Depuis qu’elle avait pris son nouveau poste de **directrice de projet en innovation écologique** dans l’entreprise de son père, Clara voyait ses responsabilités s’accumuler à un rythme effréné. Elle passait désormais ses journées plongée dans des réunions stratégiques et des sessions de travail intenses, supervisant un projet crucial sur l'énergie solaire. M. Solaris lui accordait une confiance totale, et elle voulait prouver qu’il avait raison de lui confier ce poste.
Ses soirées étaient souvent écourtées, et lorsqu’elle rentrait enfin à la maison, Petter l’accueillait avec tendresse malgré sa fatigue évidente. Il comprenait la pression qu’elle subissait et la soutenait dans cette nouvelle étape de sa vie.
Ce soir-là, Clara se laissa tomber sur le canapé, visiblement épuisée.
— Longue journée ? demanda Petter en lui tendant un verre d’eau.
Elle hocha la tête, soupirant.
— Oui, interminable. Mon père me met vraiment à l’épreuve avec ce projet, mais je veux tellement bien faire… Heureusement, j’ai Émilie au travail. Elle me comprend parfaitement, on se soutient mutuellement.
Petter sourit, essayant de masquer le trouble que le nom d’Émilie suscitait en lui. Ce prénom lui rappelait une époque de sa vie qu’il n’avait jamais vraiment oubliée, même si tout cela lui paraissait aujourd’hui lointain et irréel.
Clara poursuivit, sans remarquer son malaise :
— C’est devenu une amie précieuse, tu sais ? On partage tellement de moments ensemble au bureau. Je suis vraiment heureuse de l’avoir à mes côtés.
Petter acquiesça distraitement, plongé dans ses pensées. Ce prénom, Émilie, éveillait en lui des souvenirs enfouis, des sensations et des émotions qu’il n’avait jamais totalement effacées.
Il se revoyait à 15 ans, la première fois qu’il avait croisé le regard d’Émilie lors d’une sortie scolaire. Elle avait un sourire éclatant, une confiance en elle qui le fascinait. Leur amitié s’était rapidement transformée en quelque chose de plus intense, de plus profond. Ils partageaient une connexion spéciale, des rêves et des promesses chuchotées lors de longues promenades sous les étoiles.
Un soir d’été, alors qu’ils étaient assis sur un banc à observer le coucher du soleil, Émilie s’était tournée vers lui et lui avait pris la main.
— Petter, tu sais, avec toi, je me sens… complète, avait-elle murmuré, les yeux brillants de sincérité.
Ce moment, aussi simple soit-il, avait marqué Petter. Il sentait encore le frisson de cette étreinte, l’odeur de son parfum et la chaleur de sa main dans la sienne.
Petter secoua légèrement la tête pour chasser les souvenirs, mais une part de lui était troublée. Émilie avait disparu brusquement de sa vie à ses 18 ans, sans une explication, sans un adieu. Il se souvenait encore de cette soirée où il l’avait attendue en vain, espérant un appel, un message qui n’était jamais venu. Depuis, il n’avait jamais compris pourquoi elle était partie aussi brutalement, laissant leur relation en suspens.
Clara le regarda, remarquant son air pensif.
— Tout va bien ? Tu sembles distrait, ces derniers temps.
Petter lui sourit pour la rassurer.
— Oui, ne t’inquiète pas. Le passé, tu sais, ça fait parfois surface sans prévenir.
Clara hocha la tête avec empathie, puis reprit, comme pour alléger l’atmosphère.
— Je suppose que tout le monde a un passé qui refait surface, non ?
Elle lui offrit un sourire doux, puis s’approcha de lui pour lui prendre la main. Petter serra doucement ses doigts, appréciant cette complicité silencieuse, bien que ses pensées soient encore entremêlées de souvenirs de son premier amour.
Les jours suivants, Clara se retrouva de plus en plus absorbée par son travail. Elle passait de longues heures à l’entreprise, entourée de ses sœurs et de M. Solaris, qui la guidait dans ses nouvelles responsabilités. Le soir, elle rentrait épuisée, à peine capable de rester éveillée pour parler avec Petter.
Au bureau, ses pauses avec Émilie étaient devenues un moment privilégié, un instant où elles pouvaient échanger librement et où Clara pouvait partager ses doutes.
— C’est tellement intense, Émilie. J’ai l’impression que mon père attend beaucoup de moi, parfois plus que ce que je peux donner, avoua-t-elle un jour, un peu dépassée.
Émilie lui adressa un sourire bienveillant, posant une main rassurante sur son épaule.
— Tu es capable de tout, Clara, et ton père le sait. Et puis, n’oublie pas que je suis là, moi aussi. On se soutient, d’accord ?
Clara acquiesça, reconnaissante. Cette amitié devenait un point d’ancrage essentiel dans sa nouvelle vie.
De son côté, Petter se surprenait de plus en plus souvent à penser à Émilie, sans oser en parler à Clara. Ces souvenirs de leur relation passée devenaient envahissants, comme s’ils réclamaient une réponse, une fin qu’il n’avait jamais obtenue.
Il se rappelait encore cette journée d’automne, alors qu’ils avaient à peine 17 ans. Ils avaient décidé de faire l’école buissonnière pour passer la journée ensemble, explorant la ville comme s’ils en découvraient chaque coin pour la première fois. Il sentait encore le goût de ce b****r échangé sous une pluie fine, le regard d’Émilie plein de promesses.
— « Je serai toujours là, Petter, » lui avait-elle murmuré ce jour-là.
Pourtant, elle était partie peu après, brisant cette promesse sans jamais expliquer pourquoi. Cette question sans réponse, même des années plus tard, continuait de le hanter.
Petter continua à enfouir ces souvenirs, ne voulant pas troubler la quiétude de sa relation avec Clara. Pourtant, il se sentait de plus en plus tiraillé entre le passé et le présent, entre les émotions qu’il pensait avoir oubliées et l’amour qu’il ressentait pour Clara.
Alors que Clara, prise par ses nouvelles responsabilités, semblait s’éloigner inconsciemment, Petter se retrouvait face à ses propres sentiments non résolus. Cette distance invisible entre eux le troublait, le laissant avec des questions auxquelles il n’avait jamais trouvé de réponses.