Tout avait si bien commencé…

2478 Words
Elle retourne à sa voiture et s'installe : la canette de boisson sur le tableau de bord, la glacière sur le siège passager, elle recule son siège au maximum pour être à l'aise, accroche son portable au porte téléphone et se met des sketches. Aujourd'hui, c'est sandwich maison. Pas les moyens d'aller au fast-food ou en boulangerie acheter un vrai repas, c'est la fin du mois. Entre le r***********t de la maison, les factures et l’essence, elle se serrait souvent un peu la ceinture. Mais elle avait l’habitude et n’était pas difficile, elle savait se contenter de peu. Aller dans une friperie ou un magasin bon marché ne la gênait pas. Elle arrivait à se débrouiller, peu importe les soucis, Diana est la reine de la débrouille. Enchainer du black après une journée de travail ? Si il le faut, elle le fait.. Vendre un meuble si elle est en galère ? Si il le faut … Et puis manger dans sa voiture lui rappelle un peu les voyages en famille quand elle était enfant. La pause passe toujours trop vite mais souffler un peu fait du bien. Les lundis sont  calmes mais c'est toujours du sport de pousser une poussette, et aller chez Madame Coussin est toujours stressant…elle pense aux deux heures de ménage à écouter des ragots et des reproches. C’est pas très compliqué car ce n’est pas vraiment sale mais c’est long. Si Diana savait ce que ce lundi lui réservait.... Sa pause passée, elle reprend la route pour aller dans un petit village voisin, chez la fameuse madame Coussin qui est malvoyante et pas toujours sympathique. Entre remarques sur le travail jamais bien fait, sous entendus sur les horaires qui changent tout le temps, madame Coussin n'est pas sa bénéficiaire préférée, mais au fil des interventions, elle a appris à prendre sur elle et à presque l'apprécier. Elle a passé trois de ses collègues avant elle. Des fois, elle se demande si elle ne devrait pas elle aussi abandonner mais sous cette carapace désagréable se cache en réalité une femme bien seule. En sortant de la ville, elle met un peu de musique et fait attention à sa vitesse, elle a toujours peur de rouler trop vite et de se faire flasher. Elle arrive pile à l’heure dans le village et monte la rue en pente qui permet d’accéder à la maison. L’accès depuis la nationale qui traverse le bourg est directe, elle se demande toujours comment elle arrive à supporter le bruit des voitures jours et nuits. 13h 10, notre jeune héroïne s'étonne de trouver le portail fermé. Elle sort de sa voiture : « Tient...elle m'a oublié ? » Elle sonne à l'interphone qui se trouve au portail mais pas de réponses: « Bon elle est peut-être au toilettes, je vais tenter le portable... » 13h15 toujours rien.. Peut -être qu’elle est dans le jardin ou à la cave ? Elle enfile sa blouse et prend des gants dans ses poches pour patienter. Madame Coussin est très ponctuelle .. C’est bizarre. Peut-être a-t-elle annulé au dernier moment ? Elle vérifie le téléphone du travail mais rien de la part des secrétaires, ni appels, ni mails. Elle tente d’appeler à nouveau sur son mobile mais tombe encore sur le répondeur . Elle ne sait pas très bien s’en servir mais elle sait décrocher normalement. Diana a souvent eu à faire à des personnes qui n'entendent pas ou qui n'ont pas envie d'ouvrir ou qui ont oublié mais rien de tout ça n'était du genre de Madame Coussin. 13h20.. Diana aperçoit une sorte d’ombre mais c’est peut être un reflet.. Elle klaxonne une fois : « Bon.. Je vais appeler le bureau, c'est vraiment étrange... » Elle compose le numéro du secrétariat et tombe sur la secrétaire : « Allô ? - Oui bonjour, c'est Diana - Oui bonjour ? - Désolée du dérangement mais Madame coussin ne répond pas, je trouve ça bizarre, elle a annulé l'intervention ? - Madame Coussin ? Non non je ne crois pas, j'ai rien noté.. Vous avez essayer de l'appeler ? - Oui sur le portable et pas de réponses... J’ai sonné à l’interphone, les volets sont ouverts et j'ai cru voir une ombre, c’est pas son genre de m’oublier.. - Je vais essayer de l'appeler sur le fixe peut -être... » PAN !!! Un coup de feu assourdissant suivit d'un cri interrompe la conversation « DIANA?? Tout va bien ? Que se passe-t-il?? - Je... Je sais pas... Je... On aurait dit un coup de feu il y a eu un cri ! - PARTEZ VITE !! J'APPELLE LA POLICE ! PARTEZ!!! » Diana sous le choc se dépêche de rentrer dans sa voiture mais un bruit de vitres brisées et les aboiements des chiens des voisins fait remonter son courage. Celui ou celle qui a tiré s'échappe sûrement par derrière ! En effet, les deux gros canidés d’un voisin courent après le coupable derrière leur clôture ! Peut-être que madame Coussin, aussi pénible soit elle, a besoin de son aide ! Le soucis, c'est le portail fermé ! Il est trop haut pour l'escalader ! Le temps que les secours arrivent, il sera peut-être trop tard ! Elle a à peine le temps d'imaginer des plans dans sa tête, comme se servir de sa poubelle roulante comme voiture bélier, que le portail s'ouvre ! Elle est sûrement encore en vie !!! Elle monte dans sa voiture et démarre pour atteindre la maison plus vite. Avec tout son courage, armée de sa blouse et de ses gants, elle monte aussi vite que possible les escaliers en direction de la porte qui, pour une fois, est ouverte : « MADAME COUSSIN ?! » Un faible gémissement lui répond, avec ses oreilles de faucon elle se dirige immédiatement vers la salle de bain : « HO MERDE!! » le sol bleu carrelé est recouvert de sang et des taches rouge ont giclées sur les murs et le lavabo blancs. Mais c'est surtout la vue de cette pauvre dame qui fait se décomposer la jeune fille. Elle est étendue sur le dos, le visage aussi pâle qu'un cadavre et les mains pleines de sang. Elle tient entre ses doigts tremblants la petite télécommande servant à ouvrir le portail. Son autre main est posée sur son ventre. Elle porte comme d’habitude une polaire violette et un pantalon noir.. Diana, sans vraiment réfléchir, met ses gants et se précipite sur le placard où sont rangées les serviettes de bain toutes classées par taille et couleur. Elle ouvre la veste pour mieux voir la blessure.. Ce n’est pas très étendu mais le sang coule à flot ! Elle prend la première serviette qui vient et se dépêche d'appuyer sur la plaie: « VOUS M'ENTENDEZ??!!! REGARDEZ MOI C'EST MOI ! CLIGNEZ DES YEUX RESTEZ AVEC MOI! » La pauvre dame cligne des yeux et tente de parler : « Je...je...vous... - Non chut, gardez vos forces d'accord ? Je suis là, les secours vont arriver, restez tranquille » Diana calme les tremblements de sa voix mais elle sait que la dame se vide de son sang... La situation est critique.. Elle tend l'oreille, espérant entendre les sirènes des pompiers mais rien à l'horizon ! En même temps, la ville est à 15 bonne minutes quand même… « Dia...Diana...restez pas là...il...il...peut reve...iiir.... - Chut chut, ça va... Ca va, il est parti, je ne vous laisse pas ! - Le...le... L'arme... Il a jeté l'arme... J'ai entendu le bruit.. - Oui oui d'accord » Diana jette un rapide coup d'œil pour repérer le revolver qui est à quelques mètres d'elle. Elle se dit que l'avoir plus près pourrait être utile au cas où le tireur revienne mais la belle serviette immaculée n'est plus qu'un lointain souvenir, il en faut une autre très vite pour continuer le point de compression ! Comment une arme si petite a pu faire un aussi gros dégât ? La seule solution pour atteindre le placard tout en compressant la plaie est d'utiliser ses pieds, au moins un ! « Madame Coussin écoutez moi ! Je dois prendre une autre serviette pour compresser la plaie, je vais devoir appuyer avec mon pied pour atteindre le placard, ça risque de faire mal… - Huuuummm.... » Elle prend le gémissement de la pauvre victime pour un oui et pose fermement son pied sur son ventre, elle arrive à se lever suffisamment pour attraper une autre serviette tout en gardant son pied sur la plaie. Heureusement, l’espace est petit, elle peut facilement reprendre des serviettes. Même pendant sa mauvaise période du mois, jamais Diana n'a vu autant de sang. Elle n’arrive pas à savoir si sa bénéficiaire est encore consciente.. Elle approche un doigt devant sa bouche et sent un léger souffle.. Elle respire ! Sur le point de tourner de l'œil elle aussi, elle essaie de se calmer, sa tête tourne et elle sent la sueur couler sur tout son corps. Il n'a pas du s'écouler plus de 10 minutes entre le moment où le portail s'est ouvert et maintenant, mais elle a l'impression que ça fait des heures qu'elle est là! Elle commence à avoir envie de pleurer ! Elle essaie de ne pas penser à la chaleur du sang sur ses mains ni sur l'odeur qui monte au nez... Comment ce drame a pu se produire ? Elle avait déjà eu des petites frayeurs avec des personnes âgées comme un petit malaise, ou une chute évitée de justesse.. Mais jamais de tentative d’assassinat ! Elle ne sait même plus si elle doit bien faire un point de compression… Sa formation aux gestes de premiers secours lui semble bien lointaine. En même temps, la théorie, c’est bien mais la pratique, c’est pas du tout pareil. Personne ne lui a dit ce jour-là que le sang était si chaud et qu’il traverserait sa blouse. Ou qu’elle serait capable de tenir une position de longues minutes luttant contre les fourmillements. Elle voit ses mains trembler elle ne tiendra pas plus longtemps... Sa vue se trouble, est-ce des larmes ou seulement son corps qui est en train de lâcher ? Tout à coup, un bruit de sirène se fait entendre, ils sont proches ! Enfin !! Des portes claquent, des voix s'exclament : « ON ENTRE, ALLEZ !! DEPLOYEZ-VOUS ENCERCLER LA MAISON! TOI, TOI ET TOI, FAITES LE TOUR ! » Diana hurle pour se faire entendre : « ICI ! À L'AIDE UN MEDECIN!!!!AIDEZ MOI!!! » Des pas rapides s'approchent de la salle de bain, elle ne voit pas le jeune lieutenant de police et ses deux hommes s'arrêter net en découvrant la scène : « HO MY GODNESS!!! BONNET, FAITE VENIR LES POMPIERS VITE !!!! - OUI LIEUTENANT » Le lieutenant s'approche et pose une main sur l'épaule de Diana : « Tenez bon encore un peu, les pompiers vont prendre le relais ! - JE CROIS QU'ELLE RESPIRE PLUS ! » Elle voit l’homme poser ses doigts sur le coup de la victime : « Si elle respire encore. Appuyez de toutes vos forces encore quelques secondes.. » Diana a les larmes qui montent et c'est dans un état second qu'elle voit les pompiers et des gens en blouse blanche s'affairaient autour d'elle, un pompier met ses mains sur les siennes et lui demande de les retirer et de sortir de la pièce. Sur le point de s'évanouir, les mains et sa blouse de ménage pleines de sang, elle recule jusqu'à heurter le lieutenant qui l'empêche de justesse de s'écrouler au sol....: « C’est pas le moment de s’évanouir ! Je ne sais pas réanimer moi ! On va sortir, venez, laissons les pompiers s’occuper d’elle» Elle sent une main lui agripper la taille, elle n’aime pas être collée à quelqu’un mais la, son cerveau fait abstraction de tout ce qui pourrait lui provoquer une crise et la rendre violente : le tissus mouillé par le sang qui lui colle aux seins et à la taille, le brouhaha des secours, la voix du défibrillateur, les aboiements des chiens, les lumières bleues et rouges des gyrophares qu’elle aperçoit par les fenêtres, lui font tourner la tête. Seule une odeur d’après rasage qui lui fait penser à celle qu’utilise son père l’apaise un peu. En passant devant la cuisine, elle voit une pomme coupées en morceaux… La dame n’a pas eu le temps de finir son repas, sa vie a basculé en une seconde. Elle se met à avoir froid, des frissons lui font claquer des dents, c’est un signe de surcharges. Ou elle va exploser et tenter de s’enfuir quitte à se mettre en danger, devenir violente, ou elle va imploser et s’effondrer pour ne pas affronter la réalité.. L’air frais la saisit d’un coup, et la lumière du jour lui semble insupportable. Elle ne sent plus ses jambes et son corps devient aussi mou qu’une poupée de chiffons : « s**t ! Ouvrez les yeux miss !! » Elle se sent soulever d’un coup. Puis plus rien. Son cerveau a fait disjoncter tout ce ne qui n’est pas utile, il ordonne seulement au cœur de ralentir après avoir battu bien plus que d’habitude grâce à l’adrénaline. Plus de pensées, plus de bruits, plus d’émotions. Juste une sensation de flotter dans un grand espace noir. Une envie de ne pas revenir. Son cerveau a choisi l’implosion. Une autre manière de s’enfuir, elle a toujours eu honte de ses réactions, la dernière fois qu’elle s’est évanouie comme ça, c’était quand elle avait 4 ans après une énorme colère suite à une chute. Un enfant l’avait poussé et elle n’avait pas supporté d’être tombée et d’avoir été touchée. À l’époque, les médecins disaient que les évanouissement étaient juste des caprices. À force de patience, sa mère avait réussi à les empêcher, en évitant qu’elle tombe, ou en détournant son attention pour que la colère ne s’installe pas. Mais ces caprices étaient en fait un moyen de protection, sans eux Diana ne savait plus comment exprimer ses émotions, elle était devenue comme une bombe à retardement, elle frapper dans les murs, claquer les portes, se renfermait sur elle-même et disait des choses qu’elle ne pensait pas, surtout à l’adolescence. Elle ne savait pas mettre de mots sur ce qui l’agacer ou la stresser. Les médecins pensaient bien faire à l’époque, mais ils avaient supprimer un moyen d’expression sans en proposer un autre. Enfant, elle ne savait pas combien de temps elle pouvait rester inconsciente, d’après ses parents, c’était parfois cinq minutes, parfois une heure. Souvent, il fallait la secouer pour la faire revenir, le plus embêtant, c’est que ça pouvait lui arriver au beau milieu d’une rue. Heureusement, aujourd’hui ses crises n’étaient pas aussi violentes enfin… Sauf maintenant, mais c’est un cas de force majeur, si elle ne s’était pas évanouie, elle serait devenue folle. 
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