III
Les jours ouvriers cette grève était à peu près déserte ; mais les dimanches elle s’animait de groupes de marins, de portefaix riches et oisifs et de familles de négociants de la ville qui venaient se baigner ou s’asseoir entre l’ombre du rivage et le flot. Un murmure d’hommes, de femmes et d’enfants, heureux du soleil et du repos, se mêlait aux babillages des vagues légères et minces comme les lames d’acier poli sur le sable. De nombreux petits bateaux doublaient à la voile ou à la rame la pointe du cap de Notre-Dame de la Garde, ombragée de pins maritimes. Ils traversaient le golfe en rasant la terre, pour aller aborder sur la côte opposée. On entendait les palpitations de la voile, la cadence des huit rames, les conversations, les chants, les rires des belles bouquetières et des marchandes d’oranges de Marseille, filles de Phocée, amoureuses des golfes, et qui aiment à jouer dans les écumes de leur élément natal.