Le lendemain de sa visite chez ses parents adoptifs, Clara se réveilla avec un étrange mélange d’apaisement et de confusion. Elle avait enfin confronté ses parents et obtenu les réponses qu’elle cherchait, mais ce n’était pas aussi simple qu’elle l’avait imaginé. La colère n’avait pas totalement disparu ; elle subsistait, discrète mais toujours présente. Et pourtant, au fond d’elle, quelque chose s’était apaisé.
Elle se leva doucement, ses pensées encore embrouillées par le flot d’émotions de la veille, et se dirigea vers le balcon pour respirer l’air frais du matin. Le vent léger jouait dans ses cheveux tandis qu’elle observait la ville s’éveiller sous elle. Elle se sentait entre deux mondes, prise entre la vie simple et stable qu’elle avait toujours connue, et cette nouvelle réalité où elle appartenait à une famille influente.
Petter s’approcha d’elle, son visage calme mais les yeux marqués par une inquiétude qu’il tentait de cacher. Il l’avait sentie distante depuis la révélation de ses origines, et bien qu’il respecte ses silences, il ne pouvait ignorer la sensation que quelque chose en elle avait changé.
— Tu veux en parler ? demanda-t-il doucement, posant une main rassurante sur son épaule.
Clara baissa les yeux, hésitante. Comment pouvait-elle expliquer ce qu’elle ressentait alors qu’elle-même peinait à comprendre ? Elle se contenta de hocher la tête, un sourire triste flottant sur ses lèvres.
— Je crois que j’ai besoin de temps, murmura-t-elle. J’ai enfin compris une partie de mon passé, mais… je ne sais pas comment avancer. C’est comme si tout ce que je pensais connaître s’était effondré.
Petter hocha la tête, respectant son besoin de silence, mais il resserra légèrement son étreinte autour d’elle.
— Prends tout le temps qu’il te faudra, Clara. Je serai là, quoi qu’il arrive.
Elle lui adressa un sourire faible, mais sincère, touchée par son soutien indéfectible. Elle savait que son amour pour lui restait fort, mais ce nouveau monde qui s’ouvrait à elle la déstabilisait. Elle se sentait comme une étrangère dans sa propre vie, tiraillée entre son passé et ce futur incertain.
Après un petit-déjeuner partagé dans un calme empreint de tendresse, Petter partit pour une réunion importante, la laissant seule avec ses pensées. Clara décida de rester à la maison pour la journée, se sentant incapable d’affronter le monde extérieur. Elle erra dans l’appartement, ses doigts effleurant les objets familiers, comme pour s’ancrer dans cette réalité.
Elle observa une série de photos encadrées sur le mur du salon, des souvenirs capturés avec Petter et ses parents adoptifs. Chaque photo semblait lui raconter une histoire, mais à présent, elle voyait ces images d’un œil différent. Elles étaient la preuve de l’amour inconditionnel qu’elle avait reçu, mais aussi d’une histoire partielle, fragmentée.
Soudain, son téléphone vibra, rompant le silence de l’appartement. Un message d’Amélie s’afficha à l’écran : "Salut Clara. J’espère que tu te sens mieux aujourd’hui. Nous pensons à toi et voulions te dire que tu n’es pas seule dans tout ça. Si tu veux qu’on se voie ou qu’on parle, on est là pour toi."
Clara soupira en lisant le message. Elle savait qu’Amélie et ses sœurs voulaient l’aider, qu’elles étaient sincères, mais elle se sentait encore incapable de s’ouvrir pleinement à elles. Tout était encore trop récent, trop douloureux. Elle répondit rapidement pour ne pas les inquiéter : "Merci, Amélie. Je vais essayer de digérer tout ça, mais je vous envoie un message bientôt."
Elle verrouilla son téléphone et s’enfonça dans le canapé, les bras serrés autour de ses genoux. Elle ressentait une étrange dualité en elle, comme si elle appartenait à deux mondes opposés. Elle pensait à ses parents adoptifs et à ce que signifiait réellement être leur fille. Ils l’avaient aimée, elle en était certaine, mais cela n’effaçait pas le sentiment de trahison qui persistait.
Ses pensées s’éparpillèrent à nouveau vers ses sœurs jumelles, Élisa et Raphaëlle. Leurs visages, si familiers et pourtant si étrangers, lui revenaient sans cesse en mémoire. Elle se demandait comment leur lien pourrait évoluer, si elle serait un jour capable de les accepter comme ses sœurs. Une part d’elle désirait se rapprocher d’elles, tandis qu’une autre se sentait submergée par le poids de cette nouvelle famille.
Perdue dans ses pensées, elle sursauta légèrement en entendant la porte d’entrée s’ouvrir. Petter venait de rentrer plus tôt que prévu. Son visage exprima un soulagement en la voyant, comme si sa seule présence dissipait une partie de ses propres inquiétudes.
— Ça va ? demanda-t-il en s’approchant d’elle, son regard empreint de tendresse.
Clara hocha la tête, un sourire fatigué mais sincère aux lèvres.
— Je ne sais pas. J’essaie de… de tout remettre en place dans ma tête. Mais c’est tellement difficile de me retrouver dans tout ça.
Il s’assit près d’elle, prenant sa main dans la sienne.
— Tu n’as pas à faire tout ça seule, Clara. Je suis là, et ta famille aussi. Ta nouvelle famille veut être là pour toi.
Elle baissa les yeux, consciente de l’impact de ses paroles. Une famille, elle en avait deux à présent, mais cette idée ne lui semblait pas encore naturelle.
— C’est tellement étrange, Petter. J’ai toujours cru savoir d’où je venais, qui j’étais… Et aujourd’hui, c’est comme si je devais tout réapprendre.
Il lui caressa doucement la joue, son regard empli de compassion.
— Tu es toujours toi, Clara. Peu importe ce que tu apprends ou ce que tu découvres, cela ne change rien pour moi. Tu restes la femme que j’aime, et ça ne changera jamais.
Elle ferma les yeux, se laissant bercer par la douceur de ses mots. Dans cette étreinte rassurante, elle sentit une petite part de sa douleur s’apaiser. Mais même si l’amour de Petter lui était précieux, elle savait que le chemin vers l’acceptation de sa nouvelle identité serait long et sinueux.
Ils restèrent ainsi, en silence, chacun absorbé par ses propres pensées. Clara réalisa que, malgré l’amour de Petter et le soutien de ses sœurs, elle devrait trouver sa propre voie. Elle devrait apprendre à accepter son passé et à intégrer cette nouvelle identité à la vie qu’elle construisait.
Le soir venu, après avoir échangé quelques mots paisibles avec Petter, elle se glissa dans le lit, laissant les souvenirs de la journée flotter dans son esprit. Avant de fermer les yeux, elle repensa aux visages d’Amélie, d’Élisa et de Raphaëlle. Elle savait qu’elle devrait leur ouvrir son cœur un jour. Elles faisaient partie d’elle, qu’elle le veuille ou non.
Avec un dernier soupir, elle se laissa emporter par le sommeil, le cœur encore tourmenté mais un peu plus léger. Le chemin était encore long, mais elle savait que, pas à pas, elle avancerait vers une nouvelle version d’elle-même.