XIIe nuit

504 Words
XIIe nuit La douzième nuit était déjà fort avancée, lorsque Scheherazade reprit ainsi le fil de l’histoire du roi grec et du médecin Douban : Sire, le pêcheur, parlant toujours au génie qu’il tenait enfermé dans le vase, poursuivit ainsi : « Le médecin Douban se leva, et après avoir fait une profonde révérence, dit au roi qu’il jugeait à propos que sa majesté montât à cheval, et se rendît à la place pour jouer au mail. Le roi fit ce qu’on lui disait ; et lorsqu’il fut dans le lieu destiné à jouer au mail à cheval, le médecin s’approcha de lui avec le mail qu’il avait préparé, et le lui présentant : « Tenez, sire, lui dit-il, exercez-vous avec ce mail, en poussant cette boule avec, par la place, jusqu’à ce que vous sentiez votre main et votre corps en sueur. Quand le remède que j’ai enfermé dans le manche de ce mail sera échauffé par votre main, il vous pénètrera par tout le corps ; et sitôt que vous suerez, vous n’aurez qu’à quitter cet exercice : car le remède aura fait son effet. Dès que vous serez de retour en votre palais, vous entrerez au bain, et vous vous ferez bien laver et frotter ; vous vous coucherez ensuite ; et en vous levant demain matin, vous serez guéri. » « Le roi prit le mail, et poussa son cheval après la boule qu’il avait jetée. Il la frappa ; et elle lui fut renvoyée par les officiers qui jouaient avec lui ; il la refrappa, et enfin le jeu dura si longtemps, que sa main en sua, aussi bien que tout son corps. Ainsi, le remède enfermé dans le manche du mail opéra comme le médecin l’avait dit. Alors, le roi cessa de jouer, s’en retourna dans son palais, entra au bain, et observa très exactement ce qui lui avait été prescrit. Il s’en trouva fort bien : car le lendemain, en se levant, il s’aperçut, avec autant d’étonnement que de joie, que sa lèpre était guérie, et qu’il avait le corps aussi net que s’il n’eût jamais été attaqué de cette maladie. D’abord qu’il fut habillé, il entra dans la salle d’audience publique, où il monta sur son trône, et se fit voir à tous ses courtisans, que l’empressement d’apprendre le succès du nouveau remède y avait fait aller de bonne heure. Quand ils virent le roi parfaitement guéri, ils en firent tous paraître une extrême joie. « Le médecin Douban entra dans la salle, et s’alla prosterner au pied du trône, la face contre terre. Le roi, l’ayant aperçu, l’appela, le fit asseoir à son côté, et le montra à l’assemblée, en lui donnant publiquement toutes les louanges qu’il méritait. Ce prince n’en demeura pas là ; comme il régalait ce jour-là toute sa cour, il le fit manger à sa table seul avec lui… » À ces mots, Scheherazade, remarquant qu’il était jour, cessa de poursuivre son conte : « Ma sœur, dit Dinarzade, je ne sais quelle sera la fin de cette histoire, mais j’en trouve le commencement admirable. – Ce qui reste à raconter en est le meilleur, répondit la sultane ; et je suis assurée que vous n’en disconviendrez pas, si le sultan veut bien me permettre de l’achever la nuit prochaine. » Schahriar y consentit, et se leva fort satisfait de ce qu’il avait entendu.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD