire la cuisine. A coup sûr, ils auront l’estomac sur les talons à leur retour. LE MONSIEUR : Voilà mon domicile, nous sommes arrivés. MOI : En un temps record, Daddy avait décelé la panne, posé le diagnostic et prescrit ce qu’il y avait à faire. ERIC LEVERTUEUX : C’est le tuyau alimentant votre douche qui s’est oxydé, il faut procéder à son remplacement et le problème sera réglé. Il coute 3 000 Francs et la main d’œuvre vous coutera 2 000 Francs. LE MONSIEUR : Tenez Monsieur, voilà 5 000 Francs CFA. ERIC LEVERTUEUX : Je démontai rapidement le tuyau endommagé et le remis à MARC-AURELE pour acheter celui de remplacement à la quincaillerie du coin. 15 minutes après, il était de retour, je fis le travail et nous rentrâmes à la maison. MARIE ANTOINETTE : Mes chéris vous êtes de retour. Ça tombe bien, le repas est prêt. MOI : sans se faire prier, nous nous mîmes tout de suite à table.
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