Le journal libreJOURNAL DE LA RÉFORME ANIMALE
Les amis de la liberté se sont rassemblés hier dans le Cabinet d’histoire naturelle. C’est dans les vastes salles des empaillés qu’a eu lieu cette réunion préparatoire.
Il était très tard. Le signal donné, les conjurés entrèrent les uns après les autres, puis, s’étant salués du geste sans mot dire, ils allèrent se ranger silencieusement dans les sombres galeries à côté des froides reliques de leurs aïeux, que l’on eût dit autant de fantômes assoupis.
Il semblait que le silence eut fait un désert de ces vastes catacombes. L’immobilité était telle qu’on ne pouvait distinguer les morts des vivants.
L’ÉLÉPHANT, l’AIGLE, le BUFFLE et le BISON arrivèrent, chacun de son côté, comme si une invisible puissance les eût fait apparaître tout à coup. Pour qui ignore que l’amour de la liberté transporterait des montagnes, la présence de ces nobles Animaux dans ces hautes galeries eût été inexplicable.
Quand la réunion fut complète, le BISON prit la parole en ces termes :
« Frères, dit l’orateur, en regardant l’un après l’autre tous ceux qui se trouvaient là, nous n’avons encore rien dit, et pourtant nous savons tous pourquoi nous sommes ici.
Disons-le donc, puisque aussi bien nous sommes fiers de le penser : nous sommes ici pour conspirer, pour défaire aujourd’hui ce que nous avons mal fait il y a un an, et pour aviser à mieux faire ; pour abaisser, pour abattre ceux que nous avons élevés ; pour agiter enfin la Nation Animale au nom de la révocation des rédacteurs.
Je le déclare il ne nous reste qu’une ressource, c’est le renvoi des rédacteurs… Hourra pour le renvoi !
– Tonnerre d’applaudissements. –
Frères, il faut que les mots aillent où va la pensée, – et si désolant qu’il soit pour vous de l’entendre et pour moi de le dire, je le dirai et vous l’entendrez : tout ce qui existe n’est bon qu’à aller en ruines et ce serait mieux s’il n’existait rien !… Que nous a servi ce qu’on nous a fait faire ? Ce livre publié, dites, à quoi a-t-il servi ?
– Tous : « À rien, à rien. » –
Cette lice où chacun devait entrer, le plus humble comme le plus grand, pourquoi ne l’a-t-on ouverte qu’aux plaintes isolées d’un petit nombre ? sinon pour éloigner de la tribune nationale les cris de la détresse universelle. Ils n’ont travaillé que pour eux. – Ils n’ont songé qu’à eux, – et quand ils se sont vus puissants, ils ont dit : – Tout est bien.
Que nous revient-il de leur puissance ? Notre terre à nous a-t-elle cessé d’être une vallée de larmes ?
– Le CERF, l’ÉLAN et le VEAU : « Non ! non ! » –
Frères, on a étouffé les voix généreuses qui ont voulu s’élever en faveur de la réforme bête-unitaire.
Frères, notre régénération sociale n’a pas fait un pas depuis l’immortelle nuit où les premiers efforts de notre liberté naissante ont été salués par les acclamations de la terre tout entière.
Frères, nos rédacteurs en chef ont trahi leur mandat ! ils nous ont vendus ! vendus aux Hommes !
– Tous : « C’est vrai ! c’est vrai ! oui, on nous a vendus ! » –
Point de grâce pour ces traîtres, qui pour une misérable subvention en pommes vertes en coquilles de noix et en croûtes de pain sec, ont trahi la cause sacrée de l’émancipation des BÊTES.Vendus aux Hommes ! ! ! Mais laissons là les Hommes ; les Hommes ne sont aujourd’hui que nos seconds ennemis. Nos vrais ennemis, les plus dangereux, ce sont nos rédacteurs !
Point de grâce pour ces traîtres qui, pour une caresse de leur gardien, pour une misérable subvention en pommes vertes, en coquilles de noix et en croûte de pain sec, ont trahi la cause sacrée de l’émancipation des bêtes ! À qui devons-nous d’être encore où nous sommes ? où retournerons-nous ce soir ? Sera-ce dans nos libres déserts, ou dans nos étroites prisons ? »
– Le TIGRE, d’une voix sombre : « Ce ne sera pas dans nos libres déserts ! » –
– Tous en chœur : « Hélas ! hélas ! hélas ! » –
« Les nuages seront-ils notre toit, et la terre notre oreiller ? Non. Nous coucherons sur la paille humide des cachots.
– « Hélas ! hélas ! » –
« Nous y pourrirons… Nous y mourrons… Je vous le dis en vérité, nous tous qui sommes ici, nous mourrons dans les fers. Que nous accordera-t-on quand nous ne serons plus ? quand on nous aura rongés jusqu’aux os ? »
– Le chœur : « Ô douleur ! douleur ! » –
Alors l’orateur, se tournant vers les squelettes conservés de dix mille générations d’Animaux :
« Restes de nos pères ! s’écrie-t-il : vous qui avez vécu, répondez, mânes désolés étiez-vous donc sortis des mains du Créateur pour mourir ou vous êtes ?
L’Animal est-il fait pour être empaillé et mis sous verre comme une curiosité, ou pour rentrer noblement, après avoir accompli sa destinée, dans le sein de la terre, sa mère, selon le vœu de la nature ?
Nous tous, sauvages enfants de la plaine ou de la montagne, devions-nous donc vivre un jour la corde au cou, entre quatre planches, et dîner à heure fixe d’un dîner tiré d’un buffet ?
Frères, les plaintes ne soulagent pas un cœur oppressé : à quoi bon se plaindre ? Nos plaintes, qui les a entendues ?
Frères, avez-vous renoncé à échapper aux Hommes ? Vous laisserez-vous arrêter à moitié chemin par la trahison ?
– Le CHAMOIS : « Plutôt les avalanches que les HOMMES méchants ! » –
Frères, nous sommes forts, et la liberté sourit aux braves. Heureux l’Animal qui ne dépend de personne.
Frères, le plus fort, c’est celui qui ne craint rien.
Frères, quand les lois ne commandent plus au peuple, il faut que le peuple commande aux lois.
Frères, la liberté enfante des colosses ; mais que faire d’une loi qui d’un AIGLE fait un OISON, et d’un LION un bavard ?
Frères, dut la société tomber en poussière, il faut détruire cette loi mauvaise. »
S’il faut en croire le complaisant rédacteur de cette pompeuse relation, l’effet de ce discours fut prodigieux. Nous ne répondrons qu’à un seul point de ce merveilleux dithyrambe. Vous dites donc, citoyen BISON, que nous vous avons trahis, que nous vous avons vendus !… Oui, nous vous avons vendus, et nous en sommes fiers ; nous vous avons vendus à 20 000 exemplaires ! En eussiez-vous su faire autant ? N’est-ce pas grâce à nous que vous avez commencé à valoir quelque chose ?
Le DOYEN du Jardin des Plantes, un vénérable BUFFLE, dont nous aimons la personne et dont nous estimons le caractère, sans partager cependant toutes ses opinions, prit alors la parole et répondit en ces termes au discours du BISON, son cousin :
« Mes enfants, dit le vieillard, je suis le plus vieil esclave de ce jardin. J’ai le triste honneur d’être votre doyen, et, des jours si éloignés de ma jeunesse, je me souviendrais à peine, si l’on pouvait oublier qu’on a été libre, si peu libre qu’on ait été. Mes enfants, c’est en vain que trente ans d’esclavage pèsent sur mes vieilles épaules : quel que soit mon âge, je me sens rajeunir à la pensée que le jour de la liberté viendra. »
– Bravos prolongés. –
Je parle de votre liberté, mes enfants, et non de la mienne, car mes yeux se fermeront avant que le soleil ait éclairé un jour si beau : esclave j’ai vécu, esclave je mourrai !
« Non ! non ! s’écria-t-on de tous côtés, vous ne mourrez point ! » –
Mes bons amis, reprit le vieillard, il ne serait pas en votre pouvoir d’ajouter une heure à ma vie. Mais qu’importe ? ce n’est pas de ceux qui partent, c’est de ceux qui restent qu’il faut s’inquiéter ; ce n’est pas la liberté d’un seul ou de quelques-uns, c’est la liberté de tous qui m’est chère, et c’est au nom de cette précieuse liberté de tous que je vous conjure de rester unis. »
– Rumeur en sens divers. –
« Mes enfants, ne vous arrachez pas, ne vous disputez pas les misérables lambeaux du pouvoir. Quand vous aurez changé votre cheval borgne contre un aveugle, croyez-vous que les choses en iront mieux ? Pensez aux petits, aux classes faibles et dépouillées qui souffrent de toutes ces divisions, et dites-vous, dites-vous à toute heure du jour, que le bien ne saurait s’acheter au poids d’un si grand mal : un peu plus ou un peu moins de puissance pour quelques-uns d’entre vous, qu’est-ce à côté de la paix entre frères, et de l’union de tous ? »
La fin de ce discours fut écoutée avec froideur ; le respect qu’on avait pour l’orateur empêcha seul toute manifestation contraire. Le vieux BUFFLE vit bien qu’il n’avait convaincu personne. « La guerre civile mène au despotisme, et non à la liberté, » dit le sage vieillard en reprenant tristement sa place.
– Sommes-nous au sermon ! s’écria le LOUP-CERVIER.
Il va sans dire que Messieurs les conjurés ne s’arrêtèrent pas en si beau chemin. Il n’y a jamais tant d’orateurs que quand les affaires vont mal. Après les discours du BISON et du BUFFLE, vint celui du SANGLIER, qui parla tant qu’il eut de la voix, « et avec une telle éloquence, dit le Journal de la Réforme, que notre sténographe lui-même, partageant l’émotion générale, se trouva hors d’état de tenir la plume. »
Nous en restons là de nos citations ; et si Messieurs les révoltés veulent bien nous le permettre, nous allons compléter ce récit avec des détails authentiques, que nous tenons d’un FURET de nos amis qui s’était imprudemment laissé entraîner à cette réunion dont il avait été, du reste, bien loin de prévoir le but :
Il ne s’agit pas d’aboyer, ici, mais de mordre.Pendant trois heures, et sans respect pour le lieu où l’on se trouvait, sans respect pour les morts, les salles tremblèrent sous un tonnerre continu, incessant, indescriptible de cris, de trépignements, de grognements et d’applaudissements. Cent cinquante-deux orateurs parlèrent successivement ! ! ! « On put les voir, mais non les entendre (Dieu merci !). » Notre correspondant ajoute que, depuis la première assemblée, l’art de crier, de siffler et de hurler, a fait des progrès inimaginables, et qu’en Angleterre, même dans le plus turbulent des meetings, on ne trouverait rien qui pût approcher de ce qu’il a vu et entendu.
Un de ces pauvres vieux CHIENS, qui n’ont plus guère d’illusions et qui se font un titre de leur indifférence, même, pour entrer partout, se trouvant là, essaya de se faire écouter.
– Si nous sommes vaincus ? disait-il.
– Pense aux coups à donner, et non aux coups à recevoir, lui répondit le SANGLIER avec cette brutalité de manières qu’on lui connaît.
– À la porte, le CHIEN ! s’écria l’HYÈNE, en le regardant de travers. Il ne s’agit pas d’aboyer ici, mais de mordre : va-t’en !
– Monsieur est un mouchard, dit une petite voix flûtée, celle de la FOUINE.
Le prudent Animal n’en écouta pas davantage, il eut le bon esprit de sortir philosophiquement par la fenêtre qu’on voulait bien lui ouvrir. – Qu’il arrive par hasard à un pauvre diable d’avoir raison, soyez sûr qu’on ne l’écoutera pas.
– Mais le peuple aime les rédacteurs, dit le BÉLIER.
– Le peuple les oubliera, répondit le LOUP.
– Et il les haïra, ajouta l’HYÈNE.
– Et s’il oublie ses admirations, il garde ses haines, dit le SERPENT.
– Bêh, bêêh, bêêêêhhh, bêla le BÉLIER, sur lequel chacune de ces paroles tombait comme un marteau.
Tout le monde parlait, et personne ne se répondait. Maître RÉNARD, voyant que, dans ce touchant concert, chacun s’apprêtait à faire sa partie sans songer à prendre le ton de son voisin, et que les choses allaient se gâter, monta sur un bahut, et parvint, non sans peine, à obtenir quelque attention.
– « Messieurs,… dit-il.
– Veux-tu te taire, hurla le LOUP, nous ne sommes pas des Messieurs.
– « Animaux,… reprit le RENARD.
– À la bonne heure, dit le LOUP. Bravo !
– Bravo ! répétèrent tous les assistants.
– « Animaux, nous sommes tous d’accord…
Nous le jurons ! s’écrièrent tous les conjurés.
– Non ! dit une voix à gauche.
– Si ! si ! s’écria une autre voix.
– « Vous le voyez, reprit le RENARD, nous sommes tous d’accord. La question est maintenant nettement posée : il s’agit d’un livre à achever, et de savoir qui parlera ou qui se taira, si ce sera une COULEUVRE OU un SERPENT, une OIE ou un DINDON ?
– Très bien ! s’écria l’OIE.
– Très bien ! dit le DINDON.
Le RENARD continua :
– « Animaux, cette question est si grave, que je suis d’avis que nous fassions ce qu’on a coutume de faire quand on n’a pas une minute à perdre : prenons nos aises et ajournons la discussion. Cette séance, qui d’ailleurs n’aura pas été perdue pour la bonne cause, nous a tous fatigués, et nous ferons bien d’en rester là pour aujourd’hui. Mais jurons que demain, avant que l’astre du jour ait achevé sa carrière, cette grave question aura reçu sa solution.
– Nous le jurons ! s’écrièrent tous les conjurés.
– « C’est bien, dit le RENARD ; et maintenant que chacun s’aille coucher, et se demande, au moment de s’endormir, comment il convient que d’honnêtes Animaux s’y prennent pour faire une petite révolution qui profite a tout le monde sans gêner personne. La nuit porte conseil, et demain à pareille heure nous prendrons une détermination. »
L’avis du RENARD fut adopté. Le sommeil parlait avec lui et gagnait tout le monde. La séance fut levée…
Notre correspondant prétend avoir remarqué que maître RENARD faisait à chacun des saluts enflés de magnifiques paroles, et qu’il abandonna la salle le dernier.
– Cela va bien, dit-il tout bas à une petite FOUINE de ses amies, cette eau coule parfaitement.
– Et demain elle coulera mieux encore, Monseigneur, repartit la FOUINE en minaudant.
C’est ce que nous verrons, Monsieur le RENARD. Nous connaissons vos projets, et nous saurons les déjouer.
Nous laissons aujourd’hui la parole aux évènements, chacun fera la part des responsabilités.
La patrie et la publication sont en danger.
Une foule immense se presse aux portes de la rotonde ou le discours du BISON a été affiché. On ne reconnaît plus les cabanes, tant elles sont chargées de drapeaux et de placards séditieux ; on trouve un cours complet de politique sur les murailles, et le nombre des mécontents s’accroît de minute en minute. L’occasion est le tyran des gens faibles : les groupes se grossissent, surtout de GOBE-MOUCHES, de BÉCASSES, de BUSES, de GROS BECS, de DINDONS et autres bêtes altérées d’encre. Des processions de factieux parcourent les allées en chantant, et en sifflant des refrains séditieux. Un SINGE, indigne de ce beau nom de SINGE, s’est fait un casque d’une casquette volée à son gardien, et un drapeau d’un mouchoir à carreaux rouges volé à ce même gardien. Sur cet étendard, on lit ces mots : « Vivre en écrivant, ou mourir en se taisant. » La b***e la plus nombreuse est conduite par trois manchots qui s’en vont bras dessus bras dessous, guidant l’émeute, faisant arracher les écriteaux, briser les palissades et forcer les cages des Animaux nés dans la ménagerie, sous prétexte qu’il faut s’assurer de leurs sentiments politiques : on fait main-basse sur les mangeoires, et on n’y laisse que la faim. Ces trois manchots obéissent aux ordres secrets du RENARD qui pense (avec d’autres) que le courage de certains Animaux est au fond de leur auge. « Affamez-les, dit-il, et vous en ferez des héros. » Personne, du reste, ne connaît ces trois manchots ; on ne sait ni d’où ils viennent, ni ce qu’ils veulent, mais on les suit. Sainte confiance !
On trouve un cours complet de politique sur les murailles.On ne sait d’où ils viennent ni ce qu’ils veulent, mais on les suit. Sainte confiance !Chacun rendra justice à notre modération : nous avons tout fait pour arrêter l’effusion du sang, et nous avons reculé tant que nous l’avons pu devant les désastres de la guerre civile ; mais nous serions coupables et véritablement traîtres à notre mandat, si nous ne savions pas opposer la violence elle-même à la violence.
Force doit rester à la loi, force restera donc à la loi.
En conséquence, nous avons publié l’ordonnance suivante :
« 1° Le Jardin des Plantes est déclaré en état de siège.
« 2° Le prince Léo, dont on avait à tort annoncé le départ pour l’Afrique, est nommé généralissime de nos armées de terre. Il a juré d’exterminer tous les MOUCHERONS, ces éternels ennemis de sa race et de tout ce qui est grand. Il aura à se concerter avec le seigneur BOURDON, pour prendre avec lui les mesures qui peuvent assurer le triomphe de l’ordre.
« 3° Le rappel sera battu à la porte de toutes les cabanes. Entre les pattes de notre vieux Lièvre, le tambour réveillera les mieux endormis.
« 4° Tout bon citoyen devra quitter immédiatement sa femme, ses enfants, son râtelier, son gobelet, son perchoir et sa litière, s’armer de son mieux, prendre les ordres de ses chefs, pour être de là dirigé partout ou besoin sera, et se tenir enfin prêt à vaincre ou à mourir pour nous. »
Nous remercions les bons citoyens de l’appui qu’ils veulent bien nous donner. De tous les quartiers voisins, des amis dévoués nous arrivent ; nous avons vu accourir sous les drapeaux tous les Animaux qui ont un intérêt direct au maintien du statu quo : nos rédacteurs, nos employés, nos serviteurs, tous ceux enfin qui ont reçu et ceux surtout qui espèrent quelque chose de nous.
Plusieurs buissons d’ÉCREVISSES, échappés par miracle des prisons de Chevet et conduits par un valeureux CANCRE, sont venus nous offrir le secours de leurs vaillantes pinces.
« En avant, marchons Tous à reculons… »Tel est le cri que poussent ces braves auxiliaires en se préparant au combat.
Nous n’attendions pas moins du bon esprit qui anime la population animale, et nous étions sûrs que notre appel serait entendu.
Pourtant, nous signalerons à l’indignation publique la réponse des petits OURS de la fosse n° 2, et celle des RATS.
La réponse des deux petits OURS de la fosse n° 2 fait bien mal augurer de l’avenir de ces deux jeunes Quadrupèdes.
– Vous êtes de beaux petits OURS, leur dit l’éloquent CRAPAUD que nous leur avons député ; chacun se doit à sa patrie : venez vous battre ; si vous n’êtes pas tués, vous vous couvrirez de gloire. – J’aime mieux jouer à la boule, répondit l’aîné. – J’aime mieux ne rien faire du tout, répondit le plus jeune ; ou prendre un bain, si maman veut, ajouta-t-il en regardant sa mère. – Va, lui dit la mère. – Madame, s’écria notre honorable envoyé, à Rome, les mères avaient moins de faiblesse, et leurs enfants n’en valaient que mieux. Ô temps ! ô mœurs ! ô Cornélie ! ô Brutus !
Quant aux RATS, nous ne trouvons pas de termes qui puissent traduire le mépris que nous a inspiré l’égoïste langage de ces misérables.
– Pourquoi diable voulez-vous que nous combattions ? dirent-ils. Quand on n’a rien à conserver, on n’a rien à perdre. Faites vos affaires tous seuls, puisque vos affaires ne sont pas les nôtres.
« Chacun se doit à sa patrie ! »– Tout est perdu ! s’écria un BLAIREAU en entrant ce matin dans notre cabinet de rédaction ; les insurgés se sont emparés de la cour de l’amphithéâtre.
Altérés par cette funeste nouvelle, nous finies mander le prince Léo.
– Ils ont pris la cour de l’amphithéâtre, dit ce grand général, eh bien, qu’ils la gardent !
L’attitude ferme du prince nous rassura complètement ; en effet, ce profond tacticien avait son idée. À l’heure qu’il est, les révoltés sont enfermés dans cette cour qu’ils ont prise et qui leur servira de tombeau. Toute issue leur est fermée. L’armée ailée a vainement essayé de les dégager ; tous les efforts du Scarabée HERCULE ont été repoussés par le seigneur BOURDON.
Nous n’avions jamais désespéré du triomphe de l’ordre.
Parmi ceux qui se sont les plus distingués dans cette circonstance, nous mentionnerons le voltigeur *, le grenadier **, et surtout le caporal TROIS ÉTOILES. Ce dernier descendait la garde et rentrait chez lui après un service très fatigant, quand il s’aperçut, en passant à côté d’un poste, que le factionnaire qui devait l’occuper l’avait abandonné ! ! ! Indigné, et ne dédaignant pas, dans son zèle, de descendre au rôle de simple chasseur, ce vertueux caporal prit bénévolement la place du coupable factionnaire, fit, par un froid de quatorze degrés, trois heures de faction, et s’enrhuma… En récompense de sa belle conduite, le caporal TROIS ÉTOILES a été nommé sergent.