La veine de mon front bat la mesure de ma détresse.
Je la regarde, cette idiote, cette branque, cette saltimbanque, cet
amour. Qu’est-ce qu’elle est belle quand elle est dingue.
J’ai attendu trente-sept balais pour la trouver. Toutes mes histoires
d’avant sont devenues translucides dans mon esprit depuis qu’elle a
tout éclipsé d’un regard, d’un sourire. Et maintenant qu’enfin j’ai ma
perle, elle veut prendre le large, m’abandonner ? La vie n’a pas de
sens.
Meredith suit l’enchaînement de son raisonnement tissé de fils
absurdes.
— C’est parce que je t’aime que je veux faire ça ! crie-t-elle enfin.
Je dois courir le risque de te perdre pour me trouver, et mieux te
retrouver après, tu comprends ?
Jamais je n’ai entendu un truc aussi fou. Je dois dire, pour une
comédienne en herbe, qu’elle a déjà un remarquable sens de la
dramaturgie.
— De toute façon, on garderait contact ! tente-t-elle de me
rassurer.
— Ah ! Génial ! dis-je, amer. Je vais même avoir droit à quelques
textos…
— Antoine ! Ce sera mieux que ça, je te le promets. Notre
correspondance, par téléphone, mails, SMS, qu’importe, sera belle
comme un fil d’Ariane, tu verras ! Le fait de ne pas nous voir un
temps n’est pas la fin du désir, au contraire. Nous pourrions même
chérir ce manque…
Je tente de la ramener à la raison dans un ultime sursaut d’espoir,
en la secouant doucement par les épaules.
— Hé, oh ! Meredith ! On n’est pas dans une pièce de théâtre, là !
Tu délires complètement ! Tu m’annonces, froidement, que tu me
laisses en plan pour aller explorer je ne sais trop quelles questions
existentielles sur toi, moi, la vie, l’amour, et puis quoi encore ?
— Tu ne comprends pas…
— Ah oui ! Excuse-moi de ne pas comprendre, en effet !
— Je ne te laisse pas en rade, Antoine. C’est bien parce que tu es
au cœur de tous mes plans d’avenir que je fais tout ça, parce que je