Encore une révolution !À TOUS LES ANIMAUX
Du Jardin des Plantes, le 26 novembre 1841
En mettant sous presse cette seconde partie de notre histoire nationale, nous pensions pouvoir nous féliciter d’avoir posé les bases sur lesquelles s’élèvera un jour notre constitution, quand des signes qui n’annoncent, hélas ! rien de bon, vinrent nous effrayer pour les destinées de notre société animale.
Au moment où l’on s’y attendait le moins, des nuages noirs et épais s’étaient montrés à l’horizon, et, se répandant à travers le ciel, avaient, en un instant, fait du jour la nuit.
Nos savants astronomes, qui déjà sont venus à bout d’éclaircir ce point très obscur de la sidérologie, qui consistait à démontrer que les jours se suivent et se ressemblent, saisirent avec empressement cette occasion de faire faire un nouveau pas à la science, et, munis de leurs lunettes d’approche, ils grimpèrent sur la pointe du paratonnerre dont ils ont fait leur observatoire.
Là, aidés de tout ce qu’une expérience consommée ajoute à beaucoup de sagacité naturelle, ils étudièrent pendant plusieurs heures ces sombres phénomènes ; mais il leur fut impossible d’y rien comprendre ; et telle est la conscience de ces illustres savants, que, de peur de se tromper, ils ont mieux aimé se taire, n’osant hasarder aucune conjecture. – Nous attendons.
Veuillent les Dieux que rien ne vienne justifier nos appréhensions !
Paris, le 27 novembre 1841.
Nous recevons de l’Observatoire l’avis suivant :
« Nous savons maintenant à quoi nous en tenir sur la nature du phénomène qui nous a inquiétés. Si nos calculs ne nous trompent pas, et si nous sommes bien informés, ces nuages ne sont rien moins qu’un innombrable amas de Moucherons et autres Insectes armés de toutes pièces. Cette prise d’armes serait le résultat d’un vaste complot qui aurait pour but de renverser l’ordre de choses établi dans notre première assemblée. La conspiration se serait ourdie dans un coin du ciel. Pourtant, comme les Moucherons n’ont jamais passé pour avoir des opinions politiques bien tranchées, nous espérons pouvoir démentir demain la nouvelle que nous vous donnons aujourd’hui comme certaine. – En tout cas : Caveant consules ! Ne vous endormez pas. »
Non, nous ne dormirons pas, et puisque nous avions trop préjugé de la sagesse de nos frères, puisque l’anarchie veille, nous veillerons avec elle et contre elle.
Comme première mesure d’ordre, et pour satisfaire au vœu général, nous publierons de jour en jour, d’heure en heure, s’il le faut, et sous ce titre : le Moniteur des Animaux, un bulletin des évènements qui se préparent, de façon que chacun puisse se donner le petit plaisir d’en causer avec ses amis et de les commenter à sa manière.
LE SINGE, LE PERROQUET ET LE COQ,
Rédacteurs en chef.